Cadres marketing : l'échappée belle
Le chant des nouvelles technologies, interprété par de "jeunes pousses" convaincantes, suffit à capter les meilleurs cadres marketing des entreprises plus traditionnelles. Ils ont généralement moins de trente ans, mais assez de génie et d'expérience pour offrir leur énergie à des start-up financièrement généreuses, originales quant aux offres produits, et où leur sens des responsabilités pourra s'exercer dès leur arrivée. Si le phénomène semble avoir connu un certain tassement en 2000, les groupes ou entreprises qui se sont fait souffler leur vivier sous le nez ont sérieusement remis en question leur politique en matière de ressources humaines.
Ces mouvements de cadres ne sont pas propres au seul secteur du marketing.
Chasseurs de têtes et DRH le savent : un jeune cadre qui reste plus de quatre
ans au même poste, n'offre pas un CV très excitant. A contrario, on peut
espérer évoluer dans un groupe qui proposera de nombreuses passerelles. Pour
éviter une guerre et ses dégâts, mieux vaut adopter la stratégie de l'ennemi.
En copiant ses méthodes, ou en satisfaisant des besoins non assouvis, on
anticipe d'éventuelles infidélités. Les entreprises les plus traditionnelles
évoluent et se montrent plus tendres avec leurs jeunes recrues. « Les cadres
ont grandi, explique Jean-Pierre Tonial, responsable régional Ile-de-France
Ouest de l'Apec. Ils sont prêts à jouer avec l'entreprise comme elle a joué
avec eux. Il n'y a pas si longtemps, on entendait : Vous n'êtes pas content ?
Allez voir ailleurs, il y en a vingt qui attendent derrière la porte... »
Aujourd'hui, c'est : « Vous me proposez quoi ? Vous me payez combien ? Parce
que la concurrence... ». Dans un contexte favorable, tout est possible, ou
presque. En quittant l'assurance d'une "bonne place" dans une "bonne boîte",
les cadres peuvent tenter l'aventure d'une entreprise toute jeune qui ne
garantit que les six mois à venir. Ils savent, en particulier s'ils sont jeunes
et diplômés, que leur compétence a aussi un prix ailleurs.
Un contexte favorable
Difficile de déterminer les changements de cap
des cadres quittant de grosses sociétés ou PME pour aller vers des start-up,
celles-ci n'étant pas répertoriées comme telles, mais intégrées aux secteurs
des activités qu'elles exercent.
Eric Breux (TPS)
, "L'une des premières motivations de nos jeunes
cadres, c'est la notoriété de la marque"
Pourtant le mouvement général des cadres en matière de recrutement, promotions,
âges et catégories, confirme un rajeunissement et une nette tendance à
l'accroissement pour les secteurs commerciaux et informatiques. Ces fonctions
constituent à elles seules près de la moitié des recrutements sur l'année 99 :
respectivement 25 et 21 % (contre 24 et 19 % l'année précédente).
Parallèlement, c'est le secteur des services qui caracole en tête. Il
enregistre 17 % de hausse, mais un recrutement en baisse de 12 %. 1999 se
révèle l'année la plus positive pour l'emploi des cadres depuis 10 ans, selon
le panel réalisé par l'Apec pour la 24e année consécutive. Si les derniers
résultats ne sont pas encore connus, 2000 confirme la hausse. Selon les
conclusions de cette étude, le volume élevé de départs par démission ou
licenciement, conjugué à un volume important d'arrivées par recrutements et
promotions, semble être désormais une caractéristique durable du marché de
l'emploi cadre. Les départs sont de plus en plus choisis et non subis. La
mobilité volontaire se développe sur un marché de l'emploi de plus en plus
actif.
En patate, pas en rateau
Le cabinet de
recrutement Maesina International Search, spécialisé en marketing et
commercial, mène actuellement une étude pour déterminer les critères avancés
par un candidat pour justifier des raisons de quitter son emploi actuel. « La
première question qu'il se pose est : "Quels sont les éléments du mix dont j'ai
la responsabilité ?", explique Jean-Michel Azzi, P-dg de Maesina. Non seulement
il faut constamment suivre les responsabilités proposées à un cadre, mais il
faut veiller à les faire évoluer vite. En deux ans, on peut avoir fait le tour
d'un poste. » Rapidité de mise en oeuvre des projets, pleine participation aux
décisions, les responsabilités offertes d'entrée dans les start-up ne sont pas
toujours un miroir aux alouettes. 123immo SA existe depuis deux ans, et fait
déjà partie des leaders d'un segment qui compte 70 sites environ. La société
emploie 80 personnes. Son site immobilier sur Internet attire 23 % des agences.
80 000 annonces sont proposées et 200 000 consultations sont effectuées par
mois, soit 1,8 million de pages vues par an. Fin 1999, Richard de Puymorin, son
P-dg, a voulu remonter le head management de sa start-up. Sept mois lui ont été
nécessaires pour recruter cinq personnes qu'il est allé chasser sur les terres
des grands propriétaires. « Chez Danone, France Télécom, Sécodip..., ce n'était
jamais des gens que je connaissais directement, mais des relations d'amis, du
bouche à oreille confirmé, témoigne-t-il. C'est la structure de management qui
leur a plu. Les vrais patrons, ce sont eux ; ensemble ils pilotent la boîte.
Plutôt que de suivre le classique organigramme en râteau, chacun sa branche,
comme partout, nous travaillons en patate, ensemble dans la même bulle. On
trouve l'équilibre dans l'auto contrôle. » Un fonctionnement qui implique une
bonne entente du groupe managérial. « Le plus difficile à trouver a été le
dernier candidat, ajoute Richard de Puymorin, pour équilibrer les personnalités
et placer la dernière pièce du puzzle ! Chacun est le patron, mais on a besoin
des compétences de tous. » Quand la responsabilisation permet de s'approprier
le projet d'entreprise, on n'a plus besoin du boss comme moteur. « Il me reste
à être à leur écoute, attentif à leurs problèmes et à leurs demandes, ajoute
Richard de Puymorin.
Richard de Puymorin (123Immo)
: "Tant que le projet est intéressant
et qu'on fait toujours plus d'argent, ils ne quitteront pas leur poste"
Ravensburger fait travailler 200 personnes en France, sans compter les
employés de son usine de production. Le siège historique de la société se situe
en Alsace, à Attenschwiller, près de Mulhouse. La vente et le marketing, soit
une soixantaine de personnes, sont installés à Paris. La société a récemment
intégré le groupe Nathan. L'entreprise reconnaît avoir fait un grand pas en
avant et tente de faire évoluer son organisation traditionnelle. « Nous
souhaitons que les cadres aient toute latitude pour faire des recommandations
concernant leurs produits, afin de pouvoir bénéficier des moyens pour tout
mettre en oeuvre, mais c'est une démarche récente, confirme Jean-Luc Périnet,
directeur des ventes, nous pensons également qu'il est indispensable d'intégrer
de plus en plus le marketing dans les relations avec les clients et dans les
équipes de vente. Quand les chefs de produits sont associés aux projets de A à
Z, ça marche mieux. Tout le monde a évolué : les clients, les marchés, les
concurrents, ça rend les défis plus intéressants. Les collaborateurs se rendent
compte de ce qui s'est développé à leur niveau, ils en connaissent les
applications. Ils demandent toujours plus de responsabilités et sont
naturellement impliqués dans la stratégie de définition d'assortiments et
d'élaboration de collections. » Résolument jeunes, dans des secteurs de
technologies nouvelles, mais déjà "installées", certaines entreprises qui ont
pratiqué le "kid-cadre-napping" sont aujourd'hui vigilantes. A leur tour, elles
doivent veiller à conserver leurs forces vives. « Pourquoi nos cadres
restent-ils ?, s'interroge-t-on à la DRH de Bouygues Telecom. Parce qu'ils ont
de vraies responsabilités et une bonne mobilité interne. Un junior qui entre
chez Bouygues commence au marketing opérationnel, il apprend le b.a ba,
applique ce qu'il a vu à l'école. Il passe ensuite à l'offre et service où il a
l'opportunité de développer des projets, de suivre une offre, son étude, son
financement... Ses responsabilités sont progressives pour évoluer du niveau de
débutant à un niveau confirmé avec plus de responsabilités. »
Rester à l'écoute
Répondre aux souhaits de ses
collaborateurs demande une écoute attentive. Une mission dont s'acquittent les
Directions des Ressources Humaines en se donnant les moyens d'une meilleure
compréhension de leurs cadres. Bilans d'évaluation, tutorat, formations, tous
les moyens sont bons, à court et à long terme, pour fidéliser individus et
équipes. A condition d'avoir pris conscience de cette nécessité. « Encore trop
d'entreprises n'ont pas envie de faire évoluer les gens, regrette Jean-Michel
Azzi. On dit qu'on ne change pas une équipe qui gagne. Faire changer de poste
quelqu'un qui donne toute satisfaction, s'investit et rapporte des affaires,
c'est un pari à long terme. Pourtant il faut anticiper le besoin. Le management
est un élément d'attractivité pour tous les cadres. » Le développement des
compétences est aussi une priorité chez Ravensburger. « Pour décliner tous les
potentiels, affirme également Jean-Luc Périnet, nous réfléchissons également
aux nouvelles technologies. Nous avons un projet Internet, qui devrait tout
prochainement aboutir, intégrant des membres de l'équipe marketing. Nous
pourrons ainsi proposer une démarche novatrice qui s'appuiera sur la sécurité
d'une entreprise solide. » TPS est un genre de start-up qui a grandi. Entre
esprit d'entreprise, nouvelles technologies et croissance exponentielle, la
société doit rester vigilante : il ne s'agit pas seulement de recruter de
jeunes marketeurs dynamiques, encore faut-il qu'ils restent ! « La DRH a
essaimé, explique Eric Breux, DRH de TPS. Trois jeunes responsables Ressources
Humaines ont été nommés pour être sur le terrain, aux côtés de nos cadres. Leur
rôle est d'être attentifs à leurs désirs d'évolution, de mobilité. Ils doivent
prévoir les plans de formation qui correspondent à ces changements. » 10 % de
la masse salariale de l'entreprise (la loi fait obligation pour 1,5 %), sont
consacrés à la formation dans cette toute jeune entreprise de quatre ans d'âge,
dont les collaborateurs ont 28 ans en moyenne et qui vient de fêter son
millionième abonné. « Notre activité est en mouvement constant, ajoute son DRH.
Il faut que chacun ait une bonne visibilité de son évolution dans l'entreprise.
Si un cadre veut évoluer vers le marketing opérationnel ou la publicité, nous
mettrons en place un plan de formation dédié, et du meilleur niveau, pour lui
permettre d'atteindre ses objectifs de carrière. Nous construisons de vrais
cursus avec HEC Management, par exemple. Ce sont les responsables RH qui
bâtissent les plans d'évolution. Mais 100 % des collaborateurs de l'entreprise,
tous postes confondus passent l'entretien annuel d'évaluation, qui n'a de
raison d'être que s'il est suivi d'effets. Chaque semaine, les RH se réunissent
en Comité de mobilité, une instance qui répertorie tous les postes à pourvoir,
et s'interroge sur les souhaits de ceux à qui ces postes pourraient convenir. »
Chez Bouygues Telecom, même combat, on se considère même presque comme une
pépinière. En cinq ans, 1 500 collaborateurs ont été recrutés chaque année. La
société compte aujourd'hui 6 000 employés, et la moyenne d'âge est de 29 ans. 6
% de la masse salariale est consacrée à la formation. Une évolution du métier,
mais aussi un choix. Formation continue bien sûr, anglais, informatique, mais
surtout formations managériales. Un haut niveau de qualification qui fait
considérer l'entreprise comme une sorte d'école de marketing. « Après tout,
déclare- t-on chez Bouygues, si toutes nos offres sont copiées, c'est bien
parce qu'elles sont bonnes, donc que nos collaborateurs sont de haut niveau. »
Les défricheurs et les laboureurs
Au-delà des
opportunités et des possibilités d'évolution dans une entreprise, certains
cadres peuvent ne plus trouver leur compte au sein de leur établissement. Même
chez de jeunes entreprises, des départs ont lieu, qui ne sont pas forcément
douloureux. « La raison principale qui a poussé certains jeunes cadres à
quitter TPS pour intégrer des start-up, explique Eric Breux, était que TPS
avait changé : au début, à chaque chaîne thématique intégrée à notre bouquet,
tout devait être réinventé, c'était la révolution permanente. Maintenant nous
sommes rodés, plus cadrés. Les défis ne portent pas sur les mêmes objectifs.
Or, les qualités des défricheurs ne sont pas les mêmes que celles des
laboureurs, et plus on est jeune et moins on aime labourer ! Ils ont besoin
d'être toujours en compétition, toujours en projet... Ce n'est pas un jugement
de valeur, on a autant besoin des uns que des autres. Une société qui bouge
attire des compétences différentes, nous sommes contactés par des gens du
marketing de grosses société, de l'agroalimentaire, par exemple. Ces gens ont
envie de s'éclater sur de nouveaux métiers. » Travailler pour un groupe, pour
une grande marque, associée à un produit connu du grand public, est un facteur
de satisfaction non négligeable pour les collaborateurs d'une entreprise, à
fortiori pour les cadres marketing et commerciaux. Etre fier de l'établissement
qu'on représente, c'est important.
Ça va mieux en le disant...
« Nos innovations sont reconnues, affirme-t-on chez
Bouygues Telecom, et le produit a une très forte identité. Le taux de notoriété
est très élevé et la communication publicitaire de qualité est plébiscitée par
le public, ce qui est valorisant pour nos collaborateurs. En outre, nous avons
hérité d'une culture d'entreprise du bâtiment, qui elle-même est porteuse de
notoriété. Bouygues Telecom en profite aussi. » Même discours chez TPS, une
entreprise jeune, certes mais néanmoins connue et reconnue. « Notre société est
suffisamment mature pour offrir en contrepartie d'un système qui s'alourdit
avec sa taille exponentielle, les bonnes contraintes d'une société déjà bien
structurée. C'est un atout, explique Eric Breux, mais l'une des premières
motivations de nos jeunes cadres, aussi bien pour venir chez nous que pour y
rester, c'est la notoriété de la marque. » Sur un CV, sortir d'une entreprise
qui réussit, et qui commercialise un produit novateur, c'est beaucoup. Mieux
vaut donc y rester quelque temps avant, qui sait, d'aller voir ailleurs. Les
valeurs et la notoriété sont parfois héritées d'une grande lignée, d'une
entreprise séculaire. « On commercialise des marques connues et pérennes,
constate Jean-Luc Périnet, directeur des ventes de Ravensburger. C'est un gage
de solidité. Faire partie d'un groupe européen est une ouverture sur
l'international. Les jeux que nous fabriquons sont distribués au-delà de nos
frontières. Savoir qu'un produit va être acheté par les filiales étrangères est
une motivation supplémentaire. » Magazines internes, lettre de la direction,
Intranet ou par voie d'affiche, la communication des entreprises a de larges
moyens dont elle ne profite pas toujours à bon escient. Pourtant, la langue de
bois commence à faire long feu. Là aussi les cadres, et le reste des
collaborateurs d'une entreprise, ont grandi. En particulier quand des
bouleversements surviennent au sein de l'organisation de l'activité, la rumeur
n'est pas le meilleur moyen de rassurer ses troupes. « Dès que des changements
interviennent dans l'environnement d'un poste, explique Jean-Michel Azzi, les
cadres se posent des questions, deviennent vulnérables. Un changement de chef ?
Qu'est-ce qu'il va se passer ? L'équipe doit être prise en main. Si rien n'est
proposé, les gens partent. Ce sont dans les moments d'incertitude que les
cadres se sauvent. Il faut fournir des éléments précis d'informations sur
l'entreprise. Pour cela, il est essentiel d'apprendre à mieux communiquer en
interne. » Les jeunes cadres marketing doivent avoir une vision claire de la
stratégie de l'entreprise, de son projet. Il existe encore beaucoup de sociétés
où seuls les Comités de direction ont accès à certaines informations gardées
secrètes.
Des sous !
Rémunérer oui, mais combien et
comment ? Attention aux écarts de salaires non justifiés. Aujourd'hui, les
tabous commencent à tomber et une fiche de paie n'est plus un secret pour
personne. On sait aussi bien la lire que la comparer avec celles des collègues.
Si on engage plus cher à l'externe qu'en interne, ça se saura et ça ne fera pas
plaisir. Certaines entreprises choisissent d'acheter des études de salaires à
des sociétés d'études. Elles leur donnent des éléments de comparaison
objectifs. Avec les start-up ont fleuri stock options et autre actionnariat
salarié. Une bonne chose, mais à condition de rester prudent. Selon Jean-Michel
Azzi, « il faut faire évoluer la politique salariale, les nouveaux systèmes
d'investissement sont diversement adoptés selon les entreprises. Si
l'entreprise est côtée en bourse, quand ça grimpe, c'est super ! On se sent un
peu moins bien quand ça fait le yoyo. Ce mode de rémunération est difficile à
justifier. La valeur peut baisser quand les profits augmentent. Dans tous les
cas de figures, il y a obligation à suivre précisément le niveau du marché. »
Un salaire au moins équivalent à celui que l'on quitte, une répartition des
profits équitable. C'est le parti pris de Richard de Puymorin. « Chez 123immo,
tous les managers ont le même salaire. Personne n'a perdu d'argent dans
l'opération. Nous proposons également un plan de stock options fort, une valeur
virtuelle certes, mais un système de primes qui marche bien avec des gens de
haut niveau. J'ai cinq fois plus de parts qu'eux, ce qui signifie, en clair,
qu'il y a une échelle de 1 à 5 entre le head management et son P-dg. » Quand il
n'y a pas possibilité d'actionnariat, on peut développer d'autres moyens. C'est
le cas de TPS. « Les seules actions de la société appartiennent à une trentaine
de nos dirigeants. Mais nous développons, par exemple, des plans d'épargne
d'entreprise, nous jouons de toutes les possibilités légales. »
"J'me sens pas bien"
Le climat général de l'entreprise
est un élément important de la satisfaction de ses collaborateurs. Une
lapalissade ? Et pourtant, quand 31 % des cadres interrogés par l'Apec
affirment que la qualité du climat professionnelle n'est pas terrible, marquant
ainsi un recul de 3 points par rapport à 98, ajoutez la surcharge de travail
dont tous les cadres se plaignent, le temps qui passe aux côtés de ses
collègues et pas chez soi, on comprend qu'ils aient envie de tout laisser
tomber. Même si la majorité de ces jeunes surdoués du marketing sont le plus
souvent célibataires et disponibles, ils doivent tout de même bien avoir une
vie domestique, si ce n'est privée. La palme de l'entreprise pourvoyeuse
revient à TPS qui a pensé à tout, ou presque : « Nous nous efforçons de
proposer un cadre de travail sympathique, reconnaît modestement son DRH, nous
offrons des moments de plaisir... ». Lors des Olympiades, par exemple, tous les
collaborateurs sont répartis en quatre équipes, ils s'affrontent au football,
font du vélo, s'amusent ensemble. Ils font aussi et régulièrement la fête. «
Les 850 employés de TPS étaient tous réunis dans le studio de la SFP pour fêter
le millionième abonné, se souvient Eric Breux. Après ça, le type qu'on a en
face de soi en réunion, ce n'est plus un collègue comme les autres, on a envie
de trouver les meilleures solutions ensemble ». L'Intranet mis en place dans la
société n'est pas seulement un moyen de communication high-tech, il offre
également quelques services spécifiques. « On peut faire ses courses en ligne,
se les faire livrer au bureau ». Moins classique encore, bien-être physique et
ergonomie ne sont pas oubliés. Chez TPS, on a la possibilité de consulter un
médecin sur son lieu de travail. « Nous avons aussi fait passer des
kinésithérapeutes pour indiquer à chacun la meilleure ergonomie de son plan de
travail, pour donner des conseils de posture. Nos collaborateurs savent qu'on
les considère comme des individus, insiste Eric Breux, nous n'attendons aucun
retour sur ce genre d'investissement : le kiné qui donne un conseil, c'est
gratuit, ça fait plaisir et c'est utile. »
Y a pas photo
Ce n'est pas parce que le phénomène des start-up s'est
répandu comme une traînée de poudre que les cadres du marketing se sont enfuis.
Il les a juste aidés à le faire en stigmatisant leurs insatisfactions et leurs
besoins. La croissance des jeunes pousses va probablement se ralentir, elles
vont s'étoffer et le paysage des entreprises deviendra enfin un peu plus plus
raisonnable. Au passage, elles auront peut-être élagué quelques vieux
principes. Le marché change, et les cadres marketing ne se considèrent plus
comme des figurants, mais surtout acteurs de ce changement. « Pour de jeunes
cadres brillants, y a pas photo, affirme Jean-Pierre Tonial, leurs diplômes
sont reconnus. Dans bien des boîtes, ils devront se fondre dans le moule d'une
culture d'entreprise lourde, manipulant des process lourds. La culture
d'entreprise des start-up, ce sont eux qui la font ! Ils peuvent aussi
s'éclater, réaliser leurs enjeux, gagner beaucoup d'argent. Le marché est
porteur à nouveau : ils trouveront du travail de toute façon, même si
l'aventure ne dure pas. »
Les chiffres de l'Apec
En 1992, 7 900 postes étaient créés, tandis que l'année suivante affichait une perte d'effectifs de 14 420 personnes. Il faudra attendre 1997 pour que la tendance s'affirme : 37 900 postes sont créés cette année-là, 66 500 l'ont été l'an dernier (1999). 204 600 postes de cadres étaient alors pourvus, toutes catégories confondues. 39 % de la population des cadres d'entreprise étaient confirmés, 26 % de jeunes cadres et 35 % de jeunes diplômés exerçant un premier emploi constituaient le reste du peloton. 204 000 postes de cadres ont été pourvus dont 167 000 par recrutement externe et 37 000 par promotion interne. Le nombre des départs (démissions, retraites, licenciements) reste stable, mais également à un niveau élevé : 138 000. 66 000 emplois ont été créés, soit un taux de croissance de l'effectif cadre de 3,4 %. 35 % des recrutements concernent de jeunes diplômés et pour 39 % des cadres confirmés. Il y a dix ans, ils étaient 29 et 46 %. Activités Informatiques et Etudes Conseils sont des secteurs qui enregistrent des niveaux de recrutement très élevés : 38 000 et 31 000 personnes. Ce sont toujours les grandes entreprises 500 à 1 000 salariés, et les très grandes, + de 1 000 salariés, qui affichent les perspectives les plus optimistes.
Alors heureux ?
Plus de 8 cadres sur 10 (interrogés par l'Apec) se déclarent satisfaits de leur situation professionnelle. Ils se plaignent pourtant de l'augmentation de leur charge de travail. La satisfaction vis-à-vis du climat général de l'entreprise est en recul de 3 points par rapport à 98. Elle concerne 31 % des cadres interrogés. Les perspectives de carrière laissent la plus grande place à l'insatisfaction : 37 %. Les préoccupations professionnelles dans leur ordre d'importance sont d'abord l'intérêt des responsabilités exercées. Plus l'entreprise est grande, plus cette préoccupation est importante. C'est celle dont la progression a été la plus forte depuis 1993 avec 53 % de premières citations, tandis que le risque du chômage s'estompe : 23 %. 83 % des cadres se déclarent impliqués dans la définition de leurs objectifs, lesquels sont fixés en premier lieu par la direction générale. 51 % d'entre eux ont suivi un entretien annuel d'évaluation. Un cadre sur deux déclare ne pas toujours atteindre les objectifs fixés. Un constat sans grande surprise : plus la rémunération est haute, plus le taux de satisfaction est élevé. La mobilité apparaît également comme un élément déterminant : les taux de satisfaction des cadres ayant changé d'entreprise atteignent 89 %, d'établissement 93 %. On note un taux de satisfaction élevé pour ceux dont l'ancienneté est la plus courte, moins d'un an et la plus longue, 21 ans et plus. C'est la population intermédiaire qui semble poser problème.
Best practices ?
Les débuts sont importants Tout commence au recrutement, se prolonge par l'intégration au travers de la période d'essai. La mise en place de tuteurs porte ses fruits. La gestion des ressources humaines est primordiale Les dirigeants de PME qui n'ont pas le temps de s'en occuper, doivent s'en préoccuper. La politique de communication est essentielle Elle doit être efficace, claire, transparente. L'accès à l'information doit être favorisé pour le plus grand nombre. Les salariés n'acceptent plus la langue de bois. La politique salariale doit être équitable Aujourd'hui, les tabous tombent, les cadres comparent leurs salaires, aussi bien en interne, qu'avec la concurrence. L'insatisfaction est d'autant plus forte que la politique de rémunération n'est pas cohérente. Gérer son capital compétence... Dans une start-up, on n'est pas obligé de passer trois fois plus de temps à justifier une action, qu'à la mettre en oeuvre ! Employer les potentiels en développant l'intérêt du travail à travers des groupes projets, des projets transversaux ... et le développer Il faut savoir répondre au jeune cadre qui demande : « Qu'est-ce que je vais apprendre en entrant chez vous ? Et en y restant ? » Pour y parvenir, il faut être à l'écoute, et ne pas s'arrêter à une rentabilité immédiate. Des valeurs transparentes Les cadres ne sont pas dupes, ils ont intégré les notions de contraintes du marché, ils attendent qu'on joue franc jeu avec eux, qu'on leur montre un minimum de respect. Il faut cultiver l'éthique dans les rapports entre salariés.