Couleur... Brisez les tabous !
Les couleurs d'un nouveau packaging sont malheureusement trop souvent empruntées à des teintes déjà utilisées par les principaux acteurs du marché. Cette habitude relève d'une doctrine marketing qui affirme qu'il existerait des codes de marché établis selon la nature des produits. Cette perception restrictive du rôle de la couleur entraîne de plus en plus l'uniformisation visuelle de l'offre. Or, la couleur s'avère le meilleur moyen d'affirmer sa différence.
A en croire la majorité des briefings qui nous sont remis par les services
marketing, il y aurait des codes couleurs de marché à respecter sur le décor
des emballages des produits. Dans les rayons de la grande distribution, selon
la nature de la marchandise qui est présentée, il se serait instauré au fil du
temps des conventions tacites entre les marques, leurs produits et les
consommateurs. Les couleurs constitueraient une sorte de langage parfaitement
compris et reconnu... D'où l'obligation pour les designers qui conçoivent les
packagings de choisir impérativement dans leur création, telle ou telle teinte
du cercle chromatique et de s'interdire telle autre. Conséquence de cette
pratique : dans la plupart des cas, le challenger adopte purement et simplement
les teintes dominantes du leader. Généralement, les designers restent
scrupuleux : ils prennent soin de s'éloigner plus ou moins des coloris du
concurrent imité, ceci, tant au niveau de la tonalité que de la densité. Cette
précaution élémentaire est prise, bien entendu, pour ne pas courir le risque
d'être accusé de plagia... Si le résultat visuel peut satisfaire les juristes,
est-il aussi pertinent pour le profane, le client perdu qui cherche
désespérément ses produits dans les linéaires ? Pensez-vous que, sous les
lampes au néon de son magasin, il parvient à distinguer toutes les nuances
subtiles d'une même couleur ? Un rouge savamment composé, qu'il vire vers le
jaune ou vers le bleu, clair ou obscur, reste un rouge, noyé au milieu de tous
les rouges de la concurrence...
Oser la rupture
La
pensée marketing qui tend à vouloir standardiser les couleurs par marché va à
l'encontre du souci de clarification de l'offre qu'elle vise. Son application
est sans doute l'une des raisons qui pousse les clients des hypermarchés à se
plaindre du manque de différenciation des produits sur les linéaires. En effet,
aujourd'hui, lorsque nous observons objectivement les rayons, force est de
constater que la majorité des produits d'une même famille est en général
enfermée dans un éventail coloré, uniforme et monotone. Cependant, en matière
de communication graphique, la couleur est l'élément le plus discriminant qui
soit. Certains exemples démontrent clairement l'efficacité d'une rupture des
codes couleurs pour faire émerger une nouvelle offre produit sur un marché
mature. Prenons le marché des shampooings cosmétiques. Avant l'arrivée
tonitruante de Fructis et de son vert fluo, c'était faire une faute de goût que
de penser une couleur autre que douce, aux accents pastel et aux effets nacrés.
Cette nouvelle touche acidulée a pu apparaître choquante au départ, mais c'est
elle qui a permis à la marque naissante d'émerger dans un rayon surencombré et
de trouver ainsi immédiatement sa cible. Dans un tout autre registre, observons
le cas de Blanco, le leader du marché des activateurs de lavage du linge. La
fusion des sociétés Reckitt & Colman et Benckiser a donné à cette marque
l'opportunité de s'implanter rapidement sur un nouveau secteur, celui des
détachants. Mais la problématique n'était pas simple. Les étagères étaient déjà
bien occupées par des marques fortes et reconnues, dont les dominantes couleurs
étaient le bleu et le blanc, exactement les mêmes nuances que celles des
activateurs Blanco. En adoptant un rose vif et saturé comme teinte de fond, la
marque a bien distingué ses nouveaux produits du reste de son offre classique,
tout en conservant son logotype sur fond bleu. Ainsi, ce choix audacieux n'a
pas perturbé la clientèle acquise. Mais, surtout, il a rendu fades les
packagings des concurrents en communiquant une nouvelle vision du détachage :
du linge plus éclatant...
Rompre les codes
Pour se
faire une place à côté de son éternel rival Coca-Cola, Pepsi a aussi adopté une
stratégie de démarcation par la couleur. Après avoir viré au bleu sur le décor
de ses packagings, le challenger va encore plus loin avec Pepsi Twist, son
prochain lancement. La marque abandonne la transparence ; ses bouteilles ne
laissent plus apparaître la teinte brune de la boisson. Ces nouveaux
conditionnements sont teintés dans la masse d'un bleu métallisé éclatant. Nul
doute que cet effet encore plus vif se remarquera dans les rayons. De fait,
même si la forme globale d'un packaging se distingue avant sa couleur, c'est la
couleur qui donne sa vie à la forme. Perrier Fluo en est une preuve
indiscutable. En reprenant la forme identitaire de sa bouteille verte et en la
recouvrant de couleurs "flash", Perrier arrive à signifier aux yeux de tous une
boisson d'une toute autre nature pour une cible radicalement différente. La
couleur est l'énergie du packaging. Son choix doit être prioritairement lié à
un objectif de différenciation. Si, sur la large palette inutilisée par vos
concurrents, une couleur puissante peut vous permettre de vous singulariser,
n'hésitez pas une seconde à vous l'approprier, sans le moindre a priori.