“Alterement” correct…
L'alter-consommateur terrorise les équipes marketing des grandes marques. Or, comme pour tous les autres consommateurs, il suffirait de bien répondre à ses attentes en matière de communication et de packaging pour le séduire…
Dès les débuts de la société de consommation, quelques intellectuels,
hommes politiques anticapitalistes ou encore pionniers de l'écologie,
critiquaient déjà vivement “le confort et le bonheur marchand” comme projet de
société. Malgré un pic spectaculaire de la contestation en mai 68, avec le
fameux “Cache-toi, objet”, les mouvements anticonsommation sont demeurés des
courants minoritaires. Il s'agissait essentiellement de phénomènes de
contre-culture qui avaient un très faible impact sur les comportements de
consommation majoritaires. Mais les choses évoluent. Depuis plus d'une
vingtaine d'années, s'affichent à la Une de tous les médias les risques et les
menaces que font peser sur l'Homme et la planète un développement incontrôlé.
Cela a commencé dans les années 80 avec les grands accidents industriels et les
scandales écologiques qui se sont enchaînés de façon exponentielle. Ont suivi,
dans les années 90, les affaires liées à la santé publique et les catastrophes
supposées être dues, de près ou de loin, au dérèglement climatique. Arrivent
aujourd'hui les problèmes économiques et les drames humains liés aux
délocalisations. Ces thèmes de l'actualité sont devenus récurrents dans nos
journaux. Au fil du temps, nous avons tous, plus ou moins, pris conscience que
le progrès industriel nous fait vivre dans un climat précaire où le risque est
permanent. Il apparaît bien que, plus nous évoluons, plus notre cadre de vie se
fragilise.
Confiance circonspecte dans les marques
Subtilement, les idées qui hier étaient portées par des courants minoritaires
sont devenues, en l'espace de quelques années, avec la “montée des périls”, des
problèmes de fond liés à la société et au progrès. De nombreuses personnes sont
désormais sensibilisées. Celles-ci se posent des questions sur ce qu'elles
consomment et elle raisonnent leurs achats de manière beaucoup plus
responsable. Que nous les appelions alter-consommateurs, consommateurs
engagés, consom'acteurs, consommateurs citoyens, selon Eric Fouquier, président
du cabinet d'études et de recherche en marketing Thema, cette population
émergente représenterait entre 15,5 % et 24,2 % de la population française âgée
de 15 ans et plus. Contrairement aux idées reçues, l'étude démontre que les
alter-consommateurs ne sont pas des passéistes. Ils ont le regard résolument
tourné vers le progrès, mais un “autre progrès” qui prône des valeurs de
développement durable. Ils sont cultivés, actifs donc solvables et, surtout,
ils ne sont pas “déconsommateurs”. Au contraire, ils dépensent plus que la
moyenne sur un grand nombre de produits bien ciblés et porteurs de valeurs
incontestables. L'alter-consommateur privilégie la marque, mais il la souhaite
discrète, caution des valeurs du produit, plutôt que vecteur d'image et de
statut. Il ne croit pas que les marques connues soient les meilleures et il
refuse catégoriquement l'idée que le choix d'une marque contribue à améliorer
l'image de la personne. Inutile alors de rendre le logotype prédominant sur le
packaging. L'alter-consommateur souhaite être informé sur les valeurs éthiques
de la marque et sur ses engagements en faveur du respect de l'environnement
sans que cela puisse s'apparenter à de la publicité. Car il a horreur d'être
traité comme un consommateur lambda, il veut être traité comme un sujet
intelligent et responsable.
Vers “l'alter packaging” informatif et sobre
Tout comme la publicité l'est en règle générale, le
packaging pourrait assez rapidement être rejeté par les alter-consommateurs
s'il ne s'adaptait pas rapidement à leurs attentes. Les marques vont donc
devoir revoir leur copie et considérer leurs emballages comme des espaces de
communication beaucoup plus larges. Outre le traditionnel discours sur les
qualités et le mode d'emploi du produit, il va falloir s'expliquer sur son mode
de production avec une part artisanale, si possible, sur son identité
culturelle locale ou historique, sur ce qu'il apporte dans l'art de vivre… Les
marques vont devoir présenter des garanties et donner des exemples prouvant
leur implication dans le développement durable et les comportements équitables.
Ainsi, pour parler aux alter-consommateurs, le packaging va devenir une
véritable profession de foi, avec des visuels qui expriment plus
d'authenticité, de sincérité et de naturel. Etre tout simplement “alterement”
correct…