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« Le premier fournisseur de contenu, c'est l'utilisateur final »

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Le leader mondial de la téléphonie mobile entre en France dans le marché actuel qui est celui du renouvellement. Avec l'ambition d'aller vers une hypersegmentation qui justifiera de posséder plusieurs mobiles pour des usages différents. Mais aussi de transformer le portable en moyen de paiement. Les détails avec Frédérick Lecoq, directeur marketing pour la France.

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Comment va Nokia dans ce marché ralenti ?


Plutôt bien même s'il n'y a jamais rien d'acquis. Nous sommes passés du gros mobile 8 watts à la génération 2 avec des téléphones hypersegmentés. Mais ce sont encore des appareils pour téléphoner. On se dirige désormais vers la 3G, 3e génération, où le contenu n'est plus exclusivement vocal. On a eu les prémisses avec le SMS, les sonneries et les téléchargements de jeux. Avec l'avènement de cette 3G et l'arrivée de l'UMTS les cartes vont être redistribuées. Aujourd'hui, Nokia est leader sur le marché de la téléphonie de la G2, mais tout reste à faire sur la 2.5 et la 3.

Un tiers des employés de Nokia dans le monde travaille en R & D...


C'est ce qui fait notre force. De tous les acteurs du marché, nous sommes celui qui investit le plus en R & D, ce qui permet de faire en sorte que les produits soient vraiment en phase avec les attentes.

Comment évoluent ces attentes ?


Il y a eu une espèce d'euphorie, comparable à l'équipement en électroménager post-Seconde Guerre mondiale. Tout le monde s'est équipé. Le marché a atteint une croissance à deux chiffres et les constructeurs ont eu du mal à répondre à la demande. Ensuite, il s'est ralenti et tout le monde a parlé de récession. Cette baisse est intervenue dans le courant de l'année 2000 en même temps que la mise en place de l'UMTS et, compte tenu des coûts inhérents aux licences, les analystes ont parlé de crise. Cette période correspond en réalité à un palier, celui d'un taux d'équipement mature, soit environ 60 %. Ensuite, on doit passer à une utilisation plus approfondie. Aujourd'hui, le SMS et les téléchargements de sonnerie sont les premiers artisans du renouveau du téléphone. La grande leçon à tirer de ces deux dernières années, c'est que le mobile n'est pas seulement un outil pour téléphoner. Demain, on va pouvoir envoyer des images avec le MMS, des petits roughs vidéo avec l'UMTS. Ce terminal téléphone va avoir une évolution comparable à celle du magnétoscope. Après la phase d'équipement, il y a tout un business model qui se met en place avec l'exploitation des films et du contenu du magnétoscope. Aussi, pour la téléphonie, l'enjeu des années à venir, c'est cette capacité à produire du contenu.

Quel contenu vous paraît viable ?


Le premier des contenus de demain sera personnel, émotionnel et affectif. En bref, un contenu simple. Même si la taille des écrans augmente, le premier fournisseur de contenu aujourd'hui, c'est l'utilisateur final. Quand j'envoie un SMS, une photo, je crée mon contenu. C'est l'un des premiers à véhiculer. Il y en a d'autres, mais celui qui est aujourd'hui plébiscité par le consommateur, c'est celui-là. Quelque part, ce petit téléphone, c'est un peu vous et tout comme votre boîte mail, c'est perso. Rien à voir avec un fixe dont tout le monde se sert.

Comment expliquez-vous l'échec du Wap ?


Le Wap est un succès technologique et un échec commercial. Pour faire du site marchand, l'enjeu était d'éduquer le consommateur. Mais, si vous passez du simple vocal à "vous allez regarder un film sur votre téléphone", vous en perdez 50 000 en route. L'aspect salutaire, c'est que cet échec nous a permis de nous rappeler qu'il faut prendre en compte les attentes.

C'est tout ce marketing-là qui est à faire. La route est longue et excitante car, comme dans un jeu de rôles, dès que l'on pousse une porte et que l'on arrive dans une nouvelle salle, trois autres portes s'ouvrent, et ce à l'infini. On sait qu'à terme, on va arriver à une forme de convergence ; pas mal de gens ont commencé à le faire. Mais, de la même façon, il faut s'interroger sur le "what for ?". Je fais souvent le parallèle entre le marché de la téléphonie et un film de Lelouch. Au début, tous les acteurs sont là et on ne sait pas ce que X vient faire par rapport à Y. Plus le film avance, plus on comprend les interactions et à la fin du film tout le monde se rassemble. La téléphonie, c'est un peu pareil. Il y a plein d'intervenants, d'opérateurs, de constructeurs, des fournisseurs de contenu, le travail consiste à créer des liens entre tous ces gens-là.

Comment évolue la relation opérateurs/constructeurs ?


Aujourd'hui, il n'y a plus de combat. La finalité de toutes les organisations qui se mettent en place est de rassembler opérateurs, constructeurs et distributeurs autour d'un objectif commun : le consommateur. Il existe une nécessité à optimiser nos synergies. En partant toujours du consommateur et non pas en essayant d'imposer des standards qu'il réfute. Le SMS est clairement une réussite commune. Tout l'enjeu des prochains mois, c'est notre capacité à avancer ensemble dans ce sens.

Comment se répartit votre clientèle ?


Aujourd'hui, la population des 15-24 ans se reconnaît vraiment dans les valeurs Nokia.

...qui sont ?


Quelque chose de simple, une marque authentique. On nous reproche parfois d'être austère, notre logo notamment, mais nos valeurs sont vraiment "simplicité, austérité, honnêteté". Avec en même temps un côté entertaining, détente et une connotation de liberté et d'expression personnelle. Nous sommes bien sûr également présents sur le créneau des 35-55 ans parce que nos terminaux sont simples d'utilisation, mais il est vrai que l'on bénéficie d'une grosse aura auprès des jeunes grâce notamment à toute notre offre "accessoirie". Le 5510 a, par exemple, été baptisé par les jeunes le "5-5-10" parce que c'est un terminal musical. Quelque part Nokia a cette capacité de faire en sorte que les jeunes s'approprient la marque. On fait très attention à ce qu'ils pensent car ce sont eux qui créent les tendances et qui nous guident vers ce que le consommateur pensera demain. Quand vous regardez les jeunes, vous êtes obligés d'être en phase avec leurs attentes, parce que l'on n'impose rien à un jeune.

Alors que l'on peut imposer des choses aux autres consommateurs ?


Non, mais le "jeune" est un laboratoire d'idées. Il vous dit souvent ce qui va se faire demain et vous permet d'éviter de faire des bêtises. Quand on met en place des campagnes, on regarde ce qu'ils pensent. Sur le 5510, ils nous ont dit ce qu'il fallait faire. Ils nous ont dit "votre produit est bien, mais ça serait mieux si l'on pouvait y associer telle et telle chose".

Vos clients connaissent-ils vos origines finlandaises ?


Cela commence à se savoir ! Mais nous sommes avant tout une société européenne. Nous sommes perçus comme nordiques, même si, au début, certaines personnes nous croyaient asiatiques de par la consonance.

Comment évolue votre stratégie de distribution ?


En 1999, le business était encore essentiellement "drivé" par l'opérateur qui achetait, marketait, conditionnait et redistribuait dans ses réseaux. Certaines enseignes se partageaient le reste. Auchan et Carrefour en hypers. Vidélec, Phone House, Fnac, Darty parmi les spécialistes. Aujourd'hui, le produit est devenu un produit de grande consommation. Boutiques, spécialistes et hypers représentent chacun un tiers du marché.

Quelles sont les synergies qui s'opèrent avec les autres activités du groupe ?


Nokia, c'est une partie recherche en infrastructure, le Club Nokia, une PME qui construit du contenu avec les opérateurs et Nokia Satellite, avec tout ce qui va arriver sur le téléviseur, même si pour l'instant on reste sur le terminal. La prochaine étape, c'est tout ce qui va être sécurisation des moyens de paiement. En Finlande, une grande marque internationale de soda a déjà commencé à travailler sur le paiement grâce au portable, de canette achetée dans une machine. Une puce communique avec la vending machine. Vous envoyez un SMS, l'opérateur vous facture la canette sur votre facture mensuelle, reverse à l'entreprise de boissons un montant x, négocié en amont, et ceci n'importe où.

Le téléphone est-il comparable à un terminal de Carte Bleue dans un magasin ?


Oui. Nous n'avons pas de certitude sur l'avenir de cette proposition, mais nous croyons beaucoup à ce que l'on appelle le multiéquipement. Les hommes n'ont pas de sac à main. Nous sommes donc limités par le volume de nos poches. Si vous enlevez votre portefeuille et que votre téléphone se transforme en moyen de paiement, vous avez donc une poche libre, dans laquelle, à terme, nous pensons que vous aurez un autre terminal. Autant en termes de services après-vente que de segmentation, il y a un parallèle intéressant à faire avec le marché de l'automobile. Au début du siècle, on avait la Ford T, standard et unique. En 1994, on avait un portable 8 watts unique. Au fil du temps, on a démultiplié l'offre de voitures : 4 x 4, voiture de ville, convertible, coups... Pour la téléphonie, ça va être pareil. On n'aura pas cinquante téléphones, mais vous n'avez pas aujourd'hui une seule paire de chaussures. Si je pars au ski, j'ai intérêt à prendre avec moi un téléphone qui ne craint rien, etc. On va se diriger vers ce multiéquipement et la capacité à maîtriser cette hypersegmentation sera demain un facteur clé de succès.

Etes-vous libre vis-à-vis de la Finlande de lancer des appareils spécifiques au marché français ?


Non. Aujourd'hui, on se rend compte qu'il y a une ligne directrice qui est le plus petit commun multiple entre les pays, et il n'y a que des lancements européens. C'est pour cela que nous passons beaucoup de temps en R & D pour que chaque téléphone rassemble un maximum d'attentes.

Quels pays observez-vous le plus ?


En Europe, des marchés dominants comme l'Angleterre et l'Allemagne. La Finlande et l'Islande sont aussi d'excellents laboratoires pour tout ce qui touche aux nouveaux modes de consommation. Je regarde aussi beaucoup l'Italie et l'Espagne. Mais surtout, nous avons un process de benchmarking avec des réunions régulières de "best pratices sharing" avec tous les directeurs marketing des pays européens. On essaie de dupliquer, d'adapter ce qu'ont réussi d'autres pays.

Quels sont vos axes de développement ?


Nous sommes en train de nous placer sur le concept du "total product offering", c'est-à-dire un téléphone, des accessoires, des applications et les services après-vente. Quand je dis SAV, ce n'est pas seulement un tournevis quand ça ne va pas. C'est la révision, des extensions de garantie, tout ce qui se fait dans l'industrie automobile.

Sur ce registre des applications, votre stratégie est-elle locale ?


Oui. Si le terminal est européen, le contenu est spécifique. Ce qui m'intéresse, si je suis fan de foot, ce n'est pas de savoir ce qu'a fait l'équipe d'Helsinki. Le contenu lui va être "taylor made" et va correspondre à des exigences du marché. Quand on annonce un pack XIII, c'est un tirage de 500 000 exemplaires, la Française des Jeux en 4 x 3 partout, une BD mythique pour tous les jeunes de 15 à 25 ans. Cela correspond parfaitement aux attentes du marché français. Lorsque nous avons lancé le 5 510 en distribution, les jeunes nous ont dits : « mais qu'est-ce que l'on va faire avec ? ». Et nous nous sommes aperçus qu'ils attendaient qu'on leur dise : « cet appareil va te changer la vie, parce que c'est à la fois un téléphone, un baladeur, une console de jeux et un clavier pour envoyer des SMS ». Toute la stratégie de communication a donc consisté à monter un partenariat avec NRJ et Vitaminic pour télécharger des MP3. Nous avons donc sorti un pack NRJ qui assoit la légitimité musique du produit

Le culturel s'adapte-t-il bien à la téléphonie ?


Oui, parce que dans le culturel, il y a de l'affectif. Ma BD, ma musique, c'est moi qui prends le temps d'aller les choisir. Mais je ne crois pas que demain la BD sera sur mon mobile. On est très tactile, on a besoin de toucher. Tout le monde a dit « avec l'e-mail, le papier va disparaître », or il n'y a jamais eu autant de papier dans l'entreprise que depuis que l'e-mail existe. Les offres liées à la téléphonie mobile resteront du complément. Et l'on ira loin parce que l'on crée une richesse pour tous les maillons de la chaîne. C'est un nouveau moyen d'atteindre le concept de "fulltime entertainment".

Biographie


Frédérick Lecoq a 30 ans. Il est célibataire. Après un diplôme de Sup de Co Reims en 1996 et un stage de fin d'études chez Procter, il entre chez Pepsi comme chef de secteur, puis chef des ventes régionales. En 1999, il intègre SCA Hygiene Products comme responsable des clients nationaux Auchan et Opéra. Il rejoint Nokia en septembre 2000 comme responsable des relations avec les hypers Carrefour, Opéra, Leclerc et Auchan. Il a été nommé marketing manager de Nokia Mobile Phones France en novembre 2001.

L'entreprise


Nokia est née il y a cent trente-cinq ans en Finlande. En 1966, le groupe sort son premier radiotéléphone de voiture et en 1987, le premier téléphone portable. Nokia est n°1 français et mondial de la téléphonie portable. Sa filiale française compte 40 personnes. Au total, Nokia emploie 54 000 personnes dans le monde. Sa part de marché monde s'élève à 37 %. En 2001, Nokia a investi 3 milliards d'euros dans la R&D. Son chiffre d'affaires 2001 est de 31,2 milliards d'euros.

 
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Valérie Mitteaux

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