De la beauté perçue à la beauté ressentie
La saturation des marchés des biens de consommation dans les pays développés, et notamment de l'univers de la beauté, est liée à une trop forte banalisation des produits proposés. Cette double évolution peut être constatée à travers des taux de croissance très faibles et une stagnation des fréquentations en point de vente.
Retrouver de la croissance passera de plus en plus par de nouvelles
approches réellement en rupture et envisagées sur le long terme. A l'inverse,
les démarches plus traditionnelles, comme, par exemple, la déclinaison des
produits inspirés du botox, sont plus court-termistes car ne provoquant ni
rupture ni création de marchés nouveaux. Ainsi, leur succès repose davantage
sur une hausse des investissements publi-promotionnels que sur l'éducation à
une nouvelle démarche. En restant dans la sphère de la beauté perçue, les
industriels de la cosmétique les plus importants laissent à d'autres, et
notamment ceux de l'électroménager ou du textile, le privilège de la captation
des nouveaux consommateurs. Parmi les principaux relais de croissance
récemment identifiés, citons le transfert de service à valeur ajoutée. Quelques
exemples historiques et réussites récentes : - Blanchiment des dents et
"dentist alike" ; - Electro-Beauté : la micro dermabrasion. - A titre plus
anecdotique, extension des premiers essais de transfert : des bas-collants
hydratants vers les T-shirts qui répondent au même concept. Les relais de
croissance mentionnés sont d'autant plus porteurs dans les pays où la beauté
est traditionnellement moins liée à une image et davantage à une perception,
Etats-Unis et Japon vs Europe. Toutefois, cette démarche peut être une menace
pour les industriels qui tarderaient à refuser l'évolution de la marque de
projection vers la marque de communauté et d'éducation (Knowledge
Marketing®).
Transfert de services additionnels : des exemples historiques à reproduire
Depuis déjà de nombreuses années les
services additionnels percent lentement en France : coiffure à domicile, centre
d'épilation, solarium, onglerie. Or, le potentiel de croissance a toujours été
freiné par un manque majeur : l'absence de marque forte. Dans les univers
précités, les marques traditionnelles ont accéléré le transfert à domicile de
réussites issues des points de vente. Les tentatives les plus récentes sont
portées par des marques fortes (Procter & Gamble ou Philips). 1- Blanchiment
des dents La récupération par Crest du blanchiment effectué par le dentiste. La
marque leader de Procter & Gamble a récupéré un savoir-faire professionnel pour
le rendre disponible au plus grand nombre tout en augmentant très sensiblement
son prix de vente unitaire : de 2 à 20 E. Crest est ainsi passé d'un dentifrice
lambda concurrencé par l'ensemble du marché, dont une forte présence de marques
distributeurs (MDD), à un produit au positionnement unique et exclusif. 2-
Electro-Soin à domicile Les activités traditionnelles de l'institut de beauté,
telle que la micro-dermabrasion, sont transférées à domicile avec, notamment,
des versions compactes d'appareils électroniques depuis longtemps disponibles
en institut. Ainsi, en Asie, la moitié du principal salon professionnel, le
Cosmoprof, est réservée à la vente de ce type de matériel. Il est intéressant
de noter que, sur les trois principaux marchés mondiaux, ce segment a été capté
par les fournisseurs de l'électroménager. Japon : marques dédiées et notamment
fournisseurs de l'institut. Etats-Unis : industriels généralistes du petit
électroménager (Conair). Europe : industriels du petit électroménager connotés
Beauté (Philips Beauty). Afin d'éviter le phénomène de copie rapide, cette
double démarche s'inscrit dans le long terme. En acceptant un réel changement
de paradigme, qui peut passer par une multiplication par dix du prix de vente
facial (P & G), mais aussi en s'assurant la fidélité du consommateur par la
vente de package complet : support + recharge. Or, la maîtrise du contenant et
du contenu est une démarche innovante de la part d'industriels des biens de
consommation plutôt habitués à la seule maîtrise du contenant. Les industriels
du textile, confrontés au terrible défi des coûts de fabrication et de la
distribution verticale, cherchent à étendre les applications de leur
savoir-faire. A la pointe de cette recherche, on trouve notamment l'Institut
Français du Textile à Lyon et, aujourd'hui, arrivent du Japon les premiers
T-shirts hydratants et blanchissants. Cette démarche renforce la notion de
beauté ressentie, qui semble en phase avec la croissance du bien-être, vs la
recherche de statut qu'incarne la beauté projetée. Toutefois, cette évolution
restera lente car ces nouveaux produits s'adressent aux consommatrices les plus
fortunées et perfectionnistes. Ils peuvent aussi être la réponse tant attendue
par le marché des seniors. Seniors, qui refusent toujours le ghetto des
produits qui leur sont spécifiquement destinés.