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Carole Réfabert : « La consommation traduit le besoin de rêver »

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Carole Réfabert, co-fondatrice de l'agence Scopes, grâce à son réseau de correspondants dans les capitales mondiales, observe et synthétise les évolutions culturelles et économiques. Elle commente le pourquoi et le comment de ce goût pour la magie et le merveilleux en recroisant différents champs de la consommation.

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Comment interprétez-vous cet engouement pour le merveilleux ?


Je dirais que l'injonction normative, les règles qui ont organisé la mise en scène de la consommation sur un mode identitaire et social ne correspond plus à la complexité des désirs. La réduction au "dis-moi ce que tu consommes, je te dirais qui tu es" n'est plus de mise. Ces espaces hystériques de la consommation sans perspective s'épuisent.

Quels ont été les signes précurseurs ?


C'est Yves Saint-Laurent qui a commencé à contester la fonction normative du vêtement avec la saharienne et le smoking pour les femmes jusqu'au parfum unisexe CK One. La publicité s'est largement engouffrée sur ce territoire de la transgression et s'est cristallisée sur le sexe. On a ainsi vu des images à connotation zoophile ou sado-masochistes ou qui jouaient sur la douleur avec des cicatrices...

Mais la magie dans tout ça ?


Depuis deux ou trois ans, le succès d'Halloween et de la sorcière sympa n'y est pas étranger. Cet événement international porté par un marketing qui a permis aux distributeurs de trouver un nouveau créneau de consommation a fortement marqué les esprits. De manière plus anecdotique, des produits avant-coureurs, tels des vernis à ongle à choisir en fonction de son signe astrologique, sont apparus. Et aujourd'hui, c'est comme si la morale du progrès linéaire à valeur ajoutée fonctionnelle s'effaçait en faveur de produits à supplément d'âme. Une lassitude vis-à-vis du quotidien et de la multiplication d'images brutes s'est installée. Le phénomène Harry Potter montre que l'imaginaire a besoin pour se nourrir de rêve et de magie.

Cet univers n'est-il pas en opposition avec le monde des technologies ?


Je ne le crois pas. Ils cohabitent tous les deux. Simplement, ce désir de ne pas être juste un petit numéro sur une cible du marketing correspond à la réhabilitation de la singularité de la personne, de son expérience magique individuelle. Les territoires imaginaires ne sont plus dans l'exotisme, l'histoire ou la géographie qui ont fait l'objet de peu d'invention.

Plus qu'à une féminisation du monde, ce phénomène n'est-il pas dû à une mixité grandissante des esprits et des sensibilités ?


Il est vrai que les hommes ont toujours associé ce qui concerne la magie et la sorcellerie au féminin. On peut penser à une prise de pouvoir des femmes dans la consommation mais aussi aux conséquences d'une société paritaire. La reconnaissance de forces cachées est un pied de nez à la suprématie de l'intelligence mécanique et fonctionnelle. C'est aussi la pensée de base du postmodernisme que d'accepter qu'il n'y ait pas des réponses rationnelles à toutes les questions

Quelles vont être les influences sur la consommation ?


Dans nos sociétés, la consommation traduit le besoin de rêver. C'est le coeur du travail du marketing. Et comme la magie fait rêver, nous allons assister à des propositions de produits caméléons, variables, versatiles, rares à utiliser en fonction de son humeur mais qui auront intégré les dernières innovations technologiques.

 
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