la fidélisation à travers les âges : des Green Stamps au SMS
Des timbres collés sur un livret aux points électroniques stockés sur une carte, en passant par les projets mutualisés, comment les programmes de fidélisation sont arrivés à maturité.
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«Le principe de fidélisation est inhérent à la relation commerciale. Dès
qu'un commerçant voit un client, son plus cher désir, c'est de le fidéliser. »
Pour Jean-Yves Granger, directeur Prospective & Coordination Marketing &
Commerciale chez LaSer Lafayette Services, les premières entreprises à avoir
lancé des programmes de fidélité sont les distributeurs et les vépécistes
américains. Et notamment Sperry & Hutchinson et ses “Green Stamps”, lancés en
1896. Les fabricants de cigarettes ont suivi le même schéma, en insérant des
coupons dans leurs paquets. En France, on se souvient des “Points Coop”. Un
principe simple : à chaque achat, les timbres donnés étaient à coller dans un
livret et, quand celui-ci était rempli, ses timbres étaient échangés contre les
articles d'un catalogue.
Dérégulation
Ce type de
programme, au fonctionnement relativement rustique, a pu prospérer aux
Etats-Unis jusqu'à la fin des années 70. Deux facteurs ont fait évoluer leur
principe même : la dérégulation des compagnies aériennes américaines ainsi que
la concurrence exacerbée qui s'ensuivit et, au même moment, les avancées
technologiques permettant de stocker et de traiter de très importantes masses
de données. En 1981, American Airlines lançait le premier “Frequent Flyer
Program”, AAdvantage. Son principe : retenir les meilleurs clients en les
récompensant de leur fidélité. Pour ce faire, la compagnie aérienne avait
réussi à mettre au point une base de données marketing de ses 150 000 meilleurs
clients, repérés dans le système de réservation Sabre qu'elle avait créé. Ce
furent les premiers membres du programme AAdvantage. Le succès fut immédiat et,
quelques semaines plus tard, c'était au tour de United Airlines de lancer son
programme, puis de Delta et TWA. Fin 1981, la question ne se posait plus,
aucune compagnie aérienne américaines ne pouvait se passer d'un programme de
fidélité. « Les miles accumulés représentent aujourd'hui la première masse
monétaire mondiale », estime Jean-Yves Granger. C'est encore American Airlines
qui eut l'idée - pour couvrir le spectre le plus large, en matière de voyage -
d'inclure dans son programme un loueur de voitures, Hertz, et un groupe
hôtelier, Hyatt.
Premiers couacs
Les groupements
hôteliers furent donc un temps partenaires des programmes aériens mais, quand
ils se rendirent compte de leur pouvoir d'attraction et du coût de la
participation à un programme, les leaders lancèrent leur propre programme.
Holiday Inn en premier, en 1983, puis Marriot la même année. Cette frénésie de
propositions n'alla pas sans quelques couacs. Priority Club, par exemple, le
programme de Holiday Inn, pécha par trop de générosité. Dans sa première
mouture, un membre qui dépensait 75 nuitées dans un hôtel de l'enseigne se
voyait accorder deux billets d'avion pour l'Europe, une semaine d'hôtel à Paris
et une semaine de location de voiture gratuite... Holiday Inn fut donc obligé
de revoir son programme et le relança en 1986. Reste que, pour le secteur
hôtelier, si les grands réseaux possèdent leurs propres programmes, les autres
pensent qu'ils tirent un bénéfice suffisant de leurs partenariats avec des
compagnies aériennes. En 1987, National Rental Car lança le premier programme
de fidélité, Emerald Club, sur le secteur de la location de voitures. Les
autres loueurs suivirent. Le cas de Hertz est exemplaire. La marque fut la
première à participer à un programme, avec American Airlines, puis avec
d'autres compagnies aériennes. Mais en 1990, trouvant les coûts de
participation trop élevés, elle cessa tous ses partenariats. Puis, cons-tatant
que ses parts de marché fondaient en ayant coupé les liens avec les programmes
aériens, elle revint sur sa stratégie. Aujourd'hui, Hertz est partenaire de 20
Frequent Flyer Programs.
Programmes mutualisés
En
France, c'est au début des années 90 que les programmes de fidélisation
“modernes” font leur apparition. En 1992, Air France lance son programme
Fréquence Plus. Mais d'autres formes apparaissent visant à créer du trafic dans
des réseaux de distribution. Le Groupe Casino lance le Club Avantages, avec
pour partenaire, entre autres, le pétrolier Shell. Puis c'est le programme
Points Ciel, lancé par Cofinoga, avec, comme partenaires Les Galeries Lafayette
et le BHV. Ces deux programmes se fédéreront au début des années 2000 sous
l'ombrelle S'Miles. Si la mécanique ressemble à celle des Frequent Flyers
Programs, le principe est assez différent, puisqu'il s'agit d'un programme
mutualisé, chaque enseigne gérant ses clients, tout en faisant bénéficier les
autres enseignes de son pouvoir d'attraction. Le lancement du programme de
fidélisation du groupe hôtelier Accor suivra la mondialisation du groupe. En
1997, le groupe poursuit une démarche stratégique qui aboutira au lancement en
2002 du programme “Compliments from Accor Hotels”, un programme global incluant
la plupart des filiales hôtelières du groupe. Parallèlement, Accor lancera le
réseau Mouvango, « un label de ralliement de programmes déjà existants au sein
d'un même réseau », selon Philippe Bertichamps, P-dg d'Accentiv, la filiale de
marketing relationnel du groupe Accor. Vocation du réseau : accepter d'autres
programmes pourvu qu'ils s'inscrivent dans les univers du loisir et de la
mobilité. Le pétrolier Total - autre pionnier de la fidélisation en France avec
son Club Total - sera le premier partenaire à s'y inscrire. La carte Total est
maintenant acceptée dans les hôtels du groupe Accor.
Consumer magazine
Dans le secteur de la grande consommation, c'est le
groupe Danone, en France qui réagira le premier, en lançant, en 1995, le Bingo
des Marques. Dans un contexte de relations conflictuelles avec la grande
distribution, le groupe français a opté pour une opération multimarque, qui lui
a permis de se constituer une base de données marketing. Le point de départ de
Danoé, le consumer magazine du groupe, principal vecteur de son programme de
fidélité.
Créer du trafic
Quant à la grande
distribution française, dans un premier temps, Carrefour et Auchan, choisirent
pour fidéliser le biais d'une carte de paiement. Les groupes d'indépendants ont
opté, au départ, pour des mécaniques plus simples, mais, au final très
efficaces. Le Ticket Leclerc notamment, un programme sans carte physique,
destiné à créer du trafic en magasin en accordant des remises. Une mécanique
que suivront les autres groupements d'indépendants. Avec un succès tel
qu'Auchan lancera la carte Waooh et ses réductions en caisse. Carrefour suivit
avec le Ticket Cash, puis la carte Carrefour, lancée au printemps dernier.
Outil et canal
Né au début des années 90, le secteur de
la téléphonie mobile a bousculé les étapes. « Ils ont fait en cinq ans ce que
d'autres ont mis quinze ans à accomplir », constate Jacques Ehny, directeur du
pôle conseil de Cartaix. A la fois outil et canal, les programmes de
fidélisation de ce secteur servent à renouveler l'abonnement du client. Ils
sponsorisent l'achat d'un terminal plus puissant afin de faire découvrir
d'autres services. Le programme de fidélisation “alimente une pompe” et la
fidélisation est un élément stratégique. C'est pourquoi le budget accordé à la
fidélisation est le plus gros investissement marketing de chacun des opérateurs
de téléphonie mobile. Il est vrai que, lorsqu'on parle de nouveaux canaux de
fidélisation, chacun s'accorde à citer le téléphone mobile. C'est logique. On
cherche à fidéliser une personne et quoi de plus personnel qu'un téléphone
mobile.