Café, le nouvel or noir des marques
2008 sera l'année du café ou ne sera pas. Les Français sont devenus de véritables accros. De nouveaux lieux dédiés voient le jour. Une aubaine pour les fabricants et une opportunité pour de nouveaux acteurs. Le café est bel et bien devenu l'or noir des marques.
Je m'abonneMachines design et de haute technologie, dosettes toujours plus variées, magasins luxueux ou coffee shop tendance, il semblerait que le café sorte enfin de son long sommeil. Certes, le marché du café moulu diminue de 3 à 5% par an. Mais la dosette et les nouvelles habitudes de consommation ont définitivement réveillé le marché. Si l'emblématique Nespresso a fait l'effet d'une bombe, c'est l'ensemble des acteurs qui surfe désormais sur la tendance en rivalisant d'imagination sur la forme, la couleur et les multiples possibilités des machines. «Pendant longtemps, ce marché a manqué d'innovations. Il y avait une très forte communication sur la provenance, mais cela s'arrêtait là», confie Bruno Luisetti, directeur général de Kraft Jacob Suchard France.
Exit donc l'unique choix de l'expresso ou de l'allongé, du robusta ou de l'arabica, le café a, en quelques années, fait sa révolution et est devenu un vrai business lucratif. Kraft (Grand-Mère, Carte Noire, Jacques Vabre, Mawxell), qui a fêté, en décembre dernier, la vente de sa millionième machine en France, vient par exemple de lancer sa nouvelle génération de Tassimo en partenariat avec Bosch. Vendues 139 euros, ces machines seront lancées pendant la fête des Mères, période-clé de ventes de petit électroménager en France. Et seront appuyées par une grosse campagne de publicité destinée à promouvoir les dix-neuf boissons chaudes que la machine Tassimo peut concocter.
Car, pour l'occasion, Kraft Foods étend sa gamme de dosettes en lançant des boissons chocolatées sous la marque Milka. Qui rejoint ainsi Carte Noire pour le café, Suchard pour le chocolat, et Twinings pour le thé. «Le marché est passé d'un seul mode de jabricatton a plusieurs, d'un goût unique à une multitude de possibilités et d'un moment de consommation à de nombreuses occasions», ajoute le directeur général de Kraft. Un avis que partage Jérôme Balay, le directeur général de Lavazza France. «Sur le marché du café, l'enjeu porte évidemment sur les machines, les dosettes ainsi que sur les capsules. Mais cela va au-delà. De nouveaux acteurs s'intéressent désormais à ce secteur d'une façon ou d'une autre.» La marque a décidé, en outre, de développer trois systèmes de machines (Allegra, Blue et Expresso Point). Et continue d'investir le marché puisqu'elle a lancé en septembre 2007 en Italie «A Modo Mio», un système exclusivement réservé aux particuliers qui pourrait arriver en France avant la fin de l'année. Bref, sur ce segment des dosettes, locomotive sur le marché, la bataille est bien entamée.
Avec ses produits vendus en magasin, sur Internet et en boutique, Nespresso rafle la mise puisque les dosettes les plus chères du marché affichent une croissance à faire pâlir les concurrents (plus de 40% par an) . En fait, la filiale du géant suisse entend en permanence créer l'événement et surprendre le consommateur. Notamment en présentant régulièrement de nouvelles machines telles des collections de haute couture. Allant toujours plus loin, la marque a surpris ses clients, fin 2007, non pas en lançant une nouvelle machine, mais en inaugurant son «vaisseau amiral» sur les Champs-Elysées. Certes, le sublimissime George Clooney n'était pas présent. Mais encore une fois, Nespresso a réussi à étonner puisque Sharon Stone l'a remplacé. Doit-on rappeler que cette «boutique» n'est ni une joaillerie, ni un maroquinier haut de gamme? Et pourtant, du point de vue de la communication et du design, le choix des coloris et des matières exprime le luxe et la séduction, chers à la marque. Car voilà, les boutiques jouent un rôle déterminant dans le développement commercial puisqu'elles génèrent près d'un quart des ventes annuelles, et surtout contribuent, selon la marque, à renforcer «durablement les liens avec les clients en complément d'Internet et du téléphone». Raison pour laquelle la marque a pour ambition d'étendre davantage son réseau pour atteindre les 173 boutiques fin 2008.
Créer un circuit direct
Cette stratégie de concentration des points de vente inspire de nombreux acteurs, qu'ils soient rattachés à des torréfacteurs ou complètement étrangers au business du café. Pour augmenter leur chiffre d'affaires, accroître leur notoriété et surtout créer du lien, certains n'hésitent pas à s'installer commerçants, développeurs de boutiques ou créateurs de coffee shop. Sur place ou à emporter, boire un café expresso ou agrémenté d'une multitude de saveurs est devenu tendance.
Cette dernière étant en plein essor et suscitant l'engouement du public, certaines marques n'ont pas hésité à s'associer à ces lieux de consommation. Ou simplement à mettre un pied dans ces nouvelles formes de distribution qui répondent à une évolution des modes de vie. A l'instar d'illy qui a lancé les «espressamente illy». «Ces derniers ne sont pas seulement des lieux de consommation mais une façon de partager notre culture de l'expresso», explique Luigi Tommasini, directeur général d'illycaffè France. En outre, dans les vingt établissements implantés en France et en Belgique, des cocktails froids et chauds à base de café sont proposés ainsi qu'une offre alimentaire de restauration rapide italienne. «Ces endroits très design, à l'image de la marque, sont une excellente plateforme de communication.» Et une véritable vitrine où sont également proposées des machines design, des tasses de collection, de vaisselles et bien sûr, différentes variétés de la marque. Idem pour Malongo qui a créé, sans aucune communication particulière, il y a 15 ans, les «Malongo boutiques» (14 en France dont 4 à Paris), offrant la possibilité d'acheter ou de déguster sur place les plus prestigieux crus de cafés et de thés de la marque.
Coffee shop en série...
«Les cafés frappés et glacés à emporter vont revenir à la mode cet été.» Luigi Tommassini, le directeur général d'illycaffè France en est persuadé. Pour cet expert de l'expresso, le café revient en force et sous toutes ses formes. Notamment à travers le coffee shop qui, s'il est bien présent outre Atlantique, commence à s'installer durablement dans l'Hexagone. Starbucks (41 points de vente en France) en témoigne. Entièrement liée au café sous toutes ses formes, l'enseigne propose une multitude de combinaisons depuis l'expresso traditionnel jusqu'aux recettes gourmandes. Outre les torréfacteurs classiques et la restauration rapide, Coca-Cola revient également en force (en 2003, il avait lancé Planet Java mais a dû mettre fin à l'aventure) sur ce marché, a priori juteux, avec son nouveau concept, Far Coast testé à Toronto et Singapour.
Atlanta et Oslo devraient suivre. Outre un coffee shop classique, Far Coast se veut écoresponsable à travers des économies d'énergie recherchées, des matériaux recyclés ou verts utilisés pour la construction, du papier peint imprimé sur du papier recyclé et la possibilité d'utiliser son propre contenant. Le bistrot n'a qu'à bien se tenir.
Un business à part entière
Sans se lancer dans des points de vente en nom propre, Lavazza a, pour sa part, mis en place une offre de café à emporter dans les cafés-hôtels-restaurants partenaires du torréfacteur. Depuis le 1er janvier dernier, date de l'arrivée de la nouvelle réglementation sur le tabac, les établissements proposent le «Lavazza Go!» qui permet aux clients de boire sur le trottoir ou d'emporter un expresso contenu dans un gobelet. Ces nouvelles offres répondent surtout aux évolutions du marché français en matière de consommation de café. «Le bistrot classique disparaît. Des nouveaux venus sur le territoire des coffee shop, à l'instar des Cojean, Bert's et autres Starbucks ont ouvert la voie à une nouvelle forme de lieux», remarque Luigi Tommassini. Preuve que le café est devenu un vrai business, McDonald's envisage de devenir aussi un acteur majeur sur ce marché lucratif. A son tour, l'enseigne de fast-food va vendre des cafés, cappuccinos et thés frappés dans ses restaurants. Fin 2007, Don Thompson, président de McDonald's Etats-Unis avait, en effet, annoncé «vouloir faire des boissons non plus un accompagnement mais une raison de venir dans les restaurants». Un créneau jusqu'ici dominé par l'américain Starbucks. Mais voilà, «c'est un marché qui est en train de subir une mutation atypique, observe Nawfal Trabelsi, le directeur marketing Europe de McDonald's. Désormais, Le café se consomme a tout moment de La journée et surtout partout». Il s'est, en somme, parfaitement adapté à la nouvelle mobilité des clients. En outre, pour ce dernier, «la nouvelle génération de consommateurs tire le marché. Elle aime les nouveaux goûts et recherche une dimension plaisir plus prononcée». Logique donc que l'enseigne s'installe sur ce créneau en pleine expansion. Mille restaurants vont ainsi proposer avant la fin de l'année six variétés de café au comptoir dans l'Hexagone. De plus, 200 à 400 points de vente proposeront des corners Me café. De quoi combler largement les heures creuses de la chaîne.
De son côté, Starbucks confirme la tendance.«Le monde du café est pleine évolution. Quant au café à emporter, il explose», affirme Odilia d'Aramon, directrice du marketing, pour qui cette nouvelle concurrence ne fait que renforcer la légitimité du coffee shop. Preuve que cet or noir intéresse les marques, toutes les marques, Coca-Cola s'est associé en fin d'année dernière à Illy pour distribuer, en Asie, courant de l'année 2008, un café froid prêt à boire dans une sorte de canette. Le géant américain s'attaquerait également aux boissons chaudes puisque la firme d'Atlanta a ouvert à Toronto le premier Far Coast de la marque, un point de vente test sur le modèle des Starbucks. Le café n'a pas fini d'être l'or noir d'un marché en pleine expansion.