“Demain, je vais me marier à l'aéroport”
Si l'avenir du commerce périphérique se dessinait aux abords de l'aéroport de Yokohama ? Réponse au bord des pistes du futur “Centrair”, entre faux villages, vrais bains japonais et chapelle des mariages.
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Les grands aéroports mondiaux ont engagé depuis plusieurs années une
véritable mutation. De lieux dédiés aux transports, ils se transforment en
lieux de commerce dédiés aux passagers. Le mouvement n'est pas récent - le
premier duty free est apparu à Shanon en 1947 -, il a simplement pris une
nouvelle ampleur. Primo parce que la dimension duty free n'est plus au centre
du modèle économique, comme le prouve la mutation des aéroports américains en
mall commerciaux, alors que plus de 75 % de leur trafic est domestique (95 %
des acheteurs ne bénéficient d'aucune détaxe). Ensuite - et de façon plus
fondamentale -, les autorités des grands aéroports tirent l'essentiel de leurs
revenus des loyers des magasins, et ce secteur n'est donc plus marginal. Un
simple passage à Heathrow ou Dubaï suffit pour le constater. A telle enseigne
que le British Airport Autorithy est actuellement coté à la bourse de Londres à
la rubrique “Retail” et non “Airport”. Toutes ces choses sont aujourd'hui
connues. Mais nous sommes sans doute à l'aube d'une petite révolution. Des
origines à nos jours, les espaces marchands des aéroports restaient sages et
“de bon goût”. Le phénomène du “faux” et du “façadisme”, tant en vogue dans les
grands centres commerciaux actuels, était encore absent de ces zones. Pas de
faux village hollandais à Schiphol, par exemple, ni de pagode singapourienne à
Changui, ni de façades bavaroises à Munich ou de fausse tente de bédouins à
Dubaï. Nous étions encore, quelles que soient les latitudes, dans une
architecture internationale et impersonnelle censée être rassurante.
Comme Las Vegas
Eh bien ce clacissisme risque d'être
remis en cause avec l'ouverture du nouvel aéroport de Yokohama, au Japon.
Actuellement en construction sur une île artificielle, il doit ouvrir ses
pistes en 2005, à l'occasion de l'Exposition universelle de la région de Chubu.
Les Japonais ont décidé de construire là un nouveau type d'aéroport, et ce à
double titre. D'abord dans son offre de services, “Centrair”, c'est son nom, a
vocation à devenir un lieu de destination pour l'ensemble des consommateurs de
la région. Mais son offre ne se limitera pas, comme à Amsterdam ou Francfort, à
quelques commerces de base ouverts 24 h/24 ou à une boîte de nuit. Centrair est
en effet appelé à être un vrai centre commercial urbain avec des services comme
des restaurants avec salles de réceptions, des bains japonais et même un temple
où les jeunes couples pourront venir se marier et faire la fête. Toute cette
offre est mise en scène dans des décors supposés rappeler, selon les zones,
soit des villes européennes (Rome, Paris), soit un village japonais
traditionnel, soit encore l'ambiance des rues de Tokyo. Bref, du décorum comme
les Japonais savent si bien le faire dans leurs centres commerciaux où, aux
détours d'une allée, on passe d'une fausse Rome antique à un faux Hong Kong
contemporain (voir les malls sur l'île d'Odaïba à Tokyo, et notamment Venus
Forte). Le modèle Las Vegas/Disneyland, que nous évoquions dans nos précédentes
chroniques, arrive aujourd'hui dans les aéroports en reprenant toutes ses
recettes (aire du faux + shopping à outrance). Un phénomène loin d'être très
étonnant. En s'éloignant des villes, les aéroports doivent se reconstruire des
univers propres à séduire une clientèle internationale. Dès lors, quoi de plus
simple à copier que ces modèles qui fonctionnent, même totalement artificiels ?
Cependant, si la mutation engagée à Yokohama se poursuit, ce pourrait être la
fin de tous ces aéroports qui se ressemblent, d'Auckland à Copenhague en
passant par San Francisco ou Buenos Aires.