Acheteurs/conseilsCondamnés à s'entendre
La montée en puissance des directions achats vient bouleverser la donne de la relation entre les conseils et leurs clients.
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«On est obligé de se vendre à des gens qui ne nous comprennent pas, qui ne
connaissent pas nos métiers et qui, en plus, s'en foutent parfois totalement. »
Dans le cénacle policé des sociétés d'études et des agences de communication,
ce type de discours fait un peu tache. Ce que Liz Musch, Managing Director de
Millward Brown France, brocarde avec une grande liberté de ton, c'est la
montée en puissance des directions achats dans les choix des entreprises en
matière de prestations marketing et communication. Le phénomène n'est pas
nouveau, amorcé il y a déjà de longues années par les grandes entreprises de la
sphère publique et les grands noms de l'industrie automobile. Il n'est pas
davantage illégitime. Pourquoi les efforts menés par les entreprises pour
rationaliser leurs dépenses générales ne seraient-ils pas décalqués sur des
segments d'achats plus spécifiques ? Ce fait a simplement pris force de loi.
Les représentations professionnelles gambergent
Ce qui
surprend lorsque l'on aborde la question avec les patrons d'agences et de
sociétés d'études, c'est la placidité qu'ils renvoient en guise de réponse. «
C'est une donnée irréversible. On ne pourra pas aller contre », résume
Marc-Antoine Jacoud, CEO de Research International France et administrateur de
Syntec études marketing et opinion. L'éponge est jetée. Pour le directeur
général de l'AACC (Association des agences conseil en communication), cet
unisson est dicté par une réserve toute diplomatique. « Que voulez-vous qu'ils
disent ? Ils ont des clients. Il n'y a que moi qui puisse parler, je n'ai pas
de clients », lance Jacques Bille. Et quelle est la position de la
représentation patronale ? « L'arrivée en puissance des directions achats dans
nos métiers est l'un des éléments contributifs de la difficulté que connaissent
les agences à maintenir leur niveau de rémunération. » Le fait est que le sujet
occupe les esprits, quand il n'anime pas les débats. Alors que l'AACC affirme
jouer son rôle de lobbyiste, l'UDA (Union des annonceurs) prêche la vertu du
dialogue. « Nous ne sommes pas sûrs de pouvoir nous mettre d'accord à 100 %
avec l'AACC. Mais nous ferons des recommandations communes », soutient Pierre
Ferrer, directeur des techniques publi-promotionnelles, qui, tout en concédant
« un léger tassement des rémunérations depuis deux ans », ne manque pas, au
passage, de rappeler « la détérioration des relations annonceurs/agences ». Le
sujet trouve également écho au sein de l'UJJEF (Union des journaux et
journalistes d'entreprise). « J'ai réuni toutes les agences de la profession
», affirme Eric Bentot, président du groupe Tagaro et administrateur de
l'interprofession. Au programme des chantiers 2004 de l'UJJEF, la création
d'une commission “Direction des achats”. Même intérêt chez certains
fournisseurs de prestations. Signe des temps, Research International, lors de
son dernier séminaire management, a convié les acheteurs de deux grandes
entreprises à venir débattre durant trois heures avec ses équipes. La société
d'études a également inscrit à son programme de formation “University RI
France” un module sur les rudiments de la finance. Objectif : “Fournir les
acquis pour mieux comprendre comment mieux négocier avec les clients”. Bref, on
constate le phénomène et l'on fait en sorte de ne pas le subir comme une
fatalité négative. Il faut dire que vouloir l'infléchir serait bien
présomptueux. L'intervention des acheteurs dans les achats de prestations
intellectuelles gagne toutes les grandes entreprises, dans tous les secteurs
d'activité. Il y a cinq ans, le groupe Accor créait au sein de sa direction
générale achats un poste dédié à la “matière grise”. Une stratégie confirmée,
trois ans et demi plus tard, par la création d'un second poste. Aujourd'hui,
l'achat des prestations intellectuelles occupe donc deux responsables à plein
temps, dont un en charge des environnements marketing, communication, édition,
promotion. « Les achats, ça n'est pas de l'approvisionnement. Les acheteurs ne
sont pas des passeurs de commandes. Ils travaillent sur des coûts globaux
d'acquisition », affirme François-Charles Rebeix, directeur de la publication
de La Lettre des Achats. Que les marketeurs et communicants se rassurent, la
démarche des directions achats est de « faire baisser les prix, pas de payer en
dessous du juste prix », ajoute Pierre Ferrer. Les acheteurs ne seraient pas
là pour acheter du prix, c'est-à-dire pour obtenir 5, 10 ou 20 points sur une
base de 100, mais pour acheter de la valeur, à savoir définir dans quelle
mesure la base 100 est justifiée. « Nous ne travaillons pas dans une logique de
moins-disant », se défend Christine Schmitt, à la tête des sept acheteurs du
département achat commerciaux et prestations intellectuelles de La Française
des Jeux. Dans une configuration idéale, les acheteurs sont là pour décharger
les prescripteurs de toutes les dimensions connexes au contenu de la
prestation, pour étayer les orientations des utilisateurs en formalisant de
manière analytique l'ensemble des données contractuelles : cession de la
propriété intellectuelle, respect des process, chiffrage et acceptation des
devis, reconduction des contrats, grilles de rémunérations en fonction des
profils… Mais la sphère d'action des acheteurs commence en amont de la trame
contractuelle : définition des besoins, appréhension du périmètre de
prestation, identification des acteurs, évaluation de leur solvabilité,
définition des cadres administratifs et financiers, décryptage de la structure
des coûts, audit des briefs des prescripteurs…
Hiatus culturel
Idéalement, acheteurs et prescripteurs, au sein des
entreprises acheteuses, travaillent main dans la main. Et dans la réalité ?
Entre les hommes de marketing ou de communication et les acheteurs, le lien
procède souvent de l'artifice culturel. Les seconds soupçonnant parfois les
premiers de gabegie et de collusion, les premiers reléguant facilement les
seconds à la catégorie des “bourrins”. « Dans le monde des études, les hommes
de recherche sont habitués à travailler avec des techniciens, des
méthodologistes, pas des professionnels de l'objectivation », illustre
Marc-Antoine Jacoud. La figure du binôme prescripteur-acheteur doit encore
s'imposer. « Un directeur des achats ne peut travailler s'il n'a pas le
soutien de la direction générale. Ce qui n'est pas acquis dans les entreprises
à forte culture marketing », affirme Christian Vormus, président de la
commission prestations intellectuelles de la CDAF (Compagnie des acheteurs de
France), association regroupant 3 000 membres et dédiée à la promotion des
métiers de l'achat. Les prescripteurs et acheteurs “historiques” au sein des
entreprises redouteraient-ils la dépossession ? « L'immixtion des directions
achats lève le voile au mieux sur les compétences et le discernement des
prescripteurs, au pire sur leur intégrité », lâche le patron d'une agence de
communication. Cette évolution, qui s'inscrit dans un mouvement plus général
d'industrialisation des processus chez les acteurs de prestations
intellectuelles, amène, en tous cas, ces derniers à s'interroger sur la nature
de leurs organisations. Elle encourage également des agences et sociétés
d'études à intégrer des compétences nouvelles, à ouvrir des sessions de
formation, pour développer les bons arguments face à des interlocuteurs d'une
nouvelle espèce. « Lorsque nous nous trouvons confrontés à des directeurs des
achats, nous mettons en face notre directeur financier », commente Béatrice
Fleck, directeur général d'Added Value. « On peut toujours appeler des
financiers à la rescousse. Mais ils ne connaissent pas mieux nos métiers. Il
faudra bien pourtant que l'on s'adapte. Nous avons tous déjà développé des
systèmes analytiques qui nous permettent de savoir où sont nos marges »,
affirme Liz Musch.
Avantage aux gros
Faute de
ressources, de culture, de temps, de moyens, tous les offreurs ne peuvent pas
répondre de manière adaptée aux évolutions d'une demande aux exigences de plus
en plus drastiques. Une fois de plus, la logique du marché est profondément
inégalitaire. Avantage aux gros. La taille critique permet d'abord de résister
à la pression tarifaire. Liz Musch se félicite de la dimension internationale
de son réseau, qui, dit-elle, la protège du dumping. Présent dans 60 pays,
Millward Brown travaille depuis 15 ans sur la base de modèles méthodologiques
éprouvés. « La taille de notre base de données, le benchmark, tout ça se paie.
» Et Daniel Morel, CEO du réseau Wunderman, d'abonder dans ce sens : « Pour que
nous puissions réaliser des économies d'échelle, il nous faut à la fois avoir
l'échelle et avoir des économies. On ne peut pas diminuer nos tarifs de 10 à 20
% si l'on n'a pas l'étendue et la stabilité. » L'appartenance à des structures
organisées, riches en ressources internes, rodées à la culture financière,
voire cotées, aplanit les écueils. La tendance pourrait-elle s'avérer fatale
pour les structures plus modestes et moins préparées ? « Fatal, non,
chronophage, oui », répond Marc-Antoine Jacoud. Une direction achats peut très
bien venir auditer les process de fonctionnement d'une agence, décrypter sa
chaîne productive et ses pratiques managériales. Pour une petite structure,
difficile de répondre à une telle ingérence sans provoquer de rupture
d'activité. Car, pour remplir ce que les acheteurs appellent “dossier d'examen
d'aptitude”, il faut du temps et des ressources. Car les champs de
renseignement imposés par les acheteurs ne varieront pas, quelle que soit la
taille du prestataire : identification de l'entreprise candidate, données
financières (chiffre d'affaires sur trois ans, résultats, compte
d'exploitation, CV des salariés, ...), positionnement et compétences, normes de
qualité et de confidentialité (normes ISO, certificats...), présentation des
références (détaillées par lot, sur 3 ans...), annexes diverses
(justifications, assurances...)… Pour se faire référencer chez Exposium, le
groupe de communication Extrême Agency a dû produire un rapport d'une
quarantaine de pages sur sa vision de la qualité de service. « Le temps passé
sur le montage d'une méthodologie et la formalisation d'une offre dans les
cadres imposés par nos clients acheteurs est parfois plus important que celui
consacré à la construction de la solution intellectuelle », reconnaît
Marc-Antoine Jacoud. « A trop vouloir dire qu'un DA va passer deux jours sur
une création de 120 pages, il y a un risque de perte totale de créativité.
Lorsque l'on doit produire 60 supports, la tentation de la mécanisation est
évidente », insiste Eric Bentot. La critique sonne d'autant plus juste que - la
productivité n'épargnant personne -, la compression des équipes achats au sein
des entreprises pourrait bien accentuer les risques de dérive : moins de temps
à passer sur le détail et la nuance, plus d'empressement à exiger des rapports
normés. Et le directeur des techniques publi-promotionnelles de l'UDA de
reconnaître qu'« il ne faut peut-être pas tout passer au millimètre, notamment
la création. »Même les plus “positifs” parmi les patrons d'agences ou
d'instituts d'études le disent : si l'indicateur financier devenait exclusif,
l'évolution deviendrait dérive et c'est le contenu même des prestations qui
s'en trouverait affecté. Imaginons, par exemple, des acheteurs face à l'achat
d'études quanti. Imaginons qu'ils soient contraints par la pression financière,
qu'ils se trouvent tentés d'acheter d'abord un prix, et d'y faire “rentrer” la
matière fournie. Si l'on en croit les professionnels des études, l'hypothèse
n'a rien d'audacieux. La tentation ne serait-elle pas grande, pour ces
acheteurs, de réduire la taille des échantillons et le nombre des items ? « Il
y a un seuil dans le nombre d'entretiens en dessous duquel on ne peut décemment
pas descendre. Sauf à fausser la validité des études. Ce qui fait leur valeur
ajoutée, c'est l'intangible, tout ce qu'il y a autour de la donnée. Pour ma
part, je me refuse à ne livrer que des tableaux », s'insurge Liz Musch.
Au bout de la logique, le référencement
La guerre n'est
pas déclarée pour autant, et les fournisseurs de prestations marketing et de
communication ne peuvent que reconnaître les vertus d'une appréhension mieux
régulée de leurs pratiques. La présence des acheteurs, c'est aussi la fin du
n'importe quoi, d'un galimatias mêlant copinage, habitudes et vedettariat.
Plutôt que de la coercition, nombreux veulent bien y voir une assurance contre
les litiges. En respectant, par exemple, des critères de pérennité financière,
les acheteurs se protègent, mais protègent également la corporation des
prestataires. « Nos métiers ont changé, c'est vrai. Ils deviennent un peu plus
administratifs, note Jean Valentin, président du groupe Extrême Agency. Mais si
c'est le prix à payer pour plus de transparence, c'est bien. » Reste que dans
nombre de grandes entreprises, cette logique de la rationalisation tolère
encore quelques ruptures organisationnelles. A la SNCF, des éminences grises
travaillent à la refonte des achats, via l'institution de spécialisations
centralisées, parmi lesquelles une direction des achats de prestations
intellectuelles. Pour l'heure, le dispositif d'achat des prestations
communication et marketing du transporteur national reste « complètement éclaté
», apprend-on auprès de la direction de la communication. D'un côté, une
direction achats. De l'autre une dircom, doublée d'autant de départements
communication qu'il y a de grands services fonctionnels. « L'événementiel est
acheté par la communication externe, la publicité par le département pub au
sein de la direction de la communication, les études par le département
études…» Pas simple. La complexité se décline souvent jusqu'aux modèles amont
de sélection des agences. Le référencement des prestataires par exemple -
aboutissement d'une logique d'achats systématisée - obéit souvent à des
pratiques fragmentées. Comme la plupart des grandes entreprises soumises aux
codes de la gestion publique, La Poste a intégré de longue date les acheteurs
dans le processus de sélection des prestations et de leurs fournisseurs. La
pratique du référencement n'est pas systématique. La publicité fait l'objet
d'un partage contractuel entre deux agences, l'une en charge des communications
sur les produits financiers, l'autre assurant tous les autres champs
d'intervention publicitaire. Le groupe a également choisi sa centrale d'achat
d'espace, la même pour tout le monde. L'événementiel relève davantage de
décisions au coup par coup, tout comme la presse d'entreprise. Seul le
marketing opérationnel, qui génère une cinquantaine d'opération annuelles,
repose sur le référencement de huit partenaires. « En globalisant nos budgets
sur un nombre restreint d'agences, nous nous garantissons auprès d'elles un
statut de “client grand compte”, et limitons le risque d'une moindre motivation
du marché face à nos nombreuses consultations », commente Marc Laloux,
responsable achats communication et chaîne graphique de La Poste. « Je ne suis
plus rémunéré, je suis acheté, comme des boulons…». Verbatim attribué à un
publicitaire et consigné dans la dernière étude de Limelight Consulting sur les
relations entre agences et annonceurs (voir Marketing Magazine n° 82, en p.
42). L'intervention des directions achats sonne le glas de la rétribution à la
commission. « Les agences ont longtemps été commissionnées sur des critères que
personne ne pouvait expliquer. Il était temps de rationaliser tout ça. En se
professionnalisant, les achats nous aident à nous professionnaliser », soutient
Frédérique Misk-Malher, directrice des opérations de Young & Rubicam France.
Honoraires fixés à l'année, pourcentage à l'achat d'espace, forfait au temps
passé, indices de valeur selon la nature de la création…, le modèle s'est
toujours avéré favorable aux fournisseurs dans un contexte d'activité soutenue.
Aux premiers infléchissements dans le rythme des commandes, il devient plus
aléatoire, sauf à pouvoir compenser la perte des revenus par un volant
parallèle d'activités contractuelles et récurrentes. « Les directions achats
interviennent de manière de plus en plus soutenue dans la formalisation des
accords. C'est moins le cas dans les discussions de rémunérations », soutient
Pierre Ferrer. Pour justifier l'alignement sur des grilles tarifaires uniques
de structures qui n'ont ni la même taille, ni les mêmes ressources, ni la même
force de production, les acheteurs échafaudent des systèmes de rémunération
dérogatoires permettant de pondérer les différents coefficients en leur
affectant, par exemple, des points d'invalidité. « Vous avez x points de malus
sur tel item. Nous vous “shortlistons” quand même parce que sur tel autre
critère, vous semblez pouvoir garantir de la valeur ajoutée. Mais votre
rémunération sera entamée de x % si on vous retient. » Comme la plupart des
entreprises, le groupe Accor a travaillé un temps avec des agences de
communication sur un modèle de rémunération à la commission. Lorsqu'il s'est
agi de passer à un régime forfaitaire, certains fournisseurs ont d'abord
manifesté des réserves. Pour, in fine, échaudés par les à-coups d'un marché
devenu incertain, se résoudre à un modèle plus sécurisant dans la durée.
L'acheteur connaît-il ce qu'il achète ?
l L'achat n'est pas l'approvisionnement. Un acheteur n'a pas à connaître le produit, mais le marché. C'est du moins l'argument convenu des professionnels. « Soit ils entrent dans nos métiers et ils ont l'impression de perdre leur âme de cost killers, soit ils restent des cost killers », lance Jacques Bille, directeur général de l'AACC. La corporation des acheteurs pècherait par une pauvre connaissance des techniques et une faible compréhension des enjeux du marketing et de la communication.Du côté des directions des achats, on répond par une spécialisation accrue dans les recrutements et les formations. L'expertise est fortement revendiquéeà La Poste. « Au sein des achats communication et chaîne graphique, noussommes cinq acheteurs dont deux qui viennent des métiers de la communication », argumente Marc Laloux, responsable de ce segment d'achats. Chaque acheteur de La Française des Jeux s'est vu affecter un portefeuille bien précis. Au sein du département achats commerciaux et prestations intellectuelles, qui compte sept acheteurs, les études marketing, par exemple, ne se partagent pas.« On entend ce type de revendication,commente, sceptique, Christian Vormus, président de la commission prestations intellectuelles de la CDAF (Compagnie des acheteurs de France). En attendant, dans leurs recrutements,les entreprises recherchent de plus en plus des profils généralistes. »
“New Deal”
l «Il faut que nous fassions comprendre à nos clients qu'une création n'a pas la même valeur selon qu'on l'utilise une fois ou mille fois. » Jean-Patrick Chiquiar,directeur général de Young & Rubicam France, prêche pour un “new deal” en trois principes. Premièrement, les agences doivent être rémunérées au temps passé. « Les marges doivent être définies en fonction des exigences de nos actionnaires et des personnes impliquées dans la prestation, créatifs, consultants…» Deuxièmement, le coût de la création en revanche ne doit plus être forfaitisé. Quelle est en effet la valeur du temps passé en matière de création ? Peut-on réellement y indexer la valeur de l'idée ? Jean-Patrick Chiquiar propose un système de rétribution basé sur la quantité d'utilisation de la création fournie, moyennant un pourcentage de l'achat d'espace. Il s'agirait de payer le potentiel d'impact des créations. Troisièmement, la relation entre annonceurs et agences doit pouvoir s'inscrire dans le temps. Pour ce faire, le Dg de Y & R propose de traduire en incentive une partie de la rémunération des prestataires. Avec des variables indexés sur le business des marques (chiffre d'affaires, augmentation des volumes, parts de marché…) et non sur des paramètres endogènes aux agences. « Au-delà du profit, le variable, c'est de la précarité. Il ne s'agit pas de remettre l'équilibre financier des agences. »
Une charte à l'adresse des acheteurs
l Comme la plupart des agences dans le monde de la communication, Pléiades, deuxième acteur français indépendant sur le marché de la presse d'entreprise, voit la grande majorité de son business soumis au filtre, voire à l'imprimatur desdirections achats, du moins des acheteurs. Conscients de ne pas avoir les moyens d'inverser la tendance, ni même de lui résister, les dirigeants de l'agence ont souhaitéla dédramatiser.Avec l'aide de Xavier Leclercq, professeur à l'Essec, exégète de la fonction achat et notamment dans la sphère des prestations intellectuelles (Négocier les prestations intellectuelles, Editions Dunod, 2003), Pléiade a rédigé à l'adresse des acheteurs une charte d'engagements en cinq actes : transparence des coûts (internes, externes, historique sur trois ans, marges…), qualité et process (suivi, rotation, force de proposition, workflow, grilles tarifaires…), éthique (compte rendus des entretiens internes et externes, accès aux CV des collaborateurs, abandon du jargon…), propriété intellectuelle (cession des créations, confidentialité…), responsabilité (obligations de moyens et de résultats…). « Nous avons souhaité éditorialiser notre démarche », résume Laurent-Cédric Verscheure, directeur de clientèle. 500 acheteurs ont reçu par mailing ladite charte, flanquée d'une invitation à une réflexion collégiale. En novembre 2003, l'agence a ainsi pu recevoir dans ses murs les patrons des achats d'une vingtaine de grandes et très grandes entreprises, afin de débattre des modalités et enjeux d'une irréversible collaboration.Fructueuse, la rencontre n'a pas levé tous les malentendus. « Nous avons été les premiers à prendre le phénomène en frontal. Il faut discuter avec les acheteurs. Aujourd'hui, il sont de plus en plus nombreux à savoir intégrer la dimension la plus subjective de nos métiers. »