« Aujourd'hui, on doit dépasser le stade de l'évangélisation»
Faire comprendre aux annonceurs qu'Internet mérite plus que des queues de budgets, telle est la mission que se donne Frédéric Joseph, président de l'IAB (Interactive Advertising Bureau France) et Dg des activités Internet de Publicis Group* (ZenithOptimédia, Starcom Interactive et Publicis Centre Média)
Marketing Magazine : Internet est de nouveau en plein boom. Etes-vous optimiste pour la suite ?
Frédéric Joseph : Il faut
rester humble, garder la tête froide et éviter de retomber dans les dérives de
la bulle Internet. On a eu une première chance, on l'a ratée. Il ne faut pas
rater la seconde. Cela dit, c'est vrai que cela fonctionne plutôt bien pour une
raison simple: avec plus de 24 millions d'internautes et plus de 60 %
d'équipement en haut débit, Internet est aujourd'hui un média, ce qui n'était
pas le cas en 1999 - 2000. A l'époque, il n'y avait pas d'utilisateurs. On
pouvait toujours être ambitieux, s'il n'y avait personne pour consulter
l'ordinateur, cela n'avait pas de sens. Aujourd'hui, avec le haut débit, on
dispose d'un média qui permet de monter en couverture sur pratiquement toutes
les cibles et qui permet de s'exprimer.
MM : Le marché parle cependant encore de la nécessité d'évangéliser les annonceurs…
F.
J : Ma philosophie en la matière est peut-être très radicale, mais j'estime que
l'on doit dépasser le stade de l'évangélisation, partant du principe que les
annonceurs récalcitrants viendront quand ils auront vu leurs concurrents
investir le média. Le débat doit désormais davantage se concentrer sur
l'augmentation des volumes réalisés sur Internet et la croissance des
investissements doit d'abord venir des annonceurs qui sont déjà là. Ils doivent
comprendre qu'Internet s'utilise comme un autre média, en allant au bout de son
potentiel et pas en y consacrant des queues de budgets !
MM : Quels sont les produits qui boostent le marché ?
F. J : La partie
mots-clés est ce qui progresse le plus dans les achats, de l'ordre de 25-30 %.
Et c'est quelque chose qui est voué à exploser car Internet est avant tout le
média de la recherche. Les mots-clés deviennent l'Eldorado pour les annonceurs
qui les achètent aux enchères. Après, au global de la progression des
investissements publicitaires, ce sont les espaces plus traditionnels type
bannières qui génèrent la croissance. En termes d'efficacité, il faut toutefois
savoir que les internautes cliquent très peu sur les bannières. 65 % des
internautes qui arrivent sur un site proviennent de l'exposition à un message,
35 % du seulement du clic. C'est pourquoi parler de taux de clics comme le font
encore certains est une hérésie. Il est beaucoup plus intéressant de regarder
l'effet branding, c'est-à-dire ce qui se passe après l'exposition au
message.
MM : Le média Internet nécessite-t-il des outils de médiaplanning spécifiques ?
F. J : On utilise tous les outils, les
mêmes que pour les autres médias, il ne s'agit pas de réinventer la roue. Chez
Publicis, nous avons toutefois conçu en interne une solution de déduplication
de l'audience, permettant de mettre en évidence la contribution du Net dans une
campagne plurimédia. Elle fonctionne déjà par rapport à la TV et la radio et
montre que l'on peut monter de 1 à 5 points supplémentaires en couverture à une
occasion de voir sur toutes les cibles Médiamétrie par rapport à un plan 100 %
TV pour le même budget investi. Cet apport est moins significatif par rapport
au média radio dont l'écoute est souvent conjointe au surf sur Internet. Nous
sommes également en train de développer le même logiciel pour la presse. *
ZenithOptimédia a contracté, en janvier dernier, deux gros annonceurs du
secteur du voyage, promovacances.com et Voyages-sncf.com. Ce dernier étant chez
Publicis Centre Média, structure dédiée créée pour l'occasion. ZenithOptimédia
et Starcom Interactive, les deux agences intéractives de Publicis, ont
enregistré ensemble un chiffre d'affaires en progression de 60 % sur
2004.