Confusion des générations Peut-on encore parler d'âge ?
Plus de rituel de passage, plus de “premières fois” à un âge fixe, plus de modèle unique qui conduise de l'enfance à la vie adulte. Tandis que les enfants grandissent à vitesse grand V, les seniors retrouvent une seconde jeunesse. Résultat : un télescopage des générations qui brouille les pistes et les schémas.
C'est un véritable casse-tête. Les sociologues planchent comme un seul
homme sur la question. Quant aux instituts d'études, ils re-segmentent année
après année leurs typologies. Face à des enfants qui veulent être perçus comme
des grands, tandis que les adultes rejettent leur maturité et que les seniors
aspirent à une seconde jeunesse, plus aucune typologie, basée sur l'âge, ne
tient la route. Le véritable schéma, c'est qu'il n'y a plus de schéma stable.
Parlez donc des jeunes, alors que vous n'avez que quarante ans, et vous serez
classé automatiquement dans la catégorie des “vieux c…”. Un “vieux de 55 ans”
au bureau sera un “jeune père gâteau” à la maison, etc.
Comment en sommes-nous
arrivés là ? « Auparavant, les gens avaient un chemin tout tracé, balisé :
l'âge de la première cigarette, du premier flirt, le service militaire, le
premier emploi, la première femme, le premier enfant… Toutes ces choses qui
étaient des rituels de passage très marqués. Or aujourd'hui il n'y a plus de
rituels de passage. On est dans une période de brouillage », explique Robert
Ebguy, sociologue et directeur de recherches au Centre de Communication Avancée
International. Ce brouillage commence très tôt. Selon Pascaline Petit,
directrice du pôle consulting de Regenere, agence de communication spécialiste
des moins de trente ans, « dès le premier âge, l'enfant est complètement pris
en compte comme un individu à part entière. C'est le noyau de la famille. »
Le culte de l'enfant roi
Pour la génération post-Dolto, la fameuse phrase “Le bébé est une personne, le bébé est un
individu” est parfaitement intégrée. D'autant que les couples ont de moins en
moins d'enfants… Toutes les attentions portent donc sur l'enfant unique. « Il
va très vite s'instaurer un rapport qui va être moins un rapport d'adulte à
enfant qu'un rapport d'individu à individu ». Résultat : l'enfant roi ayant
pour parents des copains ne peut que se chercher, vieillir plus vite pour
opérer dès l'adolescence un retour vers la prime enfance. « Les parents
traitent très vite leurs enfants comme des grands. Assez naturellement, on
brûle les étapes », confirme Armelle le Bigot fondatrice de l'institut d'études
ABC+. « Le stress et la pression des parents ajoutés à la nécessité absolue de
résultats accentuent forcément ce phénomène, ajoute Mme Lebouché, directrice
d'une école élémentaire à Paris. Les enfants ont des emplois du temps de
ministre et n'ont plus le temps de jouer ou de rêver. » « Pourtant, prévient
Florence Guémy, directrice ajointe de Bayard Jeunesse, il faut respecter en
chaque enfant le rythme qu'il a envie de se donner. »
Et Robert Ebguy de
pointer du doigt les médias : « Il n'y a plus de statut d'innocence, de
préservation de l'enfance. On est dans un système où la publicité met les
enfants en scène, ce qui entretient la confusion. » A l'âge où l'on joue à la
poupée et où le doudou est toujours le compagnon des gros chagrins, les petites
filles s'habillent en véritable lolitas, poussant le phénomène jusqu'à porter
des strings dès 8 ans ! Une attitude nuancée par Odile Amblard, rédactrice en
chef adjointe d'Okapi. « Le phénomène lolitas n'est pas massif. Il correspond à
un phénomène d'identification à certaines starlettes comme Lorie. Cela ne veut
pas dire que les petites filles sont plus grandes dans leur tête. Elles
adoptent des codes pour se grandir extérieurement sans vraiment comprendre ce
que cela peut signifier aux regards des hommes. Elles n'ont pas décodé qu'elles
affichent des valeurs qui ne sont pas les leurs. »
Des enfants confrontés au monde des adultes
En réalité, les enfants et les
adolescents n'ont donc « pas hâte de grandir, note Odile Amblard. Au contraire,
ils ont une conscience très vive de la difficulté du monde, du terrorisme, du
chômage, de l'insécurité. Mieux informés que leurs parents ne l'étaient à leur
âge, ils sont confrontés très tôt aux difficultés de la vie et à des
informations angoissantes. L'enfance n'est donc plus un cocon protecteur. » Il
n'y a qu'à se pencher sur le début d'année 2005. En quelques mois, les enfants
et adolescents ont violemment été confrontés aux images du tsunami, du 60e
anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, à la montée du chômage… Face
à cette réalité insoutenable, ils adoptent des stratégies de protection et vont
chercher dans l'univers virtuel un monde dont ils sont les maîtres. Le succès
d'un jeu comme SimCity atteste de leur besoin de contrôler la situation tout en
s'adonnant à l'activité primaire de l'enfance : le jeu. « Il y a une sorte de
refus de perdre sa part d'enfance. On la conserve pour aller y puiser, comme
une sorte de réservoir d'émotions, de créations et de jeux. Un bon shoot
d'enfance remet de la vitalité dans un monde qui a tendance à l'évacuer »,
analyse ainsi Robert Egbuy.
C'est là un véritable imbroglio. A force de vouloir
se vieillir en apparence tout en restant enfants dans leur tête, à force de
vouloir brûler les étapes, les adolescents redeviennent finalement de grands
enfants pour se muer ensuite en “adulescents”, mi-adultes, mi-adolescents. Ils
inventent ainsi leur chemin avec leurs références bien à eux. N'habitant ni
tout à fait chez leurs parents, ni complètement chez eux, ils font un premier
pas vers l'autonomie en s'installant dans un appartement payé par papa-maman et
en rapportant leur linge sale à la maison. Cet éternel aller-retour entre deux
mondes, celui de l'enfance et la maturité, constitue un véritable problème pour
les annonceurs qui, à moins de faire preuve de sérendipité, peinent à
appréhender la complexité de cette population.
Comment en effet cerner les
attentes d'une cible qui évolue constamment et qui, au final, n'a plus vraiment
d'âge ? En début d'année, NRJ a ainsi lancé NRJ Lab, une cellule de veille
marketing sur les tendances jeunes pour mieux cerner cette cible qui bouge très
vite et à qui l'on ne sait plus parler (voir encadré p. 12). « Il faut savoir
que les jeunes ne sont plus gouvernables, annonce d'emblée Florence Hermelin,
responsable marketing de NRJ Lab. On n'est plus dans la hiérarchie du savoir.
Avec les nouvelles technologies, ce savoir est renversé. Ce sont les enfants
qui apprennent aux parents. » Ces fameux adulescents sont en outre de plus en
plus nombreux à devenir parents avec un vieux slogan comme leitmotiv : “Il est
interdit d'interdire”.
Parents complices, parents copains
« On est dans une société où la punition a mauvaise
presse, poursuit Pascaline Petit. Le conflit renvoie à une image de parents à
l'autorité déficiente. C'est justement parce que l'autorité n'existe pas à la
maison, que les parents veulent à tout prix être cool, qu'elle existe à la
télévision, via des émissions comme Le Pensionnat de Chavagnes et Super Nanny.
» Pour ne pas vieillir, ces nouveaux parents refusent de faire preuve de
quelque autorité que ce soit. Pascaline Petit ajoute : « Cette envie de partage
des parents est, sur le papier, assez positive. Mais, quand on tombe dans
l'adoration, cela provoque nombre d'effets pervers. On devient ado de plus en
plus tôt et adulte de plus en plus tard. Après l'adolescence, cette tension
fusionnelle devrait prendre fin. Mais les ados n'ont pas forcément de raison ni
de motivation pour rompre cette situation finalement assez confortable. Si l'on
pousse la caricature, cela donne du Tanguy. » Que deviendront ces enfants ?
Pascaline Petit voit trois options pour l'avenir : « Cela risque de créer des
adultes mal préparés. Ou alors, le passage à l'âge adulte se fera
douloureusement. » Troisième possibilité, de loin la plus positive : « Des
adultes différents qui vont peut-être réussir à instaurer de nouvelles valeurs,
un nouveau rapport parents/enfants, de nouveaux repères que la génération
d'aujourd'hui a perdus. C'est peut-être juste une phase de transition. »
Confusion des générations
Le phénomène n'est pas récent. En 2000, le psychanalyste Tony Anatrella fustigeait, dans un hors-série du Nouvel Observateur, la confusion des générations responsable d'une perte de
repères. « Les jeunes sont valorisés par des adultes narcissiques qui ont
abandonné leur rôle de guide », écrivait-il. Il est vrai que l'allongement de
l'adolescence, devenue la référence pour tous, conduit à l'effacement du
marquage générationnel. « Jusqu'à 22 ans, on se vieillit. A partir de la petite
vingtaine, on cherche à se rajeunir, analyse Jean-Yves Rouaux, rédacteur en
chef de Seniorscopie. Le pic est atteint autour de 65 ans où la différence
entre l'âge que l'on a vraiment et l'âge social est énorme. » Rémy Oudghiri,
directeur des Observatoires chez Ipsos Observer, parle même de « grand
bouleversement des âges de la vie, dû à la fois au vieillissement de la
population, aux progrès de la médecine, ainsi qu'aux droits individuels
reconnus de plus en plus tôt. » Et d'ajouter : « Les enfants consomment de plus
en plus tôt, devenant ainsi des ados avant l'heure. Les jeunes, quant à eux,
refusent très tôt de grandir et se réfugient dans l'enfance. A 18 ans, on est
même plus nostalgique que ses parents ! Enfin, si les seniors ont toujours un
rôle de transmission, une proportion non négligeable d'entre eux n'ont d'autres
ambitions que de profiter de leur temps libre. »
Le culte de la jeunesse
aidant, l'âge ne permet plus de marquer les frontières. « La césure entre les
générations n'a plus lieu d'être. Il n'y a qu'à se pencher sur les produits à
destination des moins de 35 ans qui restituent l'univers des 35-59 ans »,
analyse Stéphane Abecassis, responsable marketing opérationnel de NRJ. Sacs US,
Scooter Piaggio, Converse… illustrent la tendance accentuée par les familles
recomposées. « Aujourd'hui, l'allongement de l'espérance de vie contribue aussi
à la confusion des générations, puisque des familles se recomposent et que des
grisons épousent des personnes plus jeunes que leurs filles, illustre Jean-Yves
Rouaux. C'est ce que j'appelle le complexe californien. » Et d'ajouter : « Les
enfants issus de pères d'un âge avancé ne sont plus l'apanage de célébrités
comme Montand ou Mitterrand. » Si les pères manifestent leur refus de vieillir
en se remariant avec des femmes bien plus jeunes, les mères font clairement un
transfert sur leur progéniture. C'est extrêmement perceptible dans le succès de
la campagne publicitaire pour la marque de textile Comptoir des Cotonniers, où
mère et fille jouent la confusion à l'envi. Mais aussi dans le lancement de
titres comme Milk ou Extra Small qui surfaient sur le clônage générationnel.
Les marques ont bien compris cette tendance au mimétisme. Petit Bateau habille
les 7 à 77 ans et Lulu Castagnette, après avoir ciblé uniquement les jeunes
filles, a élargi ses collections aux femmes. « En s'habillant plus jeunes, les
mamans retrouvent dans notre collection des références de mode actuelle et des
éléments de petites filles, de leur propre enfance », explique Charles Lahmy,
P-dg de la marque au nounours. Et d'annoncer que, dès cet été, la collection
sera plus féminine : « On va mettre un peu de Castagnette dans le Lulu. » Les
trentenaires, génération régression S'il n'y a plus de frontière entre enfants,
préados, ados, jeunes adultes, les majors ou seniors ne sont pas en reste.
Ra-jeu-nissez. Tel pourrait être d'ailleurs leur nouveau mot d'ordre. Preuve
s'il en est, les pays développés enregistrent une expansion sans limite de
l'industrie cosmétique, de la chirurgie esthétique et plastique, des cures
thermales et de la thalassothérapie. Plus de la moitié des clients de la
thalassothérapie sont des seniors
en quête d'un corps rajeuni.
Pourquoi un tel engouement pour la jeunesse ? L'opinion
et les médias ne manquent pas de créer des modèles. Idem dans le monde de
l'entreprise où les salariés sont périmés de plus en plus jeunes. En Suède, 68
% des 55-64 ans sont encore en activité, en France, ils ne sont que 29 % à
avoir encore une place dans l'entreprise (1). Bref, pour vivre heureux en
entreprise, paraissons jeunes. Et donc imitons-les. Pour Robert Ebguy, « l'âge
adulte a perdu de sa capacité d'attraction. Le jeunisme a tout bouleversé. Il
faut toujours apparaître jeune, branché, en pleine forme, au mieux de soi-même,
comme disent les magazines féminins. Vous allez avoir un esprit régulable dans
un corps malléable. Avant, on n'était que schizophrène, on avait une double
personnalité. Maintenant, on est multiphrénique. Dans l'idéal, il s'agit de
choisir sa personnalité en fonction des circonstances, comme de vrais
caméléons. Seuls deux statuts sont enviables dans la société : les jeunes et
les retraités. Ceux situés au milieu subissent toutes les pressions. »
C'est
notamment le cas de la fameuse génération X. Ces trentenaires oubliés des
instituts d'études qui coupent la poire en deux. Avec, d'un côté les 25-34 ans
et de l'autre, les 35-49 ans. Une génération qui, n'ayant plus rien à
transgresser, fait preuve d'une régression qui cache mal un malaise profond.
Ces trentenaires, au demeurant insérés dans la vie professionnelle et ayant des
responsabilités familiales, adoptent des codes tirés de leur plus tendre
enfance : ils se retrouvent dans des soirées Gloubi Boulga, se rendent à leur
travail en trottinette tout en écoutant la musique de leurs dessins animés
préférés, collectionnent les doudous ou les ours en peluche… Et, s'ils sont
parents, c'est avec un plaisir certain qu'ils regarderont avec leurs enfants
les Walt Disney. Avec un bon alibi en prime !
“Plus on vieillit, plus on se rajeunit”
De leur côté, les plus âgés n'aspirent plus,
comme leurs prédécesseurs, à une retraite paisible. Les hommes et les femmes
d'aujourd'hui ne paraissent pas l'âge de leurs parents à ce même âge, et ils se
sentent bien plus jeunes dans leur tête et dans leur corps ! Et pour cause, si
les Français se rajeunissent en moyenne de neuf ans, « plus on vieillit, plus
on se rajeunit », note Catherine Morin, responsable des études marketing senior
chez Interdeco (voir graphique p. 10). Selon la troisième vague de l'étude
Interdeco sur l'âge subjectif, une femme de 40 ans s'intéresse aux produits
d'une femme de 30 ans, quand une femme de 50… achètera les produits d'une femme
de 40 ans ! Alors forcément, les 45 ans sont proches des 30 ans en termes
d'habitudes et de comportements de consommation et les 60 ans et plus sont bien
décidés à vivre leur deuxième âge adulte.
« La consommation des 50-64 ans est
celle des gens de 40 ans, indique Catherine Morin. La consommation de plats
surgelés et allégés, destinés aux femmes actives, est par exemple très forte
chez les plus de 60 ans. » Même schéma pour la retraite qui n'est plus du tout
perçue de la même façon. « Aujourd'hui, une personne qui part à la retraite à
58 ans a vingt ans devant elle pour en profiter pleinement. Ce n'est, en effet,
qu'à partir de 75 ans que l'âge biologique nous rattrape. » Un avis que partage
Stéphane Abecassis : « Etre quinqua aujourd'hui signifie vivre pleinement le
troisième quart de sa vie. » Rien à voir donc avec leurs parents !
Où sont les jeunes, où sont les vieux ?
Pas facile pour
les marques, dans ce contexte, de réussir à toucher les cibles désirées,
puisque ces dernières disparaissent et que les frontières entre les âges
deviennent extrêmement tenues. Dove a bien compris la tendance, s'éloignant des
standards traditionnels de beauté ou d'âge, affichant “Toutes les beautés” dans
sa dernière campagne, et posant directement la question : “Ridée ou radieuse
?”, “Grisonnante ou séduisante ?”. Pascaline Petit ajoute : « Il n'y a plus de
règles. On est dans une société post-moderne où chaque modèle a son intérêt, où
chaque individu est magnifique et merveilleux. Il n'y a plus de jeunes, il n'y
a plus de vieux. » Si les marques de textile ont assez rapidement surfé sur le
couple mère-fille, les autres secteurs s'adaptent doucement à la tendance. Même
les constructeurs automobiles tels Renault, qui explore le syndrome de Peter
Pan avec sa Modus au slogan caractéristique d'un certain état d'esprit :
“Grandir, pour quoi faire ?”. Thalys a, pour sa part, lancé l'opération “Jeune
pour tous” en novembre dernier, permettant aux plus de 25 ans de bénéficier du
tarif jeune. Très révélateur également, le palmarès Ipsos 2004 de la publicité
a récompensé des campagnes en rupture avec le ton des années précédentes,
faisant maintenant la part belle à tout ce qui touche à l'enfance : “Le conte
de Noël” de Ferrero,
“Le cœur de Soupline” ou encore
“La berceuse” de Total. Benoît Tranzer, directeur général d'Ipsos ASI France,
affirme à ce sujet : « Les années 2001-2003 ont sublimé le quotidien, le
concret, la vie de tous les jours, le tout rationnel. Aujourd'hui, les
publicités qui attirent les consommateurs sont celles qui leur permettent de se
projeter dans des univers parallèles, de se construire un monde décalé. Les
consommateurs redeviennent d'une certaine manière des enfants. Ils ont
maintenant besoin de se créer leur propre monde, en parallèle de la vie vécue.
»
Le syndrome Peter Pan dans l'air du temps
Il n'est
donc pas étonnant de voir aux premières places du box-office des films mettant
en scène des enfants, comme Etre et Avoir, Les Choristes ou encore Vipère au
poing. Et on ne compte plus les versions cinématographiques de Peter Pan, le
célèbre héros qui ne veut pas grandir. Un mythe qui prouve qu'être adulte
n'oblige pas à renier sa part d'enfance. « La jeunesse est la seule génération
raisonnable », disait Françoise Giroud. En confondant jeunesse et jeunisme, en
véhiculant à travers leur communication des images et des messages qui
déstabilisent la posture adulte, les marques prennent un risque. Celui d'agacer
les jeunes, de moins en moins tolérants face à des parents, et annonceurs, qui
leur volent leur jeunesse, leurs désirs, leurs singularités. Alors, plutôt que
de flatter mères et pères en leur renvoyant une image d'éternel adolescent, le
marketing n'aurait-il pas intérêt à adopter de nouvelles références ? Relatives
aux moments de vie plutôt qu'à un mimétisme générationnel forcément réducteur,
voire dans certains cas dévastateur. (1) Source Eurostat
Le jeunisme est-il mort ?
Si le jeunisme est bel et bien en plein règne, Ipsos Observer constate néanmoins d'autres modèles émergents. L'enfance ou la fuite : la société témoigne un attachement fort à l'enfant, à travers le succès de films comme Les Choristes ou encore Vipère au poing. Ce culte de l'enfant renvoie à une nostalgie d'une période de la vie symbole de protection et d'insouciance. Les seniors ou le désir de pause : les seniors sont également hors système, comme les enfants. Ils portent des valeurs comme la low-cost attitude, le refus de l'innovation gadget. Ils rejettent une certaine société consumériste. C'est ce qu'Ipsos appelle “l'âge de la liberté”, combinant “hédonisme et détachement”. Les trentenaires ou l'équilibre : le trentenaire est aspirationnel à la fois pour les plus jeunes (puisque symbole du dépassement de la préparation à l'âge adulte, du dépassement des années d'études et du fait de chercher un travail) et pour les quadras qui voient en lui l'âge idéal, où l'on n'est pas complètement installé dans la vie.
NRJ Lab passe les nouveaux jeunes au crible
NRJ a réuni sous la bannière NRJ Lab toutes les expertises, ressources et outils du groupe, afin d'étudier les jeunes de manière transversale et de dégager des éclairages prospectifs sur cette cible. Pour Florence Hermelin, responsable marketing de cette cellule d'études, l'exploration a mis à jour un réel sentiment de supériorité chez ces jeunes. Conscients de leur pouvoir, ils comptent bien l'utiliser pour construire un monde à leur image avec des valeurs fortes tournées vers l'efficacité. Cela passe d'abord par un contrat tacite avec les parents, basé sur une négociation perpétuelle. L'affect passe désormais dans les produits technologiques et les parents, plus proches en termes de centres d'intérêt, sont devenus moins aspirationnels en tentant de leur ressembler pour ne pas vieillir. Les jeunes demandent par ailleurs plus de cadres, de règles, pour plus de respect et de tolérance, des valeurs d'authenticité et de simplicité. Bref, des points d'ancrage simples qui sonnent le glas des surpromesses. Conscients que la société et les marques les épient, les courtisent, ils refusent désormais la vision du monde qui leur est imposée et souhaitent de plus en plus interagir avec elle. Experts en bons plans et savants décrypteurs des systèmes de fidélisation dont ils connaissent la moindre opportunité, ils érigent la débrouille en mode de vie avec un seul objectif : ne pas perdre la face !