Choisir à l'ère du Web 2.0
Le Web 2.0 donne de plus en plus d'idées à la distribution. Le lancement récent des magasins Ranking Ranqueen au Japon est une conséquence directe de la diffusion d'une nouvelle culture de consommation. Les consommateurs ont-ils encore envie de choisir ou souhaitent-ils désormais qu'on les aide dans leurs choix?
En s'inspirant des sites de vente en ligne, Ranking Ranqueen a décidé de mettre en avant les produits qui se vendent le mieux. Le consommateur pressé y trouve les best sellers du moment dans un très grand nombre de domaines: dentifrices, shampoings, parfums, chocolats... Le choix de la majorité devient ainsi un critère essentiel de ses propres choix. Dans un contexte marqué par la surabondance des produits, les consommateurs ont suivi, malgré l'uniformatisation inévitable engendrée par un tel concept. On dénombre aujourd'hui cinq enseignes Ranking Ranqueen à Tokyo et deux à Yokohama.
Méthodologie
Enquête réalisée auprès d'un échantillon représentatif de 500 personnes interrogées en ligne en octobre 2007.
La difficulté de choisir
Quelles sont les chances de succès de ce type d'initiative en Europe? Voyons de plus près le cas de la France. C'est l'objet de la dernière enquête réalisée par Ipsos Marketing pour Marketing Magazine. D'abord, une évidence: il est de plus en plus difficile de faire son choix dans les magasins. La moitié des personnes interrogées admettent être dans ce cas. Le chiffre grimpe à 54% pour les femmes. Et cette situation concerne toutes les générations de consommateurs, y compris les plus jeunes. La multiplication des offres de produits et services est sans doute un bénéfice pour le consommateur, mais qui se paie au prix d'une indécision croissante...
Le jugement de la majorité
Dans ce contexte, on ne s'étonnera pas que 15% des personnes interrogées déclarent consulter régulièrement l'avis des consommateurs sur Internet avant d'effectuer leurs achats en ligne ou en magasin. Cette tendance est, pour l'instant, plus masculine: 17% des hommes le font régulièrement contre 12% pour des femmes. C'est aussi une pratique qui se répand: 20% seulement de l'échantillon déclarent ne jamais le faire! Il y a d'ailleurs un lien entre la consultation des opinions d'autres consommateurs et la difficulté de choisir. 23% de ceux qui ont du mal à décider entre les produits qui les intéressent consultent régulièrement l'avis des autres consommateurs contre 15% en moyenne. Les possibilités offertes par le Web 2.0 apparaissent clairement comme une réponse pertinente face à l'hyperchoix.
Alors, Ranking Ranqueen est-il mûr pour la France?
L'enquête montre que près d'un tiers des personnes interrogées se dit «intéressé» par un tel concept de magasin (27%). On est loin du plébiscite, mais le score n'est pas négligeable compte tenu de l'inexistence de ce type d'offre en France. A noter: le concept intéresse davantage les hommes (32% d'intéressés vs 22% chez les femmes). On tient là peut-être une façon de répondre à leur moindre implication dans le champ de la grande consommation: une offre simplifiée, sélectionnant le meilleur de chaque catégorie et reposant sur le jugement des pairs. En fait, ce type d'offre convient surtout à ceux qui ont du mal à faire leur choix dans les magasins. C'est l'enseignement le plus significatif de notre enquête: 43% des personnes qui trouvent de plus en plus difficile de choisir dans les magasins sont intéressées par ce modèle! Soit quasiment une sur deux. Preuve que le concept est spontanément perçu comme une manière de faciliter leurs décisions d'achat. Reste à faire le tri entre les milliers de catégories concernées: pas sûr que l'uniformisation qui découlerait de l'application d'une telle approche soit transposable à toutes...
PAR REMY OUDHIRI, DIRECTEUR DU PLANNING STRATEGIQUE ET DE LA PROSPECTIVE, IPSOS MARKETING