Avis d'experts Innover pour se démarquer
L'affichage a tout intérêt à continuer sa révolution qualitative. C'est ce qui ressort de l'interview croisée d'Albert Asseraf, directeur du département affichage chez Carat Expert, et Jean Minost, directeur du département affichage chez MPG-Géopolis.
Je m'abonneComment évolue l'affichage dans le contexte global de baisse du marché publicitaire ?
- Albert Asseraf : La publicité extérieure
a, comme les autres médias, subi un ralentissement de son activité au cours du
premier semestre de cette année malgré des chiffres Sécodip qui montrent une
progression. Cela s'explique par le fait que le déclaratif des sociétés
d'affichage se fait sur des tarifs bruts et qu'en effet, l'offre a trouvé
preneur au cours de cette période. Cependant, une analyse plus fine montre que
certains annonceurs ont pu profiter, sur un certain nombre de semaines,
d'opportunités particulièrement avantageuses liées à la faiblesse de la demande
et il est plus logique de mesurer la santé du média sur ses recettes nettes. -
Jean Minost : La situation du marché est en droite ligne de ce qui se passe
dans l'ensemble des médias, ni plus mauvaise, ni meilleure en tenant compte du
fait qu'elle est à comparer avec une année 2000 un peu euphorique pour
l'ensemble des médias. Pour ce qui concerne l'affichage, les médias en pleine
concurrence souffrent plus que les médias de niche. Ceux qui sont protégés par
une exclusivité dans des villes comme le mobilier urbain se portent bien.
L'affichage en gare ou dans le métro bénéficie également d'une forme de
protection. En revanche, le 4 x 3 qui est plus à découvert prend de plein fouet
la stagnation du marché. Outre le monopole d'exploitation dont il bénéficie
souvent dans les villes, le mobilier urbain qui se voit réserver plus longtemps
à l'avance que les autres supports est de ce fait moins soumis aux variations
du marché. Autant d'avantages qui ne sont pas le lot du 4 x 3 où, forte
concurrence oblige, règne là une guerre des prix à outrance. Seuls les clients
qui ont besoin d'opérations trés datées réservent à l'avance, sinon l'intérêt
est de réserver aux derniers moments pour négocier au plus serré.
Peut-on déjà mesurer l'incidence de l'entrée en Bourse de JCDecaux ?
- A. A : L'introduction du titre JCDecaux s'est faite dans un
contexte boursier particulièrement difficile, en particulier pour les valeurs
du secteur des médias. Par conséquent, il serait très audacieux de tirer des
conclusions hâtives sur la capacité ou non de cette valeur à progresser à moyen
terme. En revanche, les nombreux appels d'offres lancés à l'échelle mondiale et
sur lesquels JCDecaux est systématiquement consulté montrent un potentiel de
croissance conséquent. - J. M : C'est un peu récent pour avoir modifié la façon
de JCDecaux de traiter son commerce. Le vrai challenge de Decaux est de rentrer
dans un vrai marché très concurrentiel, y compris son coeur de marché qu'est la
France à travers Avenir où il montre l'envie de se développer de façon incisive
et différente de ses confrères. Il s'agit de challenges financiers mais aussi
de vrais paris industriels dans le sens où le groupe propose des catégories de
produits très différents, très tournés vers des clients nationaux prestigieux
en pensant à son implantation internationale.
On a assisté depuis plusieurs mois au lancement d'un certain nombre de produits marketés : la guerre des prix actuelle laisse-t-elle un peu le marketing de côté ?
- A. A : Je pense que les deux éléments que vous citez - prix et
marketing - ne sont pas dans une logique d'opposition. Au contraire, la
justification des fonctions du média affichage en général et de chacun des
réseaux en particulier est d'autant plus essentielle que le marché est
difficile. En effet, dans le cas de budgets de communication réduits, les
arbitrages se font tant au niveau des médias eux-mêmes que des supports et
parmi les éléments d'aide à la décision, les données d'études et de marketing
sont fondamentales. - J. M : Il y a en fait deux niveaux de lecture. S'il est
vrai qu'en cas de concurrence frontale, l'outil à court terme prend moins
d'intérêt, nous jugeons que la baisse du marché est conjoncturelle et que les
afficheurs ont tout intérêt à persévérer dans le développement d'outils
pointus. C'est un atout majeur pour défendre leurs positions dans une
concurrence intermédia.
Comment intégrez-vous les nouveaux produits (panneaux déroulants, écrans plasma etc.) dans vos recommandations de médiaplanning ? Et estimez-vous disposer de tous les outils de mesure nécéssaires ?
- A. A : Je crois qu'il faut distinguer l'évolution
de l'offre traditionnelle qu'illustre le déploiement des dispositifs déroulants
sur le territoire des supports tout à fait nouveaux dont certains sont issus
des nouvelles technologies comme les écrans plasma. Concernant les panneaux
déroulants, il s'agit d'une tendance irréversible qui tend à associer le
partage de l'espace en affichage à un partage du temps. Il faut garder à
l'esprit le fait que la décroissance du parc d'emplacements en France est une
réalité permanente, à la fois du fait des groupes de travail qui réorganisent
l'implantation de l'affichage dans les villes que des afficheurs qui optimisent
leurs implantations. Ainsi, nos derniers chiffres montrent qu'il existe
actuellement moins de 130 000 dispositifs d'affichage temporaire grand format
en France quand nous en recensions environ 200 000 au début des années
quatre-vingt-dix. La nécessité de maintenir l'homogénéité géographique et la
densité des réseaux explique pour l'essentiel ce recours à l'installation de
panneaux déroulants. L'enjeu est de savoir si, malgré la baisse d'audience
qu'implique cette nouvelle offre, l'impact des campagnes est en revanche
équivalent du fait de l'attrait visuel de ces faces, de leur qualité ou encore
de leur éclairage systématique. A propos de la nouvelle offre que constituent
les écrans plasma mais aussi les tables de bar, les caissons d'entrées et
sorties de métro, les concessions sur les parkings d'hypermarchés, le total
covering, il va de soi que ces supports procédent d'une dynamique d'ensemble
qui permet d'améliorer les performances globales d'un plan en associant ce que
nous appelons des supports de masse à ces réseaux plus ciblants. La combinaison
de ces produits permet de multiplier les probabilités de contact dans des
univers différents avec la limite que vous citez liée au manque de données
objectives d'audience et d'impact. Un certain nombre de projets de mesure sont
actuellement à l'étude au sein d'organismes réunissant les principaux acteurs
de la publicité extérieure. - J. M : On suit de très près toutes les
innovations du marché pour apporter un service supplémentaire à nos clients.
Néanmoins les choses ne sont pas simples dans le sens où on assiste là à une
mutation plus brutale qu'auparavant, très différente des mouvements plus lents
auxquels nous avait habitué l'affichage (trivision, éclairage des panneaux,
etc.). L'apparition de produits à forte valeur ajoutée change la façon dont est
perçu le média. En devenant plus "propre", il devient en même temps un peu
moins populaire, un peu plus élitiste. Si globalement, on peut dire que ces
nouveaux produits font leur preuve, le développement des déroulants est plus
difficile à apprécier. Nous attendons effectivement le résultat d'études menées
par des sociétés comme Affimétrie pour pouvoir mieux en mesurer l'impact. Par
ailleurs, nos annonceurs attendent des exclusivités sur ces supports, pour
éviter, par exemple, d'y voir figuer deux marques directement concurrentes et
nous n'avons pas de réponse qui nous satisfasse à 100 % dans ce domaine. C'est
également un système qui réduit la souplesse d'utilisation de l'affichage par
l'obligation de livrer les affiches plus longtemps à l'avance, etc. Et il
existe un surcoût technique de ce système qui doit être répercuté quelque part
chez l'annonceur !