Au Davos du design : le grand Mamamouchi et les précieuses ridicules
Tambours et trompettes ont salué l'exposition Philippe Starck*. Dans son auto célébration, le designer ne voulait-il pas tout simplement dire : « Le temps dont je parle est déjà loin de moi ? » Industriels et marketeurs devront rechercher d'autres collaborateurs ailleurs qu'au musée...
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C'est à de bien belles noces du design et de la fatuité que vient de nous
inviter le Centre Pompidou pour l'exposition "Philippe Starck"*. Tendance
emphase et componction. Des couronnes de lauriers, par chargements entiers, lui
ont été tressées par de petites mains zélées. Car l'Immense Bienfaiteur du
design règne sur un mégalostore mondial où les néons ne s'éteignent jamai...
L'inénarrable ouvrage "Ecrits sur Starck", édité par le Centre Pompidou, nous
convainc à sa façon de l'importance de l'événement. Le philosophe Michel Onfray
nous y gratifie d'une ode à l'oeuvre de Starck à laquelle il ne propose pas
moins de douze "voies d'accès". Le tout ponctué de réjouissantes envolées
lyrique... Quant aux autres contributions, le soporifique l'y dispute au
comique. Côté exposition : « Mais peut-on parler d'exposition à son propos ?
Avec "l'ombre" - c'est ainsi que Philippe Starck aime qualifier sa présence -,
le visiteur se trouve convié à une expérience sensible et singulière. (...)
L'espace que Philippe Starck a en vue n'est autre que l'espace intérieur de sa
création foisonnante : un lieu provocateur, obsédant, amoureux, exalté,
tourmenté », nous éclaire Bruno Racine, président du Centre Pompidou. Pour dire
que sur 800 m2, onze bustes parlants de Starck commentent les images de ses
réalisations et nous entretiennent de sa vie, son oeuvre, etc. Clou du
spectacle, un gros objet en bronze est censé figurer l'inconscient. Rires et
applaudissements ! Philippe Starck qui se nomme lui-même, le "con-chiant",
pauvre Jacques Lacan !, fait justement une autothérapie devant tout le mode
quand d'autres auraient voulu y trouver une réflexion sur le design. Néanmoins
cette exposition est exemplaire. Miroir aux alouettes, elle reflète avec
cruauté la confusion prétentieuse dans laquelle s'est installée la société. Et
lorsque les élites dépitées se délitent dans des discussions de buvette, les
industriels et les professionnels du marketing peuvent s'inquiéter. C'est en
prenant de la distance vis-à-vis de cette piste aux étoiles de la confusion
qu'ils se forgeront des armes de discernement. C'est en quittant la danse
macabre des piètres penseurs que pourra s'exercer une pensée autre, propice aux
innovations. A moins de préférer demander à Philippe Starck de dessiner un
déambulateur collectif qui renouvellera et modifiera l'univers quotidien pour
permettre aux individus de mieux se repérer dans l'existenc... Ainsi, après
"Bubu", "Sissi", "Mister Meumeu", il pourra l'appeler "Djourdina-Djourdina"
comme dans le ballet de la pièce de Molière, summum euphorique de la
mystification de Monsieur Jourdain... *26 février - 12 mai 2003