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Attention, ralentir, travail !

Le travail, c'est sûr, n'est plus ce qu'il était. Mais quel sens a-t-il aujourd'hui ? Une exposition intitulée "Quel travail ?" ouvre des pistes de réflexion. Mais peut-on imaginer, sans une référence centrale au travail, d'autres formes de construction de son identité ?

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Dans les années 60, "Le Jeu des métiers, jeu de la Radio-Télévision Française" faisait les beaux jours des soirées studieuses des familles sages. On y trouvait réunis en cartes thématiques illustrées, le fouettier, le gargot, le repasseur, le bourrelier, le cocher, l'enfumeur, le dresseur de cannes à pêche... qui ont bien sûr disparu. Aujourd'hui, on ne joue plus guère à "Quand je serai grand, je serai pompier ou policier et toi infirmière ou hôtesse de l'air". D'ailleurs, les catégories traditionnelles, paysans, ouvriers, employés ne résument plus la réalité du monde du travail. La diversité des professions et des statuts a créé une multiplicité de façons de vivre le travail et de nouveau métiers. Sociologues et psychologues en étudient l'organisation, les évolutions et les enjeux humains. Le travail est devenu le territoire essentiel où se jouent les relations entre revenus, image de soi, plaisir, souffrance et reconnaissance. Mais de quel travail s'agit-il ? Cette interrogation est le sujet d'une exposition à la Cité des sciences*. Des oeuvres des plus grands objectifs du monde de la photographie - Willy Ronis, Tino Soriano, Alexandre Rotchenko, Dorothea Lange, Robert Doisneau, Lewis Hin... -, nous entraînent dans une réflexion sur le rôle primordial du travail et son devenir dans nos sociétés. Conçue par Josep Ramoneda, philosophe et journaliste, directeur du centre de culture contemporaine de Barcelone, elle confronte mémoire historique et configuration contemporaine. La scénographie s'appuie sur plusieurs ressources, photographies d'auteurs, archives audiovisuelles, documents, fragments de textes. La première séquence de l'exposition nous emmène dans "L'ordre industriel". Avec la révolution industrielle, l'usine devient l'espace fétiche du travail. Elle se caractérise par la discipline militaire qui y règne, la division du travail, la dureté du labeur et des salaires dérisoires. Puis vint l'âge d'or du capitalisme avec le fordisme et le taylorisme. Le productivisme soviétique entre dans la partie et mêle stakhanovisme et exaltation idéologique. L'usine devient le creuset du mouvement ouvrier. Activité syndicale, grèves, manifestations, négociations et conventions deviennent les outils du progrès social et agissent sur la vie culturelle et politique.

Vers une globalisation de l'économie


Avec "Migrations et mobilité", nous assistons à l'installation de groupes culturels d'autres pays et continents. Elle provoque la remise en question des identités, des mouvements d'idées et l'apparition de nouveaux produits culturels. Aujourd'hui, la circulation des individus, de l'information, des idées et des marchandises s'est affirmée comme la condition nécessaire de toute activité économique et culturelle. Puis voici venir "L'ordre bureaucratique". Le développement du système bureaucratique de l'Etat et des entreprises a créé des millions d'emplois. Structure hiérarchique, réglementation, normalisation, spécialisation des tâches font les beaux jours de cette rationalité. Elle a peu à peu laissé la place à la décentralisation, la flexibilité, la motivation et l'efficacité. De nouvelles modalités de travail sont ainsi apparues. "Les conditions de travail", dans une économie globalisée, constituent aujourd'hui un des problèmes majeurs car il n'existe pas de droits sociaux communs. Le travail des enfants, la journée de 8 heures, les congés payés, les risques professionnels, le harcèlement moral ont fait l'objet de nouveaux cadres législatifs et de systèmes d'assistance. Mais des disparités considérables coexistent entre les différents pays. L'exposition s'attache ensuite aux "Utopies et distopies", à ceux qui ont imaginé d'autres alternatives à l'exploitation du travail. A l'opposé de la pensée "distopique" qui elle, présente des anti-modèles construits sur l'analyse critique des désillusions du XXe siècle. "Nouvelles du présent" nous invite à méditer sur le marché du travail en proie à l'accélération technologique et à la globalisation économique où le pouvoir des multinationales lutte contre celui des Etats. L'emploi traditionnel est malmené. Les disparités socio-économiques et culturelles n'ont jamais été aussi disproportionnées. La dernière séquence de l'exposition propose une réflexion sur "Le futur du travail". Mais une question primordiale reste en suspend. La pensée contemporaine est-elle capable de penser le temps en dehors du travail productif comme référent essentiel ? L'être humain peut-il prétendre à une autonomie des formes d'invention de soi, à des temps de re-création de soi ? * Jusqu'au 22 juillet. Cité des sciences et de l'industrie. 30, avenue Corentin Cariou Paris XIXe. Information : cite-sciences.fr

Stirésius

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