Comment Cadum a changé de mains
À LIRE AUSSI
«Le souhait de Colgate-Palmolive de se débarrasser de Cadum me semble
découler d'une analyse purement financière due, notamment, à sa volonté de se
concentrer, sur le marché des lavants corporels, sur la marque Palmolive dans
le monde entier. Cela ne me semble pas une démarche dirigée par et pour le
consommateur, constate Gilles Nouailhetas, en charge du développement et du
marketing. J'ai du mal à comprendre que l'on veuille se débarrasser ainsi de
marques qui font un certain chiffre d'affaires et ce, sans aucun
investissement. » En effet, sans faire de publicité depuis plus de vingt ans,
Cadum s'arrogeait, au moment de son rachat, la 3e place du marché du savon en
termes de rotation.
Plusieurs méthodes d'évaluation en lice
« Depuis 3 ou 4 ans, tout le monde dans le métier savait que
cette marque était probablement à vendre, se souvient Gilles Nouailhetas. Nous
avons pris contact avec le vendeur car nous ne voulions pas que cette marque
disparaisse et nous avons entamé le processus de négociations d'achat en
cherchant à comprendre ce que nous achetions. » A partir de là, plusieurs
méthodes se sont affrontées. Celle du vendeur (Colgate Palmolive) : méthode du
Discounted Cash Flow, c'est-à-dire le cash flow généré par les produits vendus
chaque année sur un certain nombre d'années, en général cinq à dix ans. « Le
vendeur cherche à vendre un potentiel. » Celle de l'acheteur : « Il s'agit
d'essayer d'estimer combien cela coûterait de lancer une marque aujourd'hui et
d'atteindre les performances de la marque que l'on veut acheter
(investissements médias + facteur temps) », précise Gilles Nouailhetas. Enfin,
celle des fonds d'investissements qui aident au financement du rachat et qui se
base sur le taux de retour sur investissement que le projet est capable de
générer (généralement sur 7 à 10 ans).
Pérenniser et moderniser la marque
Après un an de négociations (et plusieurs ruptures), la
marque Cadum (avec ses deux références historiques, un savon et un talc) a été
rachetée pour un prix non divulgué. Dans le deal, le vendeur devait s'engager à
reprendre également les marques de savon Donge et Cleopatra. « Ce qu'il faut
éviter est de payer un goodwill trop élevé, recommande Gilles Nouailhetas. Nous
avons racheté le fonds de commerce de Cadum et surtout - et c'est ce qui est le
plus important - la fidélité des consommateurs à la marque. » Un capital image
qui a permis aux repreneurs d'entrer dans le rayon des gels de douche. « Cadum
est une marque familiale, proche des gens, synonyme de douceur. Nous voulons la
pérenniser. Pour cela, parce que nos moyens ne sont pas illimités, nous avons
décidé de garder l'esprit historique de la marque tout en l'ancrant dans la
modernité d'aujourd'hui », poursuit Gilles Nouailhetas. Sur le plan commercial,
la société a choisi le réseau de vente d'Eugène Perma, qui distribuera
d'ailleurs, sous licence, les shampooings Cadum, lancés en juin dernier. « La
valeur de la licence a été calculée selon la moyenne du marché ». En juillet
dernier, la marque est venue se rappeler au bon souvenir du consommateur via
une première campagne TV (agence Business), suivie depuis d'une deuxième vague
(en septembre). « Quand on est petit, conclut Gilles Nouailhetas, on compense
par l'attractivité intrinsèque du produit, la fidélité à la marque. Il faut
nous laisser le temps. C'est à ce prix que nous réussirons notre pari. » Il ne
faut pas oublier qu'il faut au moins deux ans pour être référencé par toutes
les centrales.