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Comment le gratuit peut devenir payant

A l'heure où tous dénoncent «la vie chère», la gratuité n'a jamais été aussi présente dans notre société de consommation. Tant et si bien que certains y voient, ni plus ni moins, le «futur de l'économie». Utopie ou piste à suivre?

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Journaux distribués gracieusement, musique en libre accès, communications illimitées... la tendance est au gratuit. Et le sera encore davantage à l'avenir. C'est la thèse exposée dans un article qui a eu un effet retentissant dans le milieu du marketing: Gratuit. Pourquoi $ 0.00 est le futur de l'économie Free ! Why $0.00 Is the Future of Business, article paru le 25 février dernier dans le magazine Wired. . Le titre est vendeur et émane du grand penseur de l'économie numérique, Chris Anderson, auteur du best-seller du secteur, The long Tail, et rédacteur en chef du magazine américain Wired. Il préfigure son prochain livre, Free, qui devrait paraître gratuitement! en 2009.

Chris Anderson

«La gratuité, c'est ce que vous voulez et, de plus en plus, c'est ce que vous allez avoir.»

De plus en plus de secteurs se mettent au gratuit

L'idée n'est pas nouvelle: le gratuit a toujours été un argument marketing. Mais à l'heure où la société de consommation semble se polariser à ses deux extrêmes? le premium et le lowcost et que le pouvoir d'achat est au centre des préoccupations des consommateurs, la question se pose avec une nouvelle acuité. D'autant plus qu'une nouvelle génération de consommateurs envisage la gratuité comme un phénomène naturel, voire une nouvelle monnaie. Alors comment expliquer et surtout comment profiter de cette «Freeconomics» annoncée? L'origine de cet engouement viendrait de l'économie numérique qui en a fait, en grande partie, son business model. Elle a ainsi converti une nouvelle génération de consommateurs à sa cause. Mais la gratuité n'est pas réservée au Web. Déjà dans le monde entier, elle envahit des secteurs divers, tels que l'alimentaire (au Japon, une entreprise envisage de rendre les boissons des machines à café gratuites en échange du visionnage d'un spot publicitaire), le secteur hôtelier (Wyndham Hotels & Resorts permet à ses clients de tester gratuitement des produits VTech pendant leur séjour) ou l'électroménager (Zanussi-Electrolux a mis à disposition des laveries gratuites lors d'un festival de rock en Slovénie). Un phénomène que le site de tendances de consommation Trendwatching.com nomme «Free Love» pour souligner le lien ainsi tissé entre la marque et ses consommateurs. Celui-ci distingue plusieurs techniques: le «Tryvertising» où les marques offrent des produits en test, ou la «Premiumization» dans laquelle seule une petite partie des consommateurs paie pour des services/ produits haut de gamme alors que la masse bénéficie gratuitement de la version < standard.

@ © Jérôme Moreaux / Fotolia.com/LD

Vers un marketing affinitaire

Derrière ce phénomène, il existe bien souvent un tiers et la gratuité, loin d'être une fin, constitue un simple moyen d'appel. Une façon de séduire le consommateur sursollicité par la publicité classique. Ce modèle est bien connu des médias, mais il peut être transposé à d'autres secteurs car les marques et les produits deviennent eux-mêmes de nouveaux médias, utilisables comme tels par des annonceurs. «Nous sommes passés du marketing proclamatoire fait par les médias de masse à un marketing affinitaire, soit une communication vers des publics. Or la première ressource des marques est leur public», développe Philippe Lentschener, président de Publicis France et auteur de L'Odyssée du prix L'Odyssée du Prix: vie chère, low cost, gratuité, une phénoménologie du prix, Philippe Lentschener, Nouveaux Débats Publics, 2007. . Qui illustre: «Diesel va cibler les jeunes, Adidas les sportifs. Leurs consommateurs sont donc potentiellement une cible publicitaire de choix pour d'autres marques.» Ainsi pourquoi ne pas imaginer un gérant de parking développant un prêt gratuit de voitures financé par une radio ou un constructeur automobile? S'ensuivrait alors une nouvelle interaction entre les marques et, par là même, avec leur public. Malmenés par les médias, les annonceurs trouveraient ainsi une nouvelle voie d'expression et la publicité est, sans doute, appelée à financer de nouveaux services ou produits, offerts gracieusement à leur public. Reste à ne pas rentrer dans un trop-plein de sollicitations rejeté par les consommateurs.

Béatrice HERAUD

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