«Internet n'est pas près de tuer le papier»
NATHALIE ANDRIEUX, PRESIDENTE DE MEDIAPOST COMMUNICATION, REVIENT SUR L'ENGAGEMENT DU GROUPE, QUI SAPPUIE DESORMAIS SUR SA CONNAISSANCE CLIENT POUR MIEUX CIBLER SA PUBLICITE. CETTE FILIALE DE LA POSTE PROPOSE UNE SOLUTION MEDIAS GLOBALE ET PLACE LES MARQUES AU COEUR DU MODE DE VIE DES PUBLICS.
EN 2004, MEDIAPOST ETAIT UN GROUPE DE LOGISTIQUE. AUJOURD'HUI, C'EST UN GROUPE DE COMMUNICATION SPECIALISE EN MARKETING RELATIONNEL. COMMENT S'EST DEROULEE CETTE EVOLUTION?
Nathalie Andrieux: En effet, au départ, Mediapost ne s'occupait que de la diffusion d'imprimés publicitaires. Dès 2006, nous avions cependant pris un premier virage médias, avec la création de Mediapost Data. Nous avons ensuite lancé (fin 2009) un plan stratégique, Terra Nova, dont l'objectif était de faire de nous le leader du marketing relationnel en Europe. Pour y parvenir, nous avons élargi nos domaines d'expertise via l'acquisition de Sogec, spécialiste du marketing promotionnel, puis de Mediaprism, spécialiste de la connaissance clients, qui possède notamment une puissante base de données baptisée Concordeo. En 2012, nous avons accéléré la cadence: sachant que la relation client s'étend du off au on line, nous avons racheté l'agence e-commerce MixCommerce, la régie Adverline et Cabestan, un spécialiste de la gestion des campagnes e-mail et du CRM.
VOUS AVEZ AUSSI DONNE UN NOM A CE NOUVEL ENSEMBLE EN NOVEMBRE DERNIER. POUR QUELLES RAISONS?
Mediapost Communication symbolise l'intégration récente de ces expertises. Il permet à toutes les sociétés du groupe de se retrouver dans une identité commune. Pour cela, il nous fallait une marque représentative de notre vision. Elle contient des signifiants-clés: la solution médias, le conseil en communication et l'ADN postal. Et elle confirme l'engagement du groupe à proposer une solution médias globale, qui place les marques directement au coeur de l'évolution des modes de vie des publics.
SI VOUS DEVIEZ DEFINIR CETTE NOUVELLE MARQUE EN TROIS VALEURS, QUELLES SERAIENT-ELLES?
L'attention, pour notre qualité d'écoute. La proximité, parce qu'en tant que spécialiste du marketing relationnel, nous nous sentons proches de nos clients. Et enfin, la performance. Car le groupe Mediapost est né dans une culture de résultat. Au départ, l'imprimé publicitaire a surtout été utilisé par le retail, un secteur qui a toujours été très vigilant sur le résultat, puisque la publicité a une influence directe sur le trafic en magasin.
Parcours
- 1988: Nathalie Andrieux décroche son diplôme d'ingénieur à Supinfo, à Paris. Elle commence sa carrière dans le groupe des Banques Populaires, où elle se voit confier des projets de développement de systèmes d'information.
- 1997: La jeune femme rejoint le groupe La Poste, en qualité de chef du service système d'information de pilotage.
- 2001: Elle prend la direction du marketing stratégique.
- 2004: Nommée directrice générale de Mediapost, elle en devient présidente en 2009.
- 2012: En juin, elle devient membre du conseil de surveillance de Lagardère et membre du comité d'audit en septembre 2012. Ce même mois, elle est nommée directrice générale adjointe en charge du développement des offres numériques du groupe La Poste. Elle prend, en parallèle, la tête de Mediapost Communication.
- 201: En janvier, elle rejoint le Conseil national du Numérique.
MEDIAPOST COMMUNICATION
En chiffres
- Chiffre d'affaires 2012: 600 MEuros
- Effectif: 15000 salariés
- 30 000 clients
- Présence en Europe: Angleterre, Belgique, Espagne, France, Portugal, Roumanie
- 25 millions de visiteurs uniques/mois
- 700 sites web en régie
- 1re base juxtaposée en France, avec 36 millions de consommateurs
- 10 milliards d'e-mails routés et 11 milliards de documents distribués par an.
CONNAISSANCE CLIENT, MARKETING PROMOTIONNEL, E-COMMERCE... Y A-T-IL UN DOMAINE D'EXPERTISE QUI MANQUE ENCORE A MEDIAPOST COMMUNICATION POUR PROPOSER UNE OFFRE REELLEMENT EXHAUSTIVE EN MARKETING RELATIONNEL?
Nous maîtrisons le off line, c'est donc sur le on line qu'il nous manque encore des éléments. Notre spécificité par rapport aux autres groupes de communication réside dans le fait que nous provenons du monde des data et de la logistique. Nous avons commencé par faire de la publicité non pas de masse mais personnalisée. Au final, Mediapost dispose d'un avantage sur la concurrence. Un temps d'avance que nous détenons grâce à notre valeur première: la connaissance client.
VOUS DITES MAITRISER LE OFF LINE. POURTANT, A L'HEURE D'INTERNET ET DES RESEAUX SOCIAUX, NE FAUDRAIT-IL PAS TOURNER LA PAGE DE L'IMPRIME PUBLICITAIRE?
L'imprimé conserve de la valeur en tant que média. Mieux encore, le courrier cartonne. Le bêta Morgensztem qui calcule le coefficient de mémorisation lors d'une campagne publicitaire, montre que 38 % des consommateurs qui ont reçu un courrier publicitaire s'en souviennent. Un excellent taux, puisque le deuxième, le cinéma, n'est qu'à 15 %. Sans compter que d'après notre dernière étude menée avec TNS Sofres, 92 % de nos compatriotes disent apprécier recevoir des prospectus dans leur boîte aux lettres. Ce n'est pas tout. Contrairement à d'autres médias, perçus comme intrusifs, l'imprimé publicitaire est un média choisi, car c'est le consommateur qui décide du moment où il en prend connaissance. Plus précisément, quand on ouvre la boîte aux lettres, les études montrent que l'on met sept secondes en moyenne pour décider de garder un courrier ou de le mettre à la poubelle. Dans le premier cas, celui-ci reste un mois dans le foyer. Une aubaine pour l'annonceur
L ANNONCEUR AURAIT ALORS TOUT INTERET A INVESTIR DAVANTAGE DANS LE COURRIER PUBLICITAIRE QUESURINTERNET?
Promouvoir l'imprimé publicitaire ne veut pas dire ne voir qu'à travers lui. Comme dans beaucoup de secteurs, les métiers de La Poste voient le numérique transformer leur activité. Trois colis sur quatre sont, aujourd'hui, issus de l'e-commerce. On a déjà 70 offres numériques, qui vont de la création de site aux solutions de paiement, en passant par la distribution. Plus précisément, aujourd'hui, une campagne doit être distribuée dans les boîtes aux lettres physiques mais aussi numériques, et même par SMS. Au final, Internet n'est pas près de tuer le papier, puisque le on line et le off line sont complémentaires. D'un côté, l'imprimé s'inscrit dans la durée. De l'autre, avec Internet, on reste dans l'immédiateté. Les marques sont donc contraintes d'adapter leur plan de communication à la connaissance qu'elles ont de leurs clients. Elles doivent comprendre que pour construire un véritable échange avec des consommateurs de plus en plus exigeants, elles ne peuvent plus s'adresser à eux d'une seule façon et sont obligées de tabler sur une stratégie multicanal.
NOUS SOMMES EN TRAIN D'EVOQUER LA NOTION DE CONSOM'ACTEUR. EN QUOI NOTRE CONSOMMATION DES MEDIAS A-T-ELLE EVOLUE?
Nous avons changé de monde: l'époque où les consommateurs étaient installés passivement devant la télévision et buvaient, sans broncher, la publicité qui leur arrivait, est bel et bien révolue. Aujourd'hui, le consommateur a pris le pouvoir et va chercher l'information. Lorsqu'il ? envisage un achat, il fait davantage confiance à l'avis d'un inconnu sur la Toile qu'à une publicité dans un magazine. Dans ce contexte de défiance, c'est à la publicité de réinstaurer l'échange. Comment? Via l'utilisation intelligente de la connaissance du consommateur, à travers nos bases de données et notre maîtrise du géomarketing: le consommateur accepte de donner des informations sur lui-même mais il s'attend à obtenir, en retour, des informations personnalisées.
DEPUIS JUIN 2012, VOUS SIEGEZ AU CONSEIL DE SURVEILLANCE ET AU COMITE D'AUDIT DE LAGARDERE. QU'ATTENDEZ-VOUS DE CE NOUVEAU DEFI?
C'est une vraie ouverture pour moi de voir comment d'autres groupes fonctionnent et, en retour, d'apporter mes compétences au groupe Lagardère. Par ailleurs, au sein du conseil de surveillance, j'ai une spécificité médias et numérique: ma mission consiste à éclairer le groupe Lagardère sur ses orientations stratégiques dans ces domaines.
Je m'efforce de leur apporter un miroir intelligent. En parallèle, c'est une vraie ouverture pour moi de voir comment d'autres groupes fonctionnent. Enfin, je suis heureuse de voir que les conseils se féminisent un peu. Il faut continuer et élargir cette parité aux comités exécutifs. C'est un sujet qui me tient à coeur, tout le monde a à y gagner.