A la conquête des mobinautes
Consulter son mobile chez Monop' pour acheter les ingrédients nécessaires à la confection d'une recette donnée par Elle à Table, ou dans sa voiture pour savoir comment accéder à la salle qui diffuse ce film conseillé par Première, choisir de rentrer chez soi en fonction de ce qu'indique le programme TV de Télé Star...: l'éventail des contenus et services fournis par les médias via leur site internet mobile va encore s'élargir dans les mois à venir. «54 millions de Français ont un téléphone portable dans la poche: cela crée de formidables occasions de contacts avec nos marques, estime Emmanuel Vacher, directeur marketing et commercialisation de Lagardère Active Digital. Il y a une réelle émergence de V audience. Celle-ci va continuer à croître grâce à un usage de l'Internet mobile de plus en plus facilité.» L'arrivée de navigateurs plus performants, portée par l'effet iPhone, mais aussi l'offre de forfaits illimités ont un effet déterminant sur le développement de l'Internet mobile, dont le taux de pénétration continue de progresser. Selon l'Arcep - l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes -, ce taux a progressé, en un an, de près de six points, passant de 81,8% en décembre 2006 à 87,6% en décembre 2007. Les 54 millions d'utilisateurs actifs ne sont bien évidemment pas autant de mobinautes. L'Arcep a établi à 17,1 millions le nombre de clients ayant utilisé au moins une fois un service multimédia de types Internet mobile ou MMS en décembre 2007. Ce qui représente près d'un tiers du parc actif total de clients mobiles. Mais, là encore, l'usage se développe crescendo, avec 14% d'utilisateurs supplémentaires l'an dernier.
Cette tendance porteuse incite de plus en plus les spécialistes des médias à tenter des expériences pour tester la réactivité des mobinautes face à de nouveaux outils. L'été dernier, l'Association française du multimédia mobile (AFMM) et l'Association pour la promotion de la presse magazine (APPM) ont ainsi étudié ensemble la réactivité du grand public face aux codes-barres 2D Flashcode, mesuré leur capacité à dynamiser le trafic de l'Internet mobile et promu l'interactivité dans la presse écrite. Ces codes, qui permettent notamment d'accéder à des contenus complémentaires (photos, vidéos, conseils beauté, infos produits...) ou de réagir à l'information, étaient téléchargeables, pour l'occasion, dans les pages papier de Closer, Public et Voici Des magazines de la presse people, qui offrent des opportunités de téléchargement de vidéos, de photos ou d'interviews de stars. «Cette expérience est un symbole fort, car les trois hebdomadaires concurrents se sont réunis pour un même test mené en toute transparence, souligne Maud Bannier, directrice internet mobile et CRM de Lagardère Active Digital. La période estivale s'est révélée être un bon choix, car c'est le moment où la diffusion et le lectorat de la presse people sont les plus importants.»
L'accès aux sites internet mobile de Closer, Public et Voici via le Flashcode a ainsi représenté de 15% à 25% de l'audience en juillet et août 2007. Le trio a enregistré 30 000 demandes de téléchargement de l'application Flashcode insérée dans ses pages et, univers des stars oblige, ce sont les vidéos mobiles qui ont constitué le contenu le plus consulté par les lecteurs. «Ce test est intéressant, car il fonctionne sachant que moins de 5% des terminaux mobiles sont compatibles avec l'application de notre marque Flashcode, précise Nicolas Guieysse, délégué général de l'AFMM. Nous estimons que 50% des utilisateurs de mobiles devraient en bénéficier d'ici à 2010.» En attendant, les codes 2D de l'APPM seront accessibles a tous les acteurs du marché mobile à partir du mois d'avril. Parmi les trois hebdomadaires, Public est le seul à avoir décidé de continuer à intégrer des codes-barres dans ses pages. «C'est un service bien ancré dans l'esprit de notre lectorat, indique Nicolas Pigasse, directeur de la rédaction du magazine. Un Flashcode sur trois est scanné après la fin de diffusion du magazine en kiosque. A nous d'apporter une valeur ajoutée, en nous appuyant notamment sur Public TV pour la partie vidéo, à la manière des bonus sur un DVD.»
Une brique supplémentaire
Mondadori France Digital se montre plus réservé. «C'est un outil qui relève encore de la R&D, mais qui a incontestablement de l'avenir, utilisé à bon escient, comme une brique supplémentaire dans la construction d'une convergence numérique», estime Christophe Agnus, son directeur délégué. Pour l'heure, le groupe se concentre sur le déploiement de services autour des 14 titres présents sur le Web et l'Internet mobile. D'après Christophe Agnus, trois titres directement issus de l'univers masculin se détachent. Figurent sur le podium, Max, disparu des kiosques il y a deux ans mais toujours bien vivant sur la Toile, FHM et Addx. Parallèlement au développement des contenus des sites comme Pleine Vie, Y Auto Journal ou FHM prévus cette année, Mondadori France Digital commence à se positionner sur iPhone avec Guidetele.com, qui pourrait être suivi par Télé Star. Le smartphone d'Apple, qui remporte un vif succès, sert en effet de vitrine aux sites de marques de médias, écrits comme audiovisuels. Du côté de chez Prisma, le magazine Géo vient d'annoncer récemment qu'il dispose désormais d'un petit portail regroupant ses reportages vidéo en un format compatible avec l'iPhone. Chaque document s'accompagne de ses «pièces à conviction» et d'un making-off. Le mensuel de Prisma rejoint ainsi Libération ou encore 20 Minutes.
A la recherche du bon modèle publicitaire
L'accélération des initiatives prises par les marques médias se double bien évidemment de la recherche du modèle économique le plus adapté et du meilleur canal pour le véhiculer. Mondadori France Digital a ainsi rejoint la régie publicitaire mobile Nokia Ad Business, filiale créée il y a peu par Nokia. Dans la catégorie modèle payant, le groupe Canal + revendique aujourd'hui 250 000 clients abonnés à Canal + mobile et Canalsat mobile chez ses partenaires SFR et Bouygues Telecom. Lagardère Active Digital, qui fonctionnait encore l'an passé sur ce même modèle, a, quant à lui, changé son fusil d'épaule en début d'année. «Ce basculement dans une logique de gratuité a déjà un effet en termes d'audience et nous encourage dans cette logique de modèle publicitaire, indique Emmanuel Vacher. Les prix de commercialisation y sont plus élevés que sur Internet, ce qui nous incite à développer de nouveaux espaces à vendre.» Le groupe s'apprête ainsi à lancer les sites mobiles de Elle, Première, Europe 1 et la seconde version de Télé 7 Jours. «On a souvent dit que 2008 était l'année de l'Internet mobile. Mais c'est réellement la première fois qu'il se crée un écosystème autour de son développement publicitaire», estime Antoine Lévèque, directeur général de Marvellous (ex-Aerodeon), agence de marketing mobile d'Isobar (groupe Aegis) . Au cours des derniers mois, les groupes désireux de renforcer leur expertise dans ce domaine ont effectué une grande opération shopping. Le marché a ainsi vu l'acquisition de l'agence de communication mobile Phone Valley par Publicis Groupe Media à l'automne dernier, celle de Screentonic par Microsoft, de Third Screen Media par AOL ou encore la prise de participation de SFR dans le capital de Sofialys. Une étude, menée l'année dernière par l'institut CSA pour AOL auprès de 50 annonceurs et 50 agences sur le thème «Téléphone mobile et publicité - Freins et motivations«a souligné que ces acteurs jugeaient ce média de proximité (94%), de masse (75%) et innovant (66%). Le fait qu'il touche les consommateurs à tout moment de la journée est un atout de taille.
Un média complémentaire
Autres avantages: la couverture (utilisateurs et lieux d'usage) et la captation de cibles difficilement atteignables avec d'autres médias.
«Grâce au développement de l'offre et des contenus par thématique et centres d'intérêt, nous pouvons commencer à bâtir un plan média et pas uniquement toucher les mobinautes qui téléchargent des sonneries comme le pensent beaucoup d'annonceurs», note Antoine Lévèque. Signe de cette évolution: la mise en ligne, lors de la Saint-Valentin et jusqu'au 29 mars, de la première campagne paneuropéenne 100% mobile dans l'univers de la parfumerie. Réalisée par ScreenTonic, elle était consacrée au lancement de l'édition limitée de l'Eau d'Amour de Jean Paul Gaultier Parfums. La marque y invitait à découvrir le site Eau d'Amour, jpgeaudamour.mobi, référencé en France sur Gallery. La campagne se poursuivait par la mise en place de bannières animées sur des portails mobiles des packs généralistes féminin, masculin et entertainment de la régie. «Le mobile reste un média complémentaire. Toutefois, une forte proportion de mobinautes n'ont pas d'accès Internet chez eux ou au travail et utilisent leur téléphone en surf permanent, précise Fabrice Duvoux, directeur de la régie. Le mobile sert ici de deuxième clé d'entrée pour le marché.»
Une clé qui n'ouvre pas toutes les portes, selon Nicolas Bard, directeur associé de l'agence Né Kid. «Il faut davantage envisager le mobile comme un média de contenu plutôt qu'un média publicitaire, estime-t-il. Nous recommandons surtout aux marques de créer leur site ou leur espace, de proposer des mini-séries, etc. Ce qui était compliqué avant l'est moins aujourd'hui, notamment depuis l'arrivée de l'ïPhone qui a facilité la navigation sur un mobile.» Du contenu oui, mais adapté au média en général. «L'erreur serait défaire du copier-coller du Net ou de la télévision, avertit Mokhtar Bouchelagem, directeur général de Sofialys. Tous les médias ont leur place sur le mobile dès lors que le contenu proposé est en adéquation avec ses spécificités. Les obstacles qui pouvaient exister tombent les uns après les autres.»
Emmanuel Vacher (Lagardère Active Digital):
«L'audience va encore croître grâce à un usage de l'Internet mobile de plus en plus facilité.»
Nicolas Pigasse (Public):
«Un Flashcode sur trois est scanné après la fin de diffusion de notre magazine en kiosque.»
Antoine Lévèque (Marvellous):
«On a souvent dit que 2008 était Tannée de l'Internet mobile. Mais c'est réellement la première fois qu'il se crée un écosystème autour de son développement publicitaire.»
«Faire le parallèle entre le Web et l'Internet mobile est encourageant, mais un piège»
Entretien Patricia Lévy, directrice de la régie SFR, présente les avancées de son opérateur sur l'Internet mobile.
MM: La régie SFR est née en juin dernier. Où en êtes-vous?
Patricia Lévy: Nous nous étions fixé deux priorités et nous sommes déjà en ligne avec la première. Pour nous, être un adserver mobile paraissait plus compliqué qu'être un adserver web, car il y a énormément de trafic sur une «home page». Sur le portail Vodafone Live, nous avons plus de 30 millions de pages vues avec publicité chaque mois. L'accord que nous avons conclu avec Sofialys à la fin 2007 en retenant sa plateforme publicitaire rend possible, pour la première fois, la gestion de campagnes mobile en temps réel et l'accès en direct aux données consolidées des campagnes en cours. Nous sommes avec Vodafone UK les deux seuls opérateurs en Europe à pouvoir le faire. La seconde étape va consister à disposer d'une mesure d'audience conforme à celles des autres médias. Il y a une demande du marché. Un groupe de travail réunissant les trois opérateurs (NDLR: Bouygues Telecom, SFR et Orange France) dans le cadre de l'AFMM planche sur le sujet et j'espère que nous aurons bien avancé à la fin de l'année.
Quelle est la différence entre les clients abonnés SFR et ceux des autres opérateurs?
On ne peut pas vraiment parler de clients différents sur un marché qui connaît un taux de pénétration supérieur à 80%, mais plutôt de comportements différents. L'abonné SFR est plutôt technophile, crée des vidéos, en télécharge, consomme quand il va sur l'Internet mobile, etc. Cela tient en partie à l'historique de SFR qui est parti du mobile pour élargir ensuite son territoire, à la différence des autres opérateurs qui sont issus du fixe. Cette réceptivité a permis d'élargir notre base opt-in de 650 000 à un million de clients aujourd'hui, inscrits volontairement au programme promotionnel PromosLive pour recevoir nos offres de bons plans et celles des marques. Ainsi, quand on mêle du push et du pull, on obtient des taux de retour variant entre 8% et 15% selon les marques. Des taux qui ont tout pour créer un engouement envers le média et qui révèlent la nature d'un contact entre le client et la marque qui n'existe nulle part ailleurs.
Internet a connu un tournant juste avant de prendre l'ampleur que l'on connaît. En est-il de même pour le média mobile aujourd'hui?
Faire le parallèle avec le Web est encourageant, mais en même temps un piège. Ce qui a séduit au départ avec Internet est l'idée que c'était un média de masse qui offrait un contact personnel. Puis, on s'est progressivement rendu compte qu'on travaillait une forme d'affinité, de connivence mais pas un média personnel comme le téléphone mobile, qui est un véritable prolongement de la personne par essence. Et il faut encore moins le considérer comme un «petit Internet» en termes d'achat d'espace, car son audience se renouvelle jour après jour.
Fabrice Duvoux (ScreenTonic):
«Le mobile reste un média complémentaire, même si de nombreux mobinautes utilisent leur téléphone en surf permanent.»
A chaque TV, son mobile
Si leur cible est commune, leurs stratégies diffèrent. Avec NRJ Mobile, M6 mobile et MTV 3.0, les trois médias audiovisuels ont su faire leur place dans leurs catégories respectives. NRJ Mobile, qui vient de fêter son deuxième anniversaire, a déjà convaincu plus de 600 000 clients en choisissant de se positionner corn me «l'opérateur d'une génération résolument tournée vers les nouvelles technologies et l'entertainment».Au sein de NRJ Group, le chiffre d'affaires de l'activité de téléphonie s'est élevé à 18,3 millions d'euros en 2007 contre 13,8 millions d'euros en 2006 à périmètre comparable, soit une (progression de 32,6 %. Quant à M6 mobile, qui célébrera ses trois ans en juin, elle annonçait avoir séduit'1,17 million de clients à la fin décembre dernier, principalement les 15-25 ans, cible prioritaire de la marque. Mais plutôt que se décliner en opérateur mobile virtuel (MVNO), M6 a opté pour un partenariat avec Orange pour proposer son offre sous la marque M6 Mobile by Orange. Un principe qui avait été également retenu par TF1 et Bouygues Telecom pour l'offre TF1 Mobile mais qui, faute de rencontrer le même succès, a obligé TF1 à raccrocher il y a un an. L'offre M6 mobile va, pour sa part, continuer à s'enrichir avec un nouveau site internet et de contenus inédits en multimédia mobile. Reste une troisième voie, celle du mobile personnalisé à ses couleurs. Après le MTV 3.0, vendu à 20 000 exemplaires en France, la chaîne revient en avril avec le MTV 3.3, présenté comme «le premier téléphone portable 3G de chaînes musicales, 100% Music &TV». Customisé et griffé aux couleurs de MTV par les soins de Modelabs, il sera soutenu par une campagne réalisée à l'initiative de SFR.qui le commercialise en exclusivité dans ses boutiques.