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A la lumière de la passion des étoffes

La dernière exposition du Musée de la mode et du textile nous permet de porter un regard attentif sur l'immatériel, sur les variations de couleur et de relief des textiles. Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, le textile est aussi fait de l'étoffe du rêve. Et ses variations de lumière peuvent avoir des effets thérapeutiques.

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«Le triple jeu de la lumière, du regard et du textile est tellement implicite de notre expérience que nous n'y prêtons guère attention. Affaire de constatations empiriques ou sensibles et par conséquent trop pragmatiques ou subjectives pour donner lieu à des considérations écrites, pratiques transmises en entreprise, secrets d'atelier jalousement gardés et désormais aussi secrets industriels, le sujet est généralement absent des traités de tissage », écrit Jean-Paul Leclercq, commissaire de l'exposition "Jouer la lumière"*, consacrée au spectacle des effets de la lumière sur le textile, vêtement ou tissu d'ameublement. Elle permet d'apprécier d'un oeil neuf les objets produits par notre société et de comprendre leurs usages. Ce travail de la lumière sur les étoffes fut et demeure la préoccupation des peintres portraitistes, des photographes, des designers et des architectes. L'exposition explore la filière professionnelle qui va de l'élaboration du fil au vêtement et ses acteurs, ingénieurs textiles, stylistes, couturiers en passant par les chimistes et physiciens. Entre les deux, la modélisation informatique du textile permet de créer des irisations mouvantes et dessins aléatoires inédits. Les oeuvres présentées s'échelonnent du XVe siècle jusqu'à nos jours. Elles appartiennent pour la plupart aux collections du musée qui expose à cette occasion des acquisitions récentes. Certains compléments ont été obtenus grâce au concours du musée de l'Armée et du musée de l'Infanterie de Montpellier, de collectionneurs privés pour les broderies religieuses, de fabricants de tissus pour les vêtements de travail et de créateurs de mode. Mais plutôt qu'une approche historique, c'est un parti pris thématique qui a été recherché.

Adopter différents points de vue


Une première section décrit quelques effets optiques essentiels résultant des variations d'éclairages qui viennent effleurer les textiles : l'ombre et la lumière, l'opaque et le transparent, le mat et le brillant. Les costumes anciens comme les créations les plus récentes de couturiers, permettent de découvrir un éventail d'effets, les propriétés textiles des grandes familles (taffetas, satin, damas, velours, etc.), ainsi que les techniques contemporaines d'ennoblissement des tissus, de la broderie aux hologrammes en passant par les effets plastifiants. La seconde partie de l'exposition propose des mises en situation de costumes anciens et de vêtements contemporains. Elle se penche sur l'usage qui est fait du vêtement. Elle s'intéresse à sa dimension symbolique, ornements liturgiques ou uniformes civils, à sa dimension utilitaire. La période récente dans la mode et le textile se caractérise par la richesse des détournements technologiques et l'invention de nouveaux jeux de lumière où, grâce à la pénombre, le vêtement devient émetteur : fluorescence dans une lumière ultraviolette, phosphorescence, diodes, fibres optiques. Ainsi, à plat ou mis en forme, le textile se métamorphose et livre ses propriétés changeantes et secrètes. "Jouer la lumière" montre aussi les attributs du pouvoir masculin et les pratiques féminines. Sous l'Ancien Régime, l'homme brille dans l'apparat autant ou plus que la femme. L'habit à la Française, tenue de l'homme au XVIIIe siècle est rehaussé par l'éclat de ses boutons et de ses accessoires et surtout de la bordure constellée de broderies. Soie, or, argent ou verre, la broderie est surtout un apanage masculin. Puis l'éclat masculin n'est plus guère assuré que par les uniformes civils ou militaires. Chez les notables, le miroitement du velours de couleur traduit la condition de domestique de grande maison. Le smoking devient l'uniforme des soirées habillées. Côté femmes, la lingerie n'est durablement exposée au regard que dans les publicités ou les vitrines des magasins. Elle joue pourtant sur toute la gamme des effets visuels, ombre et lumière par son relief ou celui du corps, brillance et transparence. Image de soi pour soi ou pour séduire, que la femme est seule à savoir porter et qui ne se voit pas. Les dessous qui transparaissent peuvent émerger d'un choix inconscient ou révéler une intention de jouer sur le visible et le caché dans un jeu subtil où un voile de couleur chair imite la nudité et où une dentelle noire souligne les lignes du corps. Les fibres élastiques et plus encore lorsqu'elles sont métallisées dévoilent les formes du corps, la brillance amplifiant la traduction de l'effet moulant. Cette exposition, à l'instar des effets changeants de la lumière, permet d'adopter différents points de vue et d'affiner son regard qu'il s'agisse de choisir une tenue, de photographie, de création textile ou vestimentaire, de design ou d'architecture d'intérieur. Elle facilite l'inspiration des concepteurs d'espaces bâtis, de jardins et de paysages. Et aujourd'hui, le plaisir et l'esthétique visuels sont devenus une nécessité vitale. Les recherches de la chronobiologie ont bien montré que nous sommes régis par des stimuli lumineux dont les variations agissent sur notre humeur. Jusqu'à la luminothérapie conseillée aux individus dépressifs. "Jouer la lumière" peut donc aussi se voir comme une exposition thérapeutique dans le plaisir. * Union Centrale des Arts Décoratifs Musée de la Mode et du Textile,107-111 rue de Rivoli, 75011 Paris. Jusqu'à fin janvier 2002. "Jouer la lumière", ouvrage publié à l'occasion de l'exposition. Coédition UCAD/Adam Biro.

Stirésius

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