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Absente ou le goût d'une madeleine interdite

C'est à la fois dans ses résonances avec le monde de Verlaine, de Baudelaire, de Toulouse-Lautrec et dans l'esprit de nouveaux rituels gustatifs, que revient la sulfureuse "Fée Verte", l'absinthe, également surnommée "Notre-Dame de l'Oubli". Son pouvoir de séduction a pris les traits d'une superbe modernité qui n'a pas coupé le cou à son histoire. Mais cette absinthe, baptisée Absente, présente encore des risques. On peut devenir fou de la qualité de son image de marque signée par le designer Jean Perret.

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Certains consommateurs hésitent parfois à commander un apéritif anisé. Il est vrai que l'ambiance casquette et "ce soir on vous met le feu !" ou "Patron, deux sinon rien !" ne sied pas forcément à toutes les circonstances. Mais Absente est arrivée après un détour par les Etats-Unis. Il fait sans doute partie de l'exception française de devoir commercialiser un produit typiquement hexagonal d'abord sur le marché américain pour pouvoir ensuite le lancer en France... Absente provient des Distilleries et Domaines de Provence qui élaborent, à Forcalquier, depuis un siècle des apéritifs et liqueurs de Provence. Elle est l'héritière des colporteurs droguistes qui vendent les produits de la cueillette des ramasseurs d'herbes médicinales. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, ils s'installent dans de nombreuses villes comme marchands droguistes ou apothicaires. Au XIXe siècle, certains deviennent pharmaciens, d'autres distillateurs. Ceux-ci se spécialisent ensuite dans la production de liqueurs ou d'apéritifs. Les Distilleries et Domaines de Provence font perdurer cette tradition en fabricant le Rinquinquin, le pastis Henri Bardouin, la Farigoule et dernièrement l'absinthe Absente. Effet madeleine alcoolisé, interdite en 1915, elle nous rappelle le monde tourmenté des écrivains, des peintres et des poètes du XIXe siècle. Elle fut inventée dans les pâturages suisses par le docteur Ordinaire (sic), un médecin français. Il vendit en 1797 la recette de son breuvage, une macération dans l'alcool de quelques épices et une plante aromatique croissant dans les lieux incultes, à un Monsieur Pernod... Aujourd'hui, l'absinthe d'Absente a été purifiée de ses substances toxiques. Elle permet ainsi de nouveaux rituels de dégustation. On peut ainsi renouer avec la tradition de la "cuillère à Absente", faire flamber le sucre, verser doucement l'eau dessus pour le dissoudre peu à peu et teinter la liqueur d'un vert opalescent. Elle peut être juste versée sur de la glace pilée. Les amateurs de boissons peu sucrées et amères la préféreront juste additionnée d'un peu d'eau. Elle peut aussi être appréciée pure à 55°. « Absente est un produit sophistiqué. Mais dans les apéritifs anisés, ce ne sont pas les produits qui sont bas de gamme, c'est l'image. Il n'y a aucune stratégie de direction artistique liée à la réflexion marketing. Les chefs de produit appliquent les mêmes sempiternelles recettes validées par des tests effectués sur des consommateurs professionnels... des tests. Les grandes marques pratiquent un marketing de gestion. Et, lorsque l'on est incapable de rêver soi-même, comment faire rêver et séduire le consommateur ? Il faut plus que sortir quelques mots éculés d'une liste usée jusqu'à la corde. Disons convivialité, sérénité ou vitalité ! Ajoutons que le vert suggère la fraîcheur et le rouge le dynamisme ! Et le tour est joué », plaisante le designer Jean Perret. Il est vrai que si l'on ne veut pas considérer les consommateurs comme des chiens de Pavlov et confondre une image de marque avec le bruit d'une sonnette, regardons la bouteille d'Absente. De là à penser qu'il n'est que toi...

Stirésius

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