Vers le règne de la personnalisation
Les profondes mutations que connaît actuellement le paysage des industries graphiques vont permettre très rapidement d'accroître de manière spectaculaire le volume d'imprimés personnalisés. Ce dont ne peuvent que se réjouir les acteurs du marketing direct. Tour d'horizon des techniques en lice.
Pour en savoir plus :
Alors que les gros volumes d'impression sont généralement réservés à la technologie offset, l'impression numérique ne cesse de gagner du terrain. D'autant plus qu'elle offre des possibilités élargies en termes de personnalisation. La multiplicité, mais aussi la complexité des techniques, réclament quelques explications. Inutile de s'y attarder, le marketing direct implique de toute évidence, à un moment ou à un autre de la conception du mailing adressé, un acte de personnalisation. Actuellement, les professionnels comptabilisent trois types de personnalisation. Le premier, et sans doute le plus basique, est celui utilisé essentiellement par les vépécistes. A partir de mille exemplaires, la technologie offset s'impose. En raison des énormes volumes traités par les vépécistes, les mailings sont donc imprimés dans une première étape en offset. En fin de ligne, les données variables, c'est-à-dire le destinataire et son adresse, sont repiquées par impression laser ou jet d'encre. Deuxième type de personnalisation, le "versioning". Le principe est simple : en fonction d'une architecture pré-déterminée, les donneurs d'ordre produisent différents documents. En clair, une mise en page type de divers espaces est réalisée. Dans ces espaces, ce sont les images et les textes qui varient. Ce type de personnalisation, impliquant forcément l'utilisation de l'outil numérique, se retrouve surtout dans les envois qui comportent plusieurs feuillets, comme les brochures, les catalogues ou mailings de formation. Enfin, le troisième degré pousse la personnalisation à son maximum. Il consiste à réaliser un imprimé pour une personne et une seule. Dans ce cas, il s'agit d'utiliser et de mixer l'ensemble des possibilités du numérique et de l'outil informatique pour faire varier le contenu, la mise en page, le nombre et le type d'images, le foliotage, la finition. Les secteurs de la presse et de la VPC utilisent cette technique du "one-to-one" depuis de nombreuses années outre-Atlantique. En France, les premiers pas restent encore timides. Reste à explorer les diverses techniques proposées par les imprimeurs. Mieux les connaître permet d'affiner le choix au moment de la réalisation du mailing, même si leur complexité ou leur nouveauté peuvent parfois rendre perplexe. C'est pourquoi, il sera déterminant en amont de bien redéfinir les objectifs et les priorités du mailing.
Les machines hybrides
Issues
du monde traditionnel de l'impression offset, les machines hybrides permettent
la duplication en série d'une même feuille. Elles sont constituées de
l'assemblage d'un système de gravure directe sur plaque (CTP pour Computer to
Plate) et d'une presse offset couleur. La production se décompose en trois
phases : l'envoi du fichier au calculateur de la machine ; la gravure des
plaques directement sur les cylindres ; le tirage à proprement parler. Le
processus est identique à l'impression traditionnelle hormis le fait que les
étapes de flashage des films, de montage et de copie sont supprimées. A la fin
de chaque travail, les plaques sont changées et nettoyées automatiquement puis
insolées directement sur la presse par un système laser. A partir de ce
principe de base, les constructeurs de machines ont travaillé chacun à
améliorer la variabilité des formats et la personnalisation de chaque page.
Ainsi, MAN Roland, par exemple, avec sa Dicopresse, propose grâce au logiciel
Dicostream de modifier automatiquement l'impression à chaque tour de tambour,
texte et image comprise. D'autres logiciels peuvent également permettre
d'assembler en fin de ligne les documents en faisant varier le nombre de pages
et leur ordre. La cadence de cette machine atteint quelque quatre mille pages
au format A4/h en quadri recto/verso.
L'électrophotographie à toner
Ce procédé d'impression est strictement le même que celui
mis en oeuvre sur les imprimantes laser, les copieurs et les moteurs
d'impression conçus par Xeikon. La Nexpress d'Heidelberg, qui a travaillé avec
Kodak, utilise également cette technique. Celle-ci repose sur l'utilisation de
particules d'encres solides appelées également toner. Les encres sont fixées
sur le papier par une cuisson à 300° C, après avoir été insolées par des diodes
à densité variable. Ce type de machine atteint des caden-ces qui peuvent
atteindre deux mille pages à l'heure dans un format maxi de 350 x 470 mm et une
fourchette de grammage allant de 80 à 300 g. Seul bémol : si cette technique
est utilisée pour imprimer un mailing, celui-ci ne pourra pas subir une
dernière étape de personnalisation dans une imprimante laser (pour les têtes de
lettres par exemple). Soumis déjà à une chaleur de 300° C, l'imprimé ne
supporterait pas de subir un deuxième passage à la même température,
susceptible de faire "fondre" les caractères initiaux. En outre, il faut
également noter que ce traitement ne peut convenir qu'à des papiers
particulièrement résistants aux hautes températures. C'est pourquoi il est
indispensable d'effectuer des tests de résistance du papier avant tout
lancement de production. Les machines utilisant cette technologie se retrouvent
chez des constructeurs comme MAN Roland, Barco, IBM et Xerox.
L'électrographie à encres liquides
Mis au point par
Indigo sur ses équipements, ce principe repose sur l'adaptation d'une mécanique
de presse offset conventionnelle. Il utilise des encres liquides spéciales
baptisées electro-inks. Les données arrivent à la machine par le réseau ou via
des supports informatiques. Elles sont alors converties en mode bitmap par le
RIP et stockées sur le disque dur. Au moment du lancement de l'impression, les
quatre images en mode bitmap, issues de la séparation des couleurs exigée en
quadrichromie, sont envoyées dans la mémoire de la machine qui va piloter le
laser. C'est d'abord le jaune qui est traité. Préalablement chargé en
électricité, le cylindre photorécepteur est insolé par le laser à partir des
données du jaune. L'encre est injectée sur le cylindre qui tient lieu de
porte-plaque. Par effet électrostatique, l'encre se dépose sur les seules
parties insolées. L'excédent est récupéré par le cylindre développeur pour être
recyclé dans les réservoirs d'approvisionnement d'encre. Quant à l'encre
déposée, elle est reportée sur un blanchet spécial chauffé à 90° C et sur
lequel elle va se polymériser. Elle est ensuite transférée par pression sur le
papier, comme dans le procédé offset. Le support s'était enroulé précédemment
au début du cycle sur le cylindre d'impression. Le même processus s'effectue
ensuite pour le magenta, puis le cyan, et enfin le noir. A l'issue de cette
dernière opération, le cylindre d'impression est déchargé afin que le cycle
s'enchaîne à nouveau, feuille après feuille. Indigo dispose d'une gamme d'une
dizaine de modèles dont ceux de la Série 2 qui présentent des options comme
l'impression de données variables, l'assemblage électronique ou encore
l'impression jusqu'en 6 couleurs. Ces équipements très performants en termes de
qualité d'impression atteignent des cadences tout aussi intéressantes (autour
de quatre mille feuilles au format A4).
Le jet d'encre
Le principe du jet d'encre consiste à envoyer par une buse des
micro-gouttelettes d'encre sur le papier. L'image est directement formée sur le
support, sans qu'il n'y ait auparavant de création de forme d'impression, même
virtuelle. Sur le segment plus spécifique de la couleur, deux technologies
cohabitent : le jet d'encre piézo-électrique, et le jet d'encre thermique. Dans
le premier cas, l'éjection de la goutte d'encre est d'ordre électromécanique,
ce qui permet une précision d'impression remarquable. A contrario, ces
équipements peuvent souffrir du risque de bouchage des buses d'encres ou
d'introduction d'air dans le circuit d'alimentation des chambres d'éjection. Si
les cycles de nettoyage ne sont pas effectués régulièrement, des bandes
blanches peuvent apparaître sur les documents imprimés. Dans le cas du jet
d'encre thermique, l'éjection de la goutte d'encre est provoquée par une
réaction électrochimique. Un courant électrique est en fait appliqué à un
micro-élément chauffant placé dans la chambre d'éjection, ce qui provoque la
formation d'une bulle et la création d'une brusque surpression entraînant son
éjection. Cette technologie a été travaillée de longues années avant de
parvenir à ce type de résultat et ses possibilités d'évolution sont encore
énormes. Non seulement en termes de précision d'impression, et de réduction des
coûts de fabrication mais aussi de rapidité d'exécution et de simplification de
la maintenance (moins de cycles de nettoyage). Le jet d'encre est bien souvent
comparé au laser, ce dernier apparaissant pour les Français comme la
technologie la plus aboutie, côté définition de l'impression mais aussi la plus
performante, côté cadences de production. Ainsi on réserve généralement le
laser à l'impression des en-têtes de lettres auxquelles on accorde le plus
grand soin et le jet d'encre aux enveloppes. Aux Etats-Unis, c'est plutôt le
jet d'encre qui domine le marché du marketing direct, l'oeil des destinataires
n'étant sans doute pas "éduqué" de la même façon que dans nos pays européens.
Reste qu'à ce jour la technique du laser semble arriver au maximum de ses
possibilités, alors que de son côté le jet d'encre promet encore de belles
avancées technologiques.
L'offset de demain ?
Aprion a
mis au point récemment une technologie jet d'encre à rangées multiples qui, à
terme, pourrait permettre de développer une presse couleur numérique entrant en
concurrence directe avec l'offset. A l'inverse de toutes les autres presses
numériques du marché, celle-ci affichera les coûts les plus réduits en qui
concerne les encres. Avec, en outre, une vitesse élevée et la possibilité de
traiter de façon tout à fait économique les petits comme les grands tirages, et
sur tous les types de papiers. Baptisée Magic, cette technologie a d'abord
investi le segment des BookNets (livres fabriqués en moins de dix minutes) mis
en vente sur Internet. Le deuxième secteur conquis par Aprion concerne
aujourd'hui celui des revêtements muraux. Troisième étape, désormais la société
a décidé d'investir celui du marketing direct en développant des presses
numériques adaptées. Aussi, les années à venir devraient voir l'explosion de ce
type de presses, notamment sur le segment des imprimés personnalisés qui sont
destinés au marketing direct.
Attention à la préparation de la mise en page
En supprimant les classiques opérations de montage, le
numérique n'allège pas pour autant les diverses étapes se situant en amont de
l'impression. Il est bien évident que le soin mis à élaborer les fichiers est
primordial. Viennent ensuite les opérations de préparation digitale des données
: scannage, intégration de photos, de logos, travaux de mise en page, gestion
de flux numériques (via Internet). En l'absence actuelle d'un format de fichier
standard, fiable et sécurisé, il est obligatoire de soigner toutes les étapes
du processus. Ce travail réclame les compétences de professionnels avertis.
Faute de quoi, il pourrait générer, n'étant pas effectué correctement, de
graves problèmes : police de caractère introuvable, mauvaise résolution des
fichiers image, format de fichier incompatible, fichier en RVB au lieu de CMJN,
blocs de textes se chevauchant, pages mal dimensionnées, séparation non prévue,
oublis des fonds perdus... De quoi entraîner, s'ils ne sont pas repérés très
vite, des tirages voués au pilon. La plupart des constructeurs ont développé
des outils de création de documents à données variables qui facilitent la mise
en oeuvre des documents mais qui ne doit pas faire oublier pour autant que leur
utilisation revient à des professionnels avertis, qui, s'ils maîtrisent l'outil
informatique, doivent aussi parfaitement connaître les techniques plus
traditionnelles de conception d'un imprimé.
Lexique
CTP (Computer To Plate) : la technologie Computer to plate (ou "plaque directe") permet d'insoler des plaques offset directement à partir de fichiers numériques. DI : face à l'essor du numérique, certains fabricants de machines d'impression offset ont fait évoluer leurs équipements en y intégrant un graveur laser de plaques. Ces presses deviennent donc des machines numériques prenant pour dénomination DI pour "Digital Impression". DICO : ces initiales, qui signifient "Digital Change Over", sont utilisées par le fabricant de presses MAN Roland pour dénommer ses systèmes numériques. Le préfixe est également mentionné dans la Dicoweb développée par le même constructeur avec la collaboration du spécialiste du numérique Creo. Effet Corona : effet physique qui réside dans la forte différence de potentiel entre un fil Corona et une grille métallique. Cet effet provoque une ionisation de l'air. Au contact du photorécepteur, l'air ionisé le charge. Electrophotographie : principe consistant à détruire localement, par la lumière, la charge électrostatique (produite par effet Corona) d'une couche photoconductrice recouvrant un support métallique. Cette opération génère une image latente qui sera ensuite développée. Flexographie : utilise une plaque faite de caoutchouc flexible ou de photopolymère sur laquelle on découpe une image en relief qui s'imprime directement sur la surface. La plaque flexible permet d'imprimer sur des surfaces irrégulières telles que des tasses à café, des boîtes en aluminium ou du carton ondulé. Héliogravure : utilise un cylindre de cuivre mordu à l'acide dont la surface représente les zones qui ne recevront pas d'encre. La plaque tourne dans un bain d'encre, laquelle remplit les creux de la plaque. Il existe trois types d'héliogravure : conventionnel, à zone variable-profondeur variable et transfert direct. L'héliogravure conventionnelle s'utilise pour les documents de haute qualité à impression rapide. La méthode à zone et profondeur variables est excellente pour la reproduction de journaux, magazines et catalogues. L'héliogravure par transfert direct s'utilise pour le conditionnement. Image latente : image invisible située à la surface photosensible du tambour d'impression. Elle est générée par la différence de potentiel entre les points à imprimer et les points blancs. Pour être visible, elle devra être développée. Litographie offset : deux idées simples sont à la base de l'impression offset. Imprimer sur une surface plate et utiliser l'antagonisme entre l'eau et l'huile (les deux corps ne se mélangent pas). La plaque d'impression est encrée ; la surface de l'image est rendue sensible à l'encre (corps gras) et non à l'eau. Cette technique diffère en cela de l'héliogravure, qui utilise des formes en creux ou de la flexographie qui utilise des éléments en relief. PPML (Personalized Print Markup Language) : langage mis au point par les développeurs de frontaux. Il se base tout à la fois sur PostScript, XML et PDF. Il permet d'alléger les réseaux et de gérer les couleurs selon les exigences propres aux industries graphiques. Il traite en fait chaque élément de la page comme un objet interchangeable alors que Postscript stocke, page par page, tous les éléments et de manière totalement figée. RIP (Raster Image Processor) : calculateur qui traduit le fichier numérique issu de la PAO en un fichier au format PostScript, permettant ainsi de le lire et de l'imprimer. Sérigraphie : cette méthode consiste à faire passer l'encre au travers d'un écran pochoir pour imprimer la surface. Elle s'utilise dans la reproduction de documents en demi-tons ou comportant peu de couleurs. La sérigraphie professionnelle utilise des trames photographiques pour transférer des motifs sur presque toutes les surfaces imprimables (affiches, vêtements, disques, bouteilles...) Tambour : support photorécepteur qui se présente, selon les équipements, sous forme de cylindre ou de ruban. Il se charge électroniquement et se décharge sous l'effet de la lumière. Le laser décharge localement le tambour, faisant alors apparaître une image latente. Thermographie : procédé de finition qui utilise, sur les presses offset, des encres spéciales qui ne sèchent pas. Après avoir placé l'encre sur la surface à imprimer, on y dépose une poudre. On la place ensuite sous une source de chaleur, ce qui fait fondre le mélange encre et poudre et gonfler les zones qui en sont imprégnées, produisant un effet de gravure en relief. L'impression de cartes de visite, d'invitations et de cartes de voeux applique ce procédé.
Personnalisation à la main
Recevoir un mailing personnalisé sous la forme de textes manuscrits, c'est désormais possible avec, notamment, la solution proposée par Penmatic. Cette société a mis au point un système de robots munis de stylos reliés à une base de données permettant de reproduire parfaitement tout type d'écriture (plume, crayon ou feutre). Tout devient reproductible, d'une simple signature à un texte long. Seule contrainte : la cadence reste faible, puisqu'elle atteint actuellement un maximum de dix mille adresses par jour (ou encore deux mille textes de 5 lignes).