Bio : le conte est bon
Le consommateur unique de produits bio n'existe pas. Il est multiple. « Les
sympathisants du phénomène ne peuvent pas être caractérisés ou catégorisés »,
écrit Christian Rambourg du Gira, société d'études spécialisée dans
l'agroalimentaire. Tout simplement parce qu'ils vont exprimer des perceptions
du monde totalement contradictoires d'une situation à une autre. « Le soir, en
famille, avec les enfants, je suis très attentive aux questions de santé, dit
ainsi une jeune mère de famille, et je pense que les produits bio apportent une
réponse à mon inquiétude du moment. Mais le matin quand je me réveille avant
les enfants et que je suis toute seule, je bois mon café en vitesse et je n'ai
pas le temps de penser à ma santé. Encore moins aux produits bio. » Selon le
Gira, il n'existe pas une typologie type du consommateur de produits bio dans
le sens analytique des années 80. Mais une logique bio qui replace le
consommateur en situation. Un consommateur qui se projette dans l'environnement
du produit, son histoire et sa communication. « Sa perception est beaucoup plus
imaginaire que scientifique », remarque Christian Rambourg. Notre consommateur
se base sur des histoires, des contes auxquels il veut croire. Et en matière de
produits bio son imagination va bon train. Il se raconte le "mana" en pensant
que tout au long de la filière alimentaire, chaque opérateur met un peu de son
âme dans le produit. Qu'un chaînon vienne à manquer et c'est le rêve qui tombe
à l'eau. A l'inverse, il se projette également dans le conte du "paradis perdu"
qui part du principe que l'homme a perverti la nature. Et que plus l'humanité
avance avec sa technologie et plus les produits deviennent dangereux. D'où son
désir de revenir à un mode de production primitif. Et quand il rêve à
"l'harmonie sociale", il critique l'intensification des rythmes qui désorganise
et stresse l'ensemble de la vie sur terre. Que tous les rythmes reviennent en
correspondance avec ceux de la nature et le produit sera équilibré...
A chaque rêve sa réalité
Mais, comme le souligne
Christian Rambourg, « un produit ne peut pas conjuguer les trois contes à la
fois et les histoires ne peuvent pas être racontées de manière continue et
universelle. A chaque situationfonction, il convient donc de trouver le conte
approprié ». D'autant que le bio appartient à la catégorie des produits de
valorisation marqués gustativement et entourés de signes de valorisation par
opposition aux produits neutres pour lesquels on n'éprouve ni plaisir, ni
déplaisir et dont on parle peu. « Le problème de l'alimentation en France est
que le discours porte quasi uniquement sur la valorisation et le plaisir et nie
souvent l'élément "carburant" de l'aliment, poursuit Christian Rambourg. A
écouter les consommateurs, il ne faudrait promouvoir que des salades
sophistiquées, des plats cuisinés conçus par des artistes, alors qu'en réalité,
ils consomment des carottes râpées et du hachis parmentier. » Pour être plus
précis, le consommateur n'est donc pas prêt à entendre l'histoire du "mana" en
permanence. Il n'y est réceptif que dans des situations de temps libre comme le
week-end. Le paradis perdu s'attachera alors plutôt aux snacks hors repas pris
avec les enfants. Et l'harmonie sociale touchera des produits consommés entre
amis et assurant des fonctions de convivialité. Mais attention, les rêves sont
aussi fragiles que les promesses. Et, selon le Gira, ces fameux contes doivent
être lisibles et crédibles tout au long de la chaîne de communication. De la
publicité au lieu de vente en passant par le packaging ou la mise en valeur de
la situation de consommation (lieu qu'on oublie trop souvent). C'est à ce prix
que "l'analyse en situation/fonction permet de définir des segmentations
stratégiques aboutissant à des propositions opérationnelles en termes de
linéaire ou de gamme de produits". Une approche que le Gira prévoit d'appliquer
prochainement aux HMR (home meal replacement), les solutions repas.
MÉTHODOLOGIE
Le modèle est d'abord mis au point avec des méthodes qualitatives par pays puis validé, de façon quantitative sur un échantillon représentatif de la population. Notons que pour les produits alimentaires, l'analyse ne s'effectue pas en nombre d'individus mais en nombre de prises alimentaires.