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« Le marketing fait perdre du temps à ce combat qui devrait être commun »

Publié par La rédaction le

Pour le Pr Bernard Guy-Grand, consultant du service de nutrition de l'Hôtel-Dieu, les marketeurs raisonnent encore à trop court terme pour créer un partenariat crédible.

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MM : La santé est-elle devenue un argument commercial ?


Professeur Bernard Guy-Grand : On ne peut pas dire que les industriels ne s'occupent pas de la santé, mais je ne suis pas sûr qu'ils s'en occupent tous bien et qu'ils ne l'utilisent pas comme un argument commercial. Notamment parce que l'offre pèche sur le plan des produits, où la densité énergétique est trop forte dans des portions trop importantes.

MM : En lançant des produits snacking, par exemple, les IAA n'ont-elles pas joué avec le feu ?


Pr B G-G : Il ne faut pas faire des IAA des boucs émissaires. L'obésité implique la totalité des acteurs, du ministre de la Santé au consommateur en passant par l'agriculture, l'industriel, les médias, le système scolaire, etc. L'activité physique est aussi impliquée. Reste que les IAA, qui vendent ces produits hautement calorifiques tout en se positionnant sur des produits actifs pour la santé, devraient s'abstenir de faire une communication quelquefois biaisée.

MM : Comment établir un partenariat crédible entre les IAA et la santé, et sur quels points ?


Pr B G-G : Il y a plein de points à revoir, de la conception du produit à l'étiquetage. L'évolution des comportements alimentaires ne peut venir que de l'innovation et de la modification de l'offre. Concernant les étiquettes, elles sont peu lisibles, peu compréhensibles pour une majorité de consommateurs et incomplètes au niveau des teneurs nutritionnelles qui devraient être données par portion alors qu'elles le sont aux 100 grammes. L'information consommateur doit être plus sérieuse. L'Ice Tea contient, par exemple, seulement un tiers de sucre en moins que le Coca-Cola. Peu de gens le savent. L'offre doit essentiellement se concentrer sur les densités énergétiques, sur la taille des portions et la diminution de l'hypocrisie de certains messages publicitaires. Un yaourt ne devrait pas dépasser 120 à 125 grammes, alors que certains vont jusqu'à 180 grammes. Le marketing fait perdre du temps à ce combat qui devrait être commun.

MM : Votre avis sur les aliments fonctionnels ?


Pr B G-G : En France, seuls deux types d'aliments fonctionnels (1) ont, je pense, une fonctionnalité reconnue étayée par des données scientifiques. Reste à savoir dans quelle mesure l'abondance de ces produits ne va pas entraîner des surconsommations et un risque médical potentiel. D'autre part, il faudrait veiller à ce que les packagings et la publicité ne contiennent pas de messages intellectuellement malhonnêtes.

MM : Les scientifiques sont-ils davantage contactés aujourd'hui ?


Pr B G-G : Rares sont les IAA qui utilisent en amont les compétences des experts en nutrition, parce que la conception des produits est d'abord issue d'un concept marketing. Nous sommes plutôt considérés comme des “haut-parleurs”. Contrairement à l'industrie pharmaceutique, les notions de posologie ou de contre-indication sont exceptionnelles dans l'alimentaire. En revanche, l'absence de non-indication est courante. Il faut faire attention.

MM : Le problème porte encore une fois sur l'information ?


Pr B G-G : Oui, les exemples sont nombreux. Le discours de certaines marques de margarine entraînant une baisse vérifiée de cholestérol est exact pour les hypercholestérolémiques, mais pas forcément justifié pour les normaux cholestérolémiques. Il y a des excès publicitaires certains.

MM : Quelle est votre position sur la loi de santé publique obligeant les marques à accompagner leurs spots d'un message sanitaire ou, à défaut, de verser 1,5 % de leurs investissements publicitaires ?


Pr B G-G : Je ne suis pas pour l'interdiction de publicités, mais je souhaiterais que la saisine du BVP soit plus importante. Il y a eu des progrès, notamment avec la suppression des distributeurs dans les écoles. Il s'agit cependant de mesures ponctuelles qui n'auront d'effets que si elles font partie de politiques globales.

MM : Quelle différence ou parallèle faites-vous entre la lutte contre le tabagisme et la lutte contre les effets de la mal-bouffe ?


Pr B G-G : Je ne fais aucun parallèle, car fumer est une toxicomanie et manger ne l'est pas : on peut vivre sans fumer mais pas sans manger. Seul lien visible : on a commencé à être efficace sur le tabac à partir du moment où l'on a joué sur les prix. Manger cinq fruits et légumes par jour n'est pas encore possible pour une grande partie de la population. Peut-être qu'une mesure utile serait de baisser leur prix en appliquant des incitations économiques. En revanche, certains produits mériteraient de coûter plus cher. Vous le voyez, l'obésité est l'affaire de tous.

 
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