Animation des ventes cherche image… de marque
Les grands médias pour construire l'image, la promotion et l'animation des ventes pour générer du trafic et du volume. Le refrain est connu. Bien que fortement ancrée dans les mentalités, cette vision manichéenne se heurte à la réalité du marché, et ne rend pas justice à l'animation.
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On peut être en tête d'un 100 mètres durant les 99 premiers mètres, si on
ne l'est plus au dernier mètre, pas de victoire ! Sur le terrain de la marque,
c'est un peu la même chose. A travers les grands médias, la publicité peut
façonner la plus belle des images et susciter les plus folles envies, si le
marketing opérationnel est défaillant au moment où le consommateur doit mettre
la main sur le produit, le travail accompli n'aura servi à rien. C'est dire
l'importance de cette “stratégie du dernier mètre”, comme on la nomme chez
Media Store Proximity.Ce qui était déjà vrai hier tend à l'être encore plus
aujourd'hui. Réalité économique et situation concurrentielle aidant, les
préoccupations commerciales n'ont jamais été aussi présentes. « Les agences de
publicité nous expliquent qu'il faut cinq ans pour construire une marque,
indique Thierry Reboul, directeur général de Ubi Bene. C'est un discours de
plus en plus décalé par rapport au rythme économique actuel, qui connaît une
forte accélération. Cette accélération donne une acuité de plus en plus forte
aux problématiques de vente, positionnées sur le court terme. » Ajoutons à cela
la montée en gamme des produits à marques de distributeurs, le développement du
hard discount, face auxquels les marques ont besoin d'un vrai discours pour
marquer leur différence. « Au niveau de leur statut, certes, mais aussi à
travers leurs programmes d'animation des ventes », analyse Florent Mariotti,
directeur conseil chez Wunderman France.
Animation : un usage et une image dégradés
Les conditions sont donc réunies pour que
l'animation, qui est au cœur de ces problématiques commerciales, soit à la fois
abondante et inventive. Et d'espérer une succession d'animations de prestige,
avec emplacement géant en allée pénétrante, regroupement de marques, îlots
promotionnels dans le magasin, avec des millions de produits porteurs, des
animatrices au garde à vous, des pleines pages dans les prospectus, des relais
médias, des RP, bref, tout ce qui fait les opérations dont on parle… Or, à quoi
assiste-t-on ? A une surabondance de programmes promotionnels caractérisés par
une banalisation des mécaniques et des outils. « Sur le terrain, la tendance
est beaucoup plus à l'animation “vente”, centrée sur une pure logique de
volumes, qu'à l'animation marque, avec messages à la clé et recherche de
fidélisation », estime Georges Beaux, directeur général de SEP Promotion, l'une
des agences leaders en marketing terrain. Industriels, distributeurs, agences :
nulle part, la promotion n'est réellement valorisée. Les industriels ? « Le
véritable problème de ce métier, c'est l'absence totale de prise de conscience
dans les directions marketing du poids de la promotion, alors même que les
consommateurs la considèrent comme essentielle, analyse Jean-Charles Espy,
directeur général de \Als & Cachou, agence de promo du groupe TBWA. Trop de
directeurs marketing s'en désintéressent totalement. Le plus souvent, lors des
briefs, nous nous retrouvons face à un chef de produit qui fait ce qu'il peut
avec les queues de cerises dont il dispose. Comment animer une marque pendant
deux mois, avec deux millions de produits porteurs… et un budget de 45 000
euros ? Ce genre d'équation impossible, c'est notre quotidien. » Discours
comparable chez Wunderman France. « Il y a un gros travail à réaliser en termes
d'ambition et d'exigence au sein des services marketing sur les programmes
d'animation des ventes, qui, culturellement, n'ont pas intégré l'évolution du
marketing », juge David Laloum, directeur général de Wunderman France. Les
distributeurs ? Leur comportement n'est pas non plus de nature à valoriser
l'outil. « Les enseignes préfèrent capitaliser sur leurs propres actions, ou
regrouper les actions des industriels à travers de vastes opérations de trade
marketing qu'elles pourront mieux contrôler, explique Philippe Ingold,
consultant. Pourtant, les enseignes pourraient aller beaucoup plus loin dans
l'utilisation des outils et des techniques promotionnelles. »
Métier de prestataires
Quant aux agences, leur profil
s'est considérablement modifié depuis quelques années. Les grandes agences
historiques de promotion ont fait place à des structures plus réduites qui
avouent ne pas se focaliser, c'est le moins que l'on puisse dire, sur
l'animation terrain. « La promo d'hypermarché, consistant à générer des ventes
immédiates, est quasiment sortie du champ d'activité des agences, affirme
Benjamin Pardo, directeur général de Piment, agence de communication
commerciale du groupe DDB. Il s'agit d'opérations très basiques, réalisées en
interne ou via des studios. Il y a bien quelques grands programmes
transversaux, mais ils sont trop rares. » « En termes d'exécution créative,
promotion comme animation des ventes souffrent d'un manque de rigueur, comme
d'un manque d'exigence, explique Florent Mariotti. Cette exigence existe dans
le marketing relationnel, dans la publicité, mais pas suffisamment sur la
partie animation / promotion des ventes. » Enfin, dans leur majorité, les
agences de marketing terrain (Circular, CPM, SEP, B&W…), si elles ont un
savoir-faire indéniable dans la mise en œuvre d'opérations, ne revendiquent pas
de compétence stratégique (voir encadré, p. 64). « Au cours des dernières
années, les plus beaux succès en matière de promotion terrain ont pour nom
Ecobon ou Acti-Rayon, constate Philippe Ingold. Il s'agit de systèmes
standardisés, qui ont une vraie problématique de gestion des coûts et d'analyse
d'efficacité, mais qui ne s'inscrivent pas vraiment dans une logique de “cousu
main”. » Résultat des courses : l'impression diffuse que la promo est devenue
un métier de prestataires beaucoup plus que de créateurs, souffrant d'un
déficit de compréhension et d'expertise, installée dans une logique commerciale
beaucoup plus que marketing.
La promotion noyée dans la communication commerciale
La promotion aurait-elle perdu la
bataille, balayée par la notion, beaucoup plus large, de communication
commerciale ? « Aujourd'hui, les territoires sont assez clairement définis
entre, d'un côté, les agences de publicité (médias et image) et de l'autre, la
communication commerciale, qui couvre l'ensemble des métiers de proximité de
contact physique entre le client et la marque. Promo, trade marketing,
théâtralisation des points de vente, édition commerciale, marketing B to B,
fabrication, voire médias de proximité, dès lors qu'ils soutiennent une
opération commerciale », constate Benjamin Pardo. De fait, ce type
d'organisation est devenu un référent sur le marché. Caractéristique de cette
communication commerciale globale : elle a, bien sûr, pour mission prioritaire
de générer du business, mais elle est aussi en prise directe avec la marque et
avec son image. « La communication opérationnelle et relationnelle n'a pas pour
vocation de créer l'image de la marque, mais plutôt de l'accompagner »,
rectifie Renaud Bensimon, associé de Media Store Proximity. Il s'agit de faire
du business tout en restant concentré sur la promesse de la marque. « Si l'on
prend l'exemple de la théâtralisation, notre cœur de métier, nombreux sont ceux
qui utilisent la PLV sans avoir compris le concept publicitaire amont, explique
Agnès Soustiel, associée de Media Store Proximity. Alors que le but est de
croiser le savoir-faire en matière de PLV et le concept de la marque pour
obtenir une théâtralisation en phase avec les valeur de cette marque. Cela
implique une bonne connaissance de la publicité… et une collaboration étroite
avec les agences de publicité. » Le discours est un peu différent chez \Als &
Cachou, où le positionnement promo est plus affirmé. Faire du business sans
dégrader l'image ? C'est bien sûr l'objectif, mais il n'est pas toujours facile
de l'atteindre. « Une marque nationale qui, pour des raisons de marge arrière,
voit son écart prix se creuser avec les MDD et les premiers prix, essaiera de
compenser par une multiplication des offres promotionnelles fortes, analyse
Jean-Charles Espy. Le seul problème, c'est que l'on ne peut multiplier
indéfiniment ces promos sans dégrader l'image de la marque. Lorsque l'on en
arrive à faire la moitié de ses volumes en promo, on casse tous les repères… »
Travailler avec les agences de pub ? C'est bien sûr souhaitable. « C'est même
du bon sens de se dire, par exemple : sur telle période, la marque sera
davantage soutenue en pub, et sur telle autre, en promo. Pourtant, c'est une
utopie. On ne travaille presque jamais avec la publicité », regrette
Jean-Charles Espy. Pas étonnant, dans ces conditions, que la promo pure et
dure ait du plomb dans l'aile. Les grandes opérations, assez rares, s'appuient
souvent sur des moments de l'année qui, au fil des temps, se sont imposés comme
des temps forts en matière de promotion : Nouvel An chinois, St-Patrick,
Chandeleur, etc. « Il y a dans ces moments-là de fortes opportunités de
consommation, souligne Jean-Charles Espy. Nous en profitons pour nous appuyer
sur ces thématiques, raconter une histoire, créer des PLV, des relais médias…
faire notre métier… » Ainsi l'agence a-t-elle mis en place une grande opération
regroupant cinq PME pour la Chandeleur. Et pas des moindres : Lactel, Beghyn
Say, Francine, Loïc Raison, Œufs Lustucru. « Sur certaines marques, la période
a représenté 25 à 30 % du chiffre d'affaires annuel », souligne Jean-Charles
Espy.
Quelles solutions ?
Il faut bien l'avouer, dans
ce schéma général l'animation commerciale stricto sensu est un peu laissée pour
compte. « Il n'y a rien de bien nouveau sur ce terrain, reconnaît Philippe
Ingold. Sur la longue période, on assiste à l'émergence des techniques de jeu,
en complément des bons de réduction (BR) simple et le bon de réduction
accompagné de la dégustation, outils historiques. » « Le BR immédiat a très
largement les faveurs des consommateurs, affirme Anne Vaquier, directrice
commerciale de Circular France. 85 à 90 % des animations que nous mettons en
place s'appuient sur ce système. » Un peu plus intéressant, le développement de
canaux complémentaires destinés à prolonger l'animation de la marque hors point
de vente, voire à la remplacer. Ces “nouveaux territoires” de l'animation
commerciale peuvent être soit géographiques, soit virtuels… Ils sont
géographiques lorsque le magasin affiche ses limites. Une marque de grande
consommation peut-elle animer une cible qui fréquente peu les hypers ? Peut-on
s'affranchir des contraintes du linéaire et de la très rude concurrence qui
sévit le samedi dans les grandes surfaces ? L'animation “situationnelle” permet
de répondre par l'affirmative à ces questions. Son principe : toucher le
consommateur à un moment où il est plus ouvert, plus réceptif, et en tout état
de cause, mieux prédisposé à recevoir un échantillon (puisque le plus souvent,
c'est la technique utilisée) que dans l'univers “agressif” d'une grande
surface. Le concept est rendu d'autant plus intéressant que les situations en
question sont quasiment infinies : distribution sur le lieu de travail, à
l'arrivée sur son lieu de vacances, au cours de grands événements publics, à la
plage, etc. En outre, en dehors du point de vente, les animations sont
potentiellement plus à même de nourrir l'image de la marque. Lorsque, sous la
houlette de Ubi Bene, Sunsilk colle des échantillons de shampooing sur des
affiches 4 x 3 dans le métro, avec révélation du message à mesure que les
échantillons sont enlevés, il est bien plus question d'image que de trafic
immédiat au point de vente.« C'est un peu la limite de ces outils, constate
d'ailleurs Jean-Charles Espy. En promotion des ventes, lorsque l'on raisonne
résultat au franc investi, plus on est près du point de vente, plus on est
efficace. »
Internet, nouveau support
Les nouveaux
territoires de l'animation peuvent aussi être virtuels. Si c'est le calme plat
sur le front des techniques promotionnelles, les supports connaissent de vraies
mutations. Désormais, de nombreuses opérations renvoient sur des minisites,
faisant d'Internet un nouveau support destiné à la fois à créer du business et
à véhiculer les valeurs de la marque. Evoquons également le développement du
“smart catalogue”, « catalogue que l'on peut recevoir dans sa boîte e-mail, et
consulter sans jamais aller sur Internet, explique David Laloum. Ces techniques
permettent aux marques d'animer des gammes produits, de développer des
stratégies de marques transversales, de travailler des niches que l'on ne peut
traiter sur le point de vente… Elles offrent un bon complément au magasin. En
outre, elles ajoutent à la promotion et à l'animation “de masse” une dimension
personnalisée et interactive réellement nouvelle. » On est là en présence d'un
courant de fond, mais qui n'en est qu'à ses balbutiements, comme l'attestent
par exemple les tentatives, pas vraiment couronnées de succès, d'animations via
SMS. Mais il en faudra bien plus… « Nous devons convaincre en permanence,
expliquer que l'on peut monter de grandes opérations promotionnelles
événementielles, à la fois génératrices de volumes et bénéfiques pour l'image
de la marque », insiste Jean-Charles Espy. « Personne ne peut prétendre
aujourd'hui que l'animation des ventes est un terrain dans lequel on ne peut
pas avoir d'idées, renchérit Thierry Reboul. Nous avons une organisation
verticale des métiers de la communication du marketing opérationnel qui est
très préjudiciable. Il faut casser ces frontières. » Bon courage…
Les quatre dimensions de l'animation des ventes.
A trop vouloir opposer, de façon manichéenne, volume/trafic d'un côté et image/contenu de la marque de l'autre, on en oublie que l'animation commerciale revêt d'autres dimensions. Petit tour d'horizon, de la plus commerciale à la plus marketing.La première dimension concerne la relation avec le distributeur. « Pour éviter les trop fortes pressions commerciales, l'industriel va, par exemple, proposer au distributeur des journées d'animations et des animatrices », explique Georges Beaux, directeur général de SEP. L'animation comme outil dans le rapport de force entre l'industriel et le distributeur, il s'agit d'une dimension à ne pas négliger. Le problème, c'est lorsque l'animation des ventes n'est utilisée que dans cette optique. « On fait alors de l'animation comme on remplit des quotas, avec pour seul objectif la réduction des coûts, sans se poser la moindre question sur la qualité », poursuit Georges Beaux. l L'animation a ensuite une fonction marchande. « Notre objectif : garantir que, pendant trois semaines / un mois, l'achat va se faire sur la marque, affirme catégoriquement Jean-Charles Epsy, \Als & Cachou. Créer des pics de consommation sur la marque pour des raisons tactiques. » Les actions promotionnelles des industriels, et plus encore des distributeurs, visent à gagner des points de part de marché par rapport à la concurrence. C'est la qualité numéro un qui est reconnue à l'animation des ventes. l La troisième fonction ne concerne directement ni les volumes, ni l'image. Il s'agit de la dimension stratégique de l'animation des ventes par rapport à la marque. « L'animation des ventes permet d'agir sur les comportements d'achat des consommateurs en augmentant la pénétration d'une marque et en permettant du recrutement, analyse Philippe Ingold. C'est, selon moi, sa dimension la plus importante, bien plus que l'aspect volumes additionnels, car elle contribue fortement au développement de la marque. » l La quatrième dimension est celle qui touche de plus près la marque et son contenu. « Mais davantage dans une dimension relationnelle que dans une dimension d'image », poursuit Philippe Ingold. L'animation de vente symbolise une relation marque / consommateur. Ce faisant, elle devient un élément média et doit intégrer des notions de qualité, de cohérence du message véhiculé, etc. On est ici sur le territoire de la marque proprement dit. « Nous sommes plutôt en suivi et en cohérence par rapport à la marque, explique Agnès Soustiel, Media Store Proximity. Avec pour objectif l'adaptation de son contenu au point de vente. »
Marketing terrain : jusqu'au bout de l'animation
Chance unique ou point faible du marketing opérationnel ? Selon les cas, l'animatrice peut être l'une ou l'autre… Point faible, car lorsque l'on fait appel à des centaines d'animatrices, on ne peut être certain du résultat à 100 %. « On voit encore trop d'animatrices au manque flagrant de professionnalisme », déplore Philippe Ingold. Dans la profession, on admet du reste que tout n'est pas parfait… « C'est une partie de la réalité de ce métier, reconnaît Georges Beaux, directeur général de Sep Promotion. Il y a encore à faire pour apporter de la valeur ajoutée. » Chance unique, par ailleurs, parce que l'animation fait intervenir le facteur humain, ce qui la place à part. « Nous estimons répondre d'abord à une demande client de construction d'image, affirme Anne Vaquier, directrice commerciale de Circular France, leader sur le marché. Demande, ensuite, de trafic/volume. Sans oublier l'information du consommateur. Ce dernier volet est de plus en plus important. Nous avons des discours très poussés et très personnalisés, par exemple, au niveau des conseillères beauté. » Tout cela, naturellement, sous réserve que la vente soit bien réalisée. En la matière, les agences ne maîtrisent pas tous les paramètres. « Nous intervenons trop souvent en fin du processus, déplore Anne Vaquier. L'idéal serait de travailler plus en amont avec la marque et avec les agences de promotion, car celles-ci proposent parfois à leurs clients des animations qui ne sont pas toujours réalisables sur le terrain… » Autre regret, le manque d'implication des industriels. « La première condition de la réussite, c'est que notre client définisse clairement la mission, les objectifs, les messages à faire passer, insiste Georges Beaux. Cela nous permet de sélectionner les profils d'animatrices adéquats. » Ensuite, c'est au tour des agences de jouer. Les plus performantes du secteur mettent en avant leur valeur ajoutée en matière de sélection et de formation. Et insistent sur l'importance d'avoir des animatrices dédiées. « Elles auront un discours plus qualitatif, elles seront imprégnées de la marque et ainsi, pourront mieux la représenter », affirme Georges Beaux. « Une animatrice dédiée à une marque vendra de 25 à 40 % de plus qu'une animatrice “multimarque” », ajoute Anne Vaquier. Beaucoup d'efforts, donc, mais c'est la condition pour apporter de la valeur ajoutée. Sinon, gare aux dérives : « En Italie, par exemple, plus aucune société de la dimension de la nôtre ne fait de l'animation, constate Georges Beaux. Le business s'est intégralement déplacé vers des sociétés à très bas prix. Les prestations sont à l'avenant, avec des caricatures d'animation. C'est le risque que l'on court si l'on n'apporte pas suffisamment de valeur ajoutée. »