interview Henri de Maublanc Acsel
« Si l'on croit aux vertus d'un e-mail maîtrisé, il faut se donner les moyens de l'encadrer ». Les propositions et recommandations de l'Acsel, visant à combattre la pratique du spamming, ont suscité de vives polémiques dans le milieu des acteurs de la communication directe et des marchands en ligne. L'occasion de faire le point, avec Henri de Maublanc, président de l'Acsel, sur les véritables enjeux de ce dispositif.
Je m'abonnePouvez-vous nous rappeler les positions de l'Acsel dans la lutte contre le spamming ?
Nous voulons faire comprendre qu'il
existe aujourd'hui des solutions techniques qui permettent de faire plus que la
loi qui se contente, pour l'heure, d'interdire les envois non sollicités.
Concrètement, nous devons nous donner les moyens coercitifs qui conviennent,
pour que cette régulation soit effective.
Quel dispositif proposez-vous d'adopter ?
Nous proposons une technique de marquage
des mails envoyés en nombre. Ce marquage obligerait les acteurs à s'identifier
auprès d'un organisme qui leur délivrerait l'imprimatur nécessaire pour
diffuser leurs messages sur la Toile.
Quels en seraient les principaux avantages ?
Ce tampon permettrait de s'assurer, de
manière très simple, de l'origine du mail marketing et d'interdire la diffusion
des e-mails non "affranchis" sur les réseaux des opérateurs télécoms et des
FAI.
Cela ne pénalisera-t-il pas les acteurs honnêtes qui font de l'envoi en nombre depuis l'étranger ?
Les pays européens peuvent
tout à fait s'accorder sur une politique commune. Et c'est déjà le cas. Si vous
souhaitez faire de l'e-mail en Allemagne, il vous faut, au préalable, acquérir
des listes opt-in.
Pourquoi, dans ce cas, les acteurs de l'e-mailing ont-ils montré si peu d'enthousiasme pour ces propositions ?
Parce que certains considèrent, sans doute, que
l'autorégulation, c'est mieux que la prise de position. Or, l'autorégulation
est souvent soutenue par ceux qui en profitent abusivement à leur convenance.
Qui voulez-vous que cela puisse gêner sinon ceux-là mêmes qui craignent de ne
pas pouvoir obtenir un tampon de marquage parce qu'ils ne respectent pas, en
amont, les règles de la collecte des données ?
En l'absence d'un cadre de vigilance strict, à quels problèmes doit-on s'attendre à court terme ?
Les opérateurs de télécoms et les FAI vont être tentés de
s'équiper de filtres, au risque de filtrer sans discernement ce qu'ils croient
être un contenu illégitime. Bien que la pratique soit illégale, c'est déjà ce
qui se passe. D'où la nécessité de réguler les voies de courrier pour éviter le
filtrage non maîtrisé. Si on croit au marketing direct et aux vertus de
l'e-mail maîtrisé, il faut l'encadrer pour éviter que le média ne soit pourri
par des abus massifs.
Certains commerçants ont cru déceler, à travers vos propositions, un préalable à la mise en place d'un affranchissement payant suggéré par l'Irepp (Institut de recherche et de prospectives postales) ?
C'est absolument faux, cette idée de marquage est la mienne.
Nous l'avons volontairement annoncée haut et fort pour faire réagir. Mais, loin
de nous la volonté d'être totalitaires. Le débat reste ouvert.
Etes-vous partisan du marquage payant ?
La notion de
payant est annexe et pourra être étudiée par la suite, mais l'enjeu tarifaire
est dérisoire par rapport à l'enjeu de la protection du mail marketing
lui-même.
Les acteurs craignent que l'économie du système actuel soit bouleversée s'il s'agit d'acheter des timbres ou de s'équiper de solutions coûteuses...
C'est normal, car les adresses elles-mêmes
deviendraient plus coûteuses et moins rentables. Mais, de toute façon, ces
adresses valent déjà de moins en moins cher en raison de la progression du
spam. Or, lorsqu'elles seront contrôlées, elles seront revalorisées par la
preuve du respect des méthodes de collecte. Les acteurs craignent de ne plus
pouvoir bénéficier des outils dont ils disposent aujourdhui pour collecter des
adresses. Mais il faut pourtant trouver des moyens légaux de le faire.
Pourquoi ne pas adopter les solutions technologiques de type Brightmail ?
J'ai rencontré des internautes scandalisés de devoir
payer un supplément à Yahoo ! pour ne pas être sollicités illégalement. Il
serait d'ailleurs scandaleux de devoir payer La Poste pour ne pas recevoir de
courrier. L'idée que l'on puisse renverser la vapeur et obliger les gens qui
font de l'envoi en nombre honnête, à passer par un filtre qui nous
débarrasserait des malhonnêtes est plutôt un avantage.