Bonne santé pour le design pharmaceutique
L'emballage pharmaceutique, sous la pression des produits génériques et OTC, devient peu à peu un marché. Des agences s'y intéressent de plus en plus volontiers même si elles ne le revendiquent pas nettement. Dragon Rouge officialise, quant à elle la création, d'un département santé.
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Est-ce parce qu'il n'est pas très "sexy" de communiquer sur l'emballage
d'un médicament que le design pharmaceutique se fait aussi discret ? Y a-t-il
un complexe en termes de créativité par rapport à la plus grande liberté
d'expression qu'autorisent aujourd'hui la plupart des produits de grande
consommation, qui fait que cette spécialité reste un peu dans l'ombr... ? Sans
doute. Cela n'a toutefois pas empêché Dragon Rouge d'officialiser la naissance
d'un département santé, qui s'oriente clairement vers la création d'emballages
pharmaceutiques et de nombreuses agences à s'intéresser au sujet pour que l'on
puisse désormais presque parler de marché. Pour Dragon Rouge, la décision est
liée à la mutation de l'industrie pharmaceutique. « Les groupes - les
mouvements boursiers le confirment - recherchent une plus grande assise en
termes de R&D », explique Véronique Liabeuf qui prend la tête de ce nouveau
département chez Dragon Rouge. Les vagues d'internationalisation, de fusions de
grands noms sont des logiques qui vont s'accentuer : elles forcent les grands
laboratoires à effectuer des arbitrages dans leurs portefeuilles de produits. «
Lorsque d'un seul coup, une classe thérapeutique voit une entrée massive de
génériques, les laboratoires sont obligés de réagir », poursuit la directrice
du département. Par ailleurs, l'obsession des gouvernements à vouloir
maîtriser les dépenses de santé joue en faveur d'une croissance de plus en
forte des produits dits génériques (molécules passées dans le domaine public)
et des OTC (Over The Counter, que l'on peut acheter sans prescription
médicale). Les grands laboratoires voient évidemment dans les OTC une façon de
consolider leurs parts de marché. D'autant plus que ces produits restent pour
la plupart deux fois plus chers que leurs équivalents remboursés par la Sécu
(un positionnement prix qui limite d'ailleurs très clairement leur succès
commercial). Mais le phénomène modifie surtout la logique du marché qui passe
de la prescription à une logique de grande consommation. Ce qui implique
notamment une nouvelle approche en termes de packaging avec de vraies
problématiques de marque. Cette évolution exclut toutefois toute fantaisie.
Rationalité et sécurité
L'emballage pharmaceutique, OTC
ou pas, étant toujours contraint de transmettre, en premier lieu, des valeurs
de rationalité, de sécurité et de fiabilité dans la délivrance. Une évolution
toutefois qui modifie l'ordre d'importance du triptyque de cibles à toucher
(médecin, pharmacien, patient), le pharmacien jouant par rapport aux OTC le
rôle de prescripteur à la place du médecin, même si l'auto-médication est
encore marginale dans une France qui reste un marché de santé assistée. «
L'effet générique oblige les marques princeps (prescrites par les médecins) à
valoriser leurs identités », explique Michèle Morot-Raquin, directrice de Bleu
Absolu, l'une des rares agences de design spécialisées depuis dix ans sur le
secteur pharmaceutique. Dans ce domaine éminemment contraignant de l'identité
des produits pharmaceutiques, qui laisse peu de place à la séduction, la
maîtrise des signes est de plus en plus indispensable, d'autant que les
laboratoires sont en situation concurrentielle forte. « On s'aperçoit en
analysant les signes émis - dans la presse spécialisée par exemple - par de
nombreux produits qui sont dans des logiques de prescription, qu'ils n'ont pas
de territoire de communication », estime Véronique Liabeuf. Les laboratoires
qui ont longtemps créé des packs à la va-vite avec leurs imprimeurs, sont bien
obligés de reconnaître - avec les génériques, par exemple - que la création
d'une gamme de 300 références peut difficilement s'improviser en interne. Par
ailleurs, un large champ reste à investiguer. Celui de l'ergonomie. Les
avancées des laboratoires pour développer des produits qui aient des goûts
acceptables sont récentes. Pour les enfants notamment, on commence à comprendre
que si le produit est "bon", il est peut-être plus facile à administrer. Il
reste fort à faire également pour les seniors, dont les doigts ne sont plus
toujours assez habiles pour dégager aisément de minuscules pilules de
plaquettes réfractaires, plus conçues pour protéger la molécule que pour
faciliter la vie du malade. Des perspectives donc sur ce marché naissant à
défaut de franches rigolades. Sauf lorsque l'agence Lonsdale, coutumière du
fait, crée un vrai-faux packaging en guise de cadeau de bonne année. Cela a
tous les airs d'un médicament. Mais ce n'est pas un médicament. Cela s'appelle
Gardtonzen. C'est à base de positivine. Et la notice intérieure, ce papier plié
en accordéon qu'il faut toujours lire à la loupe précise, "en raison de la
présence de Prendurecul, évitez la prise au retour de vacances !".