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« Le marché est passé de l'usage à la préférence »

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Un an et demi après avoir accompagné la victoire de l'équipe de France de football, Adidas se retrouve à quasi égalité avec Nike, dans la conquête du coeur des ados français. Mais, au-delà du combat économique que ne cessent de se livrer les deux grands, Adidas entend continuer de coller au terrain et poursuivre sa quête d'avancées technologiques avec les sportifs de haut niveau. Les explications de Gil Steyaert, directeur général.

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Quel bilan tirez-vous un an et demi après la victoire de l'équipe de France en Coupe du monde ?


Il est indéniable qu'elle a donné un coup de jeunesse à la marque. L'événement, en France, gagné par la France, était déjà un levier fabuleux. Le déclencheur pour nous, c'est l'exploitation que l'on en a faite. "La Victoire est en nous" a dépassé la simple campagne de publicité. Le mérite a été d'être complètement dans l'événement, de suivre match après match l'évolution et de pouvoir en jouer. Le message publicitaire a été travaillé avec les joueurs car les études montraient, qu'au départ, l'image de l'équipe de France n'était pas fabuleuse. Aimé Jacquet a eu le mérite de créer un groupe dont l'envie était monumentale et nous avons joué là-dessus. Les effets conjugués de la victoire et des messages ont fait que c'est aussi une victoire Adidas d'autant que le combat entre les deux grands, Nike pour le Brésil et nous pour la France, avait été attisé par la presse. Cela s'est terminé en apothéose avec les Champs-Elysées et la projection de la tête de Zidane sur l'Arc de Triomphe. A ce stade, cela devient un phénomène social. C'est là que le message d'Adidas reprend complètement sa richesse.

Plus concrètement, que vous a apporté cette victoire ?


La marque a fait un bond. Nous avons fait près de 200 millions de francs avec les produits propres à la Coupe. Cela a représenté une partie non négligeable de notre croissance. En termes d'image, nous sommes revenus au niveau de Nike. Les études montrent qu'aujourd'hui nous sommes les deux marques préférées des jeunes devant Levi's, Mars, Coca-Cola, etc. On est encore un peu derrière Nike avec 74 % contre 75 % pour eux, mais le troisième sur le marché français est à 69 %.

Jusqu'à quand pensez-vous bénéficier de cette victoire ?


La Coupe du monde a été un détonateur. A l'externe comme à l'interne. L'esprit de l'entreprise a été complètement revigoré. Aujourd'hui, on continue de surfer sur la vague. On sent que notre visibilité et notre efficacité publicitaires sont accrues par cet effet de rémanence. Je crois que cela va durer jusqu'à l'Euro 2000 en juin prochain. Jusque-là il est clair que la population française est orpheline de la victoire en Coupe du monde. Mais le "coup de jeune" est désormais acquis.

Pourquoi avoir supporté les All Blacks pour la Coupe du monde de rugby ?


Parce c'est le symbole, l'icône du rugby. Aujourd'hui, Adidas veut être partenaire des meilleures équipes au monde. L'autre aspect est celui de l'image propre aux All Blacks. Ils sont dans les racines du rugby mais ils ont aussi une image très jeune, une force, une certaine agressivité, de l'honorabilit... Cela correspond bien à notre image. En plus, commercialement, on porte facilement un maillot noir All Blacks même sans être fana de rugby ou même supporter. Le rugby-shirt est un maillot porté dans la rue. De ce point de vue, les All Blacks sont la valeur commerciale la plus sûre.

Vous ne deviez pas être aussi sûrs des chances de l'équipe de France au début de la Coupe du monde de foot ?


Certes, mais nous sommes partenaires de l'équipe de France depuis toujours. Ce n'était pas un choix ponctuel. C'est la consécration des efforts du foot français et de la marque. Le contrat avec les All Blacks date seulement de l'année dernière. Cet événement n'a pas eu l'effet planétaire du foot, le rugby étant plus confidentiel. Ce que je trouve assez beau, c'est qu'au-delà du combat économique, il y a une vraie loi du sport et tant mieux si l'équipe de France - supportée par Nike - a gagné contre les All Blacks. La victoire est belle même si nous avons été défaits en demi-finale. Et nous ne nous sommes pas privés de supporter la France en finale en disant : "Les Bleus contre les Jaunes en finale, cela ne vous rappelle rie..." et en signant "Nous ne sommes pas sponsors mais nous serons supporters".

Pourquoi Nike vous devance-t-il encore ?


En chiffre d'affaires, au niveau mondial, ils sont loin devant nous mais en France, on se tient à peu de choses près. En termes d'image, ils bénéficient de ce qu'ils ont construit dans les années où Adidas était un peu plus faible. Ils sont arrivés sur le marché avec de l'innovation, de la fraîcheur en termes de communication, une certaine agressivité qui a séduit une population jeune. Aujourd'hui, notre image est différente. Nike a une image plus individualiste et rebelle. Nous sommes dans l'éthique et les valeurs profondes du sport. Probablement un peu plus dans les valeurs d'équipe que dans celles de l'individu, parce que ce sont les racines de la marque. Nous sommes partenaires de 26 sports sur les 28 disciplines olympiques. Nous voulons être la meilleure marque de sport au monde. Et j'ai la prétention de penser que, pour les sportifs et les athlètes, Adidas a une histoire et une crédibilité, une légitimité, une authenticité dans le sport que Nike n'a probablement pas. Nike est dans la rue. Nike a pénétré le marché du sport, du tennis au basket, avec des vedettes comme Jordan ou Agassi. Adidas a construit son histoire sur le terrain dans tous les sports, dans tous les clubs, dans toutes les fédérations. C'est à la fois une certaine philanthropie mais aussi la volonté de rester bien ancré dans notre marché.

Le marché du sport s'est considérablement élarg...


Aujourd'hui, tout le monde clame vouloir "être sport". Parce que le marché est passé de l'usage à la préférence. Avant j'achetais des chaussures pour aller faire du sport, aujourd'hui, je préfère porter un polo par rapport à une chemise de bureau parce que c'est pour moi un acte de style de vie, de reconnaissance. Ceci est d'autant plus vrai pour les jeunes. On se confronte à un marché plus volatil. A des cibles dont le champ de marque est plus grand. Aujourd'hui, dans ce marché très mouvant, ce qui est important pour nous, c'est de rester bien ancré sur notre coeur de compétences. Ce qui ne veut pas dire que l'on ne profite pas de cet effet mode et que l'on n'est pas proactif par rapport à ces marchés qui se développent, que cela soit la rue ou les tendances outdoor. Mais il est crucial que nous restions ancrés sur l'authenticité et la performance. Nous voulons être la marque la plus performante pour les athlètes. On est dans la lutte, l'escrim..., des sports qui ne rapportent rien en termes de business mais qui sont simplement pour nous l'expression de notre volonté d'être partenaires du monde du sport en général. Il n'y a pas une victoire qui est belle quand c'est celle d'une star et 99 000 autres qui sont sans intérêt parce que remportées par des inconnus.

Sur quoi repose l'innovation produits ?


Nous avons un centre de R&D au quartier général près de Nuremberg et à Portland aux Etats-Unis. Nous travaillons beaucoup avec les athlètes en termes de techniques. Nous avons des équipes de designers multiraciales et multicouleurs. Aujourd'hui, quand on est sur un marché de préférence et de mode, le look est très important. Par ailleurs, nous avons des concepts qui doivent prendre en compte toutes les dimensions techniques du sport : le mouvement, la transpirabilité, l'aération, le froid, le chau...

Comment évolue, selon vous, le rapport au sport ?


L'effet Coupe du monde est un effet cocorico, passion, d'élan populair... Cela donne des ailes. Il y a eu beaucoup d'inscriptions dans les clubs de foot suite à ça. Aujourd'hui, il existe une grande tendance vers un certain individualisme. Une autre, sur des couches plus âgées, est davantage dans l'esprit "je prends soin de moi". Enfin, le sport loisir ou santé-loisir, naturellement lié à l'émancipation des différentes classes sociales. L'accroissement du temps consacré aux loisirs fait que l'on rentre dans une logique qui sort du stade, des règles. Maintenant, c'est la nature, la montagne, la mer. Et puis il y a une tendance rue, sur les jeunes. Le jeune n'a plus envie d'avoir une norme pour guider ce qu'il fait mais s'invente au travers de tribus, de codes qu'il se fixe lui-même et qu'il essaye de dépasser. Corollaire de ces tendances : l'engouement pour des sports comme le raid aventure, la glisse, où le style, la figure, l'apparence priment. Aujourd'hui une des raisons pour lesquelles Salomon présente un énorme potentiel, c'est que Salomon a dans son coeur de compétences, la capacité d'exprimer cette tendance. Adidas aussi, mais davantage côté rue.

Quels sont vos projets au-delà de la chaussure et des équipements ?


Il faut toujours s'interroger sur le territoire et la légitimité de la marque. Nous sommes dans un métier où, de plus en plus, on sort du produit pour n'être plus qu'une marque. Et donc juste une relation de valeur avec le consommateur. A partir de ça, il faut à la fois être conscient de son positionnement de masse et surtout ne pas perdre ses racines. Mais ces racines donnent des capacités d'étendre ce que peut être la marque aujourd'hui. Nous avons des initiatives comme Adidas Sport Café (à Grenoble, Bordeaux et Toulon), en partenariat avec Kronenbourg, qui expriment bien la marque. Faire ce que fait Nike avec ses Niketown, c'est-à-dire des magasins géants qui sont plus des musées que des magasins, est une initiative de marque. De la même façon, nos 2 000 m2 rue de Rivoli seront d'abord un lieu de marque. Mais nos racines restent la technologie et la chaussure.

Une stratégie basée sur la technologi...?


Notre stratégie repose sur la communication, la R&D et le partenariat avec les sportifs. La chaussure de foot, la Predator, avec non plus des crampons classiques, mais des griffes, est une révolution technologique et nous en amènerons d'autres. La technologie, et surtout sa perception, est probablement l'un des moteurs principaux d'une image de marque. Si l'on n'a pas cette technologie, on devient quelqu'un qui met "sport" derrière sa marque mais qui n'existe pas par le sport. Par ailleurs, vous pouvez mettre toutes les stratégies que vous voulez sur le papier, ça n'est toujours que le moins mauvais choix. Cela se fait par la conviction, par les coûts, par l'apprentissage, l'expérience. Mais ce qui compte surtout, c'est l'énergie des gens à suivre cette stratégie et à la mettre en oeuvre.

Biographie


Gil Steyaert a 37 ans. Il est marié et père de deux petites filles. Diplômé de l'ISC (Institut Supérieur du Commerce), il commence sa carrière en 87 chez Kenner Parker en tant que chef de produit. En 1990, il entre chez Kellog's où il sera successivement chef de produit, chef de groupe, responsable médias, directeur marketing Benelux, puis France et Benelux. En février 98, il entre chez Adidas en tant que directeur marketing. Depuis février 99, il co-dirige la société. Il est en charge du marketing, de la finance, du contrôle de gestion, des ressources humaines, de l'informatique. Le second directeur général, Antoine Sathicq, s'occupe lui des forces commerciales et logistiques.

L'entreprise


Le chiffre d'affaires mondial d'Adidas est de 35 milliards de francs, ce qui représente 80 millions de paires de chaussures et 150 millions d'unités d'équipements. Le groupe commercialise les marques Adidas, Salomon, Taylor Made, Mavic, Bonfire et Erima. Le groupe vend ses produits dans 160 pays. Les ventes se répartissent à 40 % aux USA, 50 % en Europe (avec par ordre de grandeur de marché : Allemagne, Royaume-Uni, France) et 10 % en Asie. La France représente son sixième marché mondial. Adidas France compte 550 personnes en France.

 
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Valérie Mitteaux

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