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« Une vie ne s'envisage que sur la durée »

Serge Guérin, fondateur de Myriade Seniors, structure de conseil, de formation et d'accompagnement stratégique pour les entreprises, auteur du "Boom des Seniors", nous expliquait, en décembre dernier, pourquoi le jeunisme a fait son temps. Aujourd'hui, à l'occasion de la sortie de son nouveau livre "Seniors, le grand retour"*, Marketing Magazine revient sur l'une des grandes questions de notre société : le vieillissement de la population et ses conséquences sur l'environnement social et économique.

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Au risque de contrarier Marcel Proust, la vieillesse n'est plus un naufrage. Comme en témoigne le film 8 femmes, où l'on voit triompher Danielle Darrieux et ses 83 printemps alertes et enjoués. François Ozon filme avec amour et humour des corps vivants, différents, vieillissants. De même, un colloque** consacré à "La crise du milieu de vie chez les femmes", qui regroupait des médecins, des psychiatres et des psychanalystes, l'a confirmé. Passée l'illusion du temps de l'éternité, finie la confusion entre reproduction et sexualité, c'est la consécration d'un féminin à part entière qui s'avance : "Fin du maternel, enfin le féminin". Ils ont également expliqué comment l'affirmation des pulsions pouvait créer de nouvelles zones corticales, amener renaissance érotique et oeuvre là où la société pense par conformisme, amoindrissement, ralentissement et enlaidissement. Des propos qui rejoignent en partie le travail de Serge Guérin.

Qu'est-ce que vieillir selon vous ?


Il est pathétique de s'acharner à vouloir toujours paraître plus jeune. Les modes de séduction changent. Il y a des moments différents dans la vie où, heureusement, il ne s'agit pas de s'escrimer à refaire ce que l'on faisait à 20 ans, mais de découvrir d'autres plaisirs. C'est élargir l'éventail des possibles plutôt que de se laisser aller au renoncement. Même les normes physiques sont battues en brèche. Aujourd'hui, grâce à la thalassothérapie et la pratique de sports fondée sur la sensation, beaucoup de 55-60 ans sont plus en forme que des quadragénaires soumis à un stress incessant. Robert Redford l'a dit : « Mes rides font partie de ma vie. » Mais il est plus difficile d'accepter d'être responsable de son visage à partir de 40 ans que de rechercher la dépersonnalisation en se faisant ôter ses rides. L'idée de paraître n'est fructueuse que si elle s'applique à l'être, à ce que l'on est à l'intérieur de soi. Les images dominantes exercent une violence symbolique considérable.

Plus précisément ?


Ce sont les publicitaires qui induisent que le même produit peut convenir de 7 à 77 ans et incitent les gens à ne pas accepter leur âge. La publicité est beaucoup plus suiviste que créative. Elle recycle de vieilles formules qui, justement, ont fait leur temps. Elle propose une vision rêvée d'une norme sociale artificielle. C'est ainsi que les individus au lieu de se projeter dans la vie avec leur propre histoire fonctionnent par identification. Ils n'assument pas leur devenir et se contentent de référentiels qui les font souffrir.

Pourtant dans les entreprises, on pourrait dire qu'en général, "les vioques n'ont pas la cote" ?


La schizophrénie du patronat entraîne une vision comptable qui ne tient pas compte de la réalité. Considérer les gens comme jetables et usagés n'est pas rentable à moyen terme. L'exclusion des seniors de l'entreprise est une hérésie aussi bien macroéconomique que microéconomique. C'est se priver des apports d'expériences et de compétences qui se sont affinées sur la durée. C'est aussi une connaissance précieuse du lien social. Regardez EDF et la Poste. Pour le passage à l'euro, elles ont fait revenir des seniors qui avaient l'habitude du contact et pouvaient travailler en équipe sans se mettre en compétition. Les seniors sont particulièrement aptes à planifier, à dédramatiser les situations et à transmettre un savoir de la relation à l'autre. C'est l'avantage de la mémoire qui donne du tact et du doigté. C'est comme une recette de cuisine. Tout le monde peut avoir la même, mais n'aura pas le tour de main qui vient avec la pratique.

Que pensez-vous des problèmes de retraite ?


Une vie s'envisage sur la durée. La retraite à 60 ans pour tout le monde, y compris pour ceux qui ont commencé à travailler à 30 ans, est une absurdité. Il faut restaurer des notions d'équité et d'humanité. L'histoire d'un individu n'est pas finie à 45 ans. Ce n'est pas le début de la fin... (rires) Au contraire, avec l'allongement de l'espérance de vie, c'est même le milieu de la vie et le champ des possibles est encore largement ouvert. Il faut accepter que les individus exercent un sens critique sur leur propre existence.

Quelle est votre vision de l'avenir du vieillissement ?


Comme au théâtre, il faut savoir changer de scène, tout en sachant qu'il n'y en aura que cinq. Vieillir, c'est affirmer son libre arbitre, ses désirs et ses choix, continuer à se faire plaisir, garder un esprit ouvert capable d'inventer et d'innover, faire preuve d'humour vis-à-vis de soi-même. Mais une telle attitude constitue une menace pour le discours politique et publicitaire dominant qui préfère se répéter. Alors qu'une autre conception du vieillissement est une chance formidable pour la société et le marché. Seulement, il faut du talent et de l'imagination. Aujourd'hui, c'est la génération des années 70 qui vieillit. Elle est sans doute moins manipulable et plus capable de développer de nouvelles stratégies de consommation et d'autres relations au plaisir. *Seniors, le grand retour, aux éditions Eyrolles. A paraître en avril prochain. **Les 26 et 27 janvier 2002, organisé par l'Association freudienne internationale, la Fondation européenne pour la psychanalyse, la Société Française de Gynécologie Obstétrique et Psychosomatique et l'Association Médecine et Clinique Psychanalytique.

Stirésius

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