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VPC : comment pénétrer le marché britannique

Consultante pour les entreprises de marketing direct et de vente par correspondance au sein de Sterling Marketing Ltd dont elle est directeur, Rosemary Stockdale a notamment aidé L'Homme Moderne à s'établir au Royaume-Uni. Forte de cette expérience, elle livre quelques conseils aux entreprises françaises pour une implantation réussie outre-Manche.

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Comment est née la société Sterling Marketing ?


La société a été créée en 1990, spécialement pour le marché de la VPC spécialisée, qui commençait à se développer à l'époque. En fait, nous voulions apporter un conseil à des sociétés qui souhaitaient vendre par correspondance, directement à des clients - de catégorie socio-professionnelles supérieures- et non plus en passant par des "agents". Ce système des agents est une spécificité typiquement britannique, qui date des années trente : un agent, moyennant une commission, vend les produits d'un catalogue à sa famille, ses voisins, ses amis... Notre objectif est d'aider à la fois les sociétés anglaises et les compagnies étrangères à s'implanter au Royaume-Uni. Pour cela, nous essayons de nous imprégner de la philosophie des sociétés avec lesquelles nous travaillons, de penser comme elles. Puis nous bâtissons un planning, nous trouvons les financiers et nous surveillons leurs premiers pas dans les affaires, si nos clients le souhaitent. Nous nous attachons à mettre en place les coûts exacts nécessaires au développement, afin qu'il n'y ait pas de mauvaises surprises... Nous travaillons aussi avec des sociétés pour qui la vente par correspondance ne constitue pas le seul canal de vente, tels que des magasins, des musées, des galeries qui veulent se lancer dans la VPC. Au total, Sterling Marketing a lancé, en Grande-Bretagne, une trentaine de sociétés de vente par correspondance spécialisées.

Plus précisément, pour qui avez-vous travaillé ?


Nous avons été conseil de l'Américain Lands' End en 1991/1992. Nous nous sommes occupés de leur business jusqu'à ce qu'ils aient atteint une taille suffisamment importante pour s'en charger eux-mêmes... Ce qui est le cas aujourd'hui. Nous les avons aidés à tester d'autres marchés : il y a quatre ans, nous avons testé la France, l'Allemagne et la Hollande. C'est en Allemagne que le test a été réussi, ainsi qu'en Grande-Bretagne. Sur ce marché, ils ont investi beaucoup d'argent dans une campagne de publicité, pour annoncer leur arrivée. Dans ces publicités, il y avait beaucoup de textes par rapport aux photos... En fait, Lands' End voulait toucher des personnes qui n'ont pas l'habitude d'acheter par correspondance. La société a été la première à investir sur le marché de la VPC haut de gamme, qui depuis s'est beaucoup développé. Le panier moyen des achats est de plus de 70 £, et Lands' End dispose aujourd'hui de plus de 120 000 clients actifs (consommateurs de 0 à 24 mois) au Royaume-Uni. Leur chiffre d'affaires y est supérieur à 50 millions de £. Le vépéciste souhaite maintenant se développer sur ce marché à travers son site web.

A quoi attribuez-vous l'échec de Lands' End en France ?


Je pense que pour un Américain, il est très difficile de pénétrer ce marché. Le vépéciste a vu qu'il n'aurait pas de retour sur investissement et a préféré stopper l'expérience. Lands' End, qui propose des produits dans le domaine du sport et du loisir, avait un cachet américain qui n'était peut-être pas du goût des Français.

Avez-vous aidé des sociétés françaises à s'implanter sur le marché britannique ?


Oui. En 1992, nous avons aidé L'Homme Moderne à s'y implanter. Inspiré d'un exemple américain, Sharper Image, ce cataloguiste propose des marchandises qui n'ont rien de typiquement français puisqu'elles viennent des quatre coins du monde... En Angleterre, il y avait déjà une société qui s'appelait Innovations et qui copiait aussi Sharper Image ; elle s'adressait pour moitié aux hommes et pour moitié aux femmes et réalisait un chiffre d'affaires de 60 millions de £ anglaises. Nous avons décidé que pour L'Homme Moderne, qui lui ne s'adresse qu'aux hommes, atteindre 10 millions de £ serait bien. Avec eux, nous avons trouvé un nouveau nom pour le catalogue, "Modern Originals", mieux adapté au marché britannique, l'Homme Moderne ne voulant pas dire grand-chose chez nous. Nous avons travaillé avec eux pendant six ans, puis notre collaboration a pris fin.

Comment fonctionnait le système ?


Un centre d'opérations en Grande-Bretagne prenait les appels téléphoniques de prise de commande, puis envoyait les colis. Ce système est toujours en place. Mais après trois-quatre ans d'existence, une Française qui habitait en Angleterre est devenue l'intermédiaire entre la compagnie française et le centre d'opérations anglais.

Pour la politique de prospection de l'Homme Moderne, quelles techniques utilisiez-vous ?


Nous envoyions d'abord un petit catalogue pour recruter des clients, en essayant de mettre en place la même philosophie que dans le catalogue français : les mêmes produits y sont présentés (sauf ceux qui sont interdits en Grande-Bretagne ou qui posent des problèmes avec la langue...). Nous avons copié le catalogue français en traduisant les textes. En revanche, pour les primes, nous avons choisi les cadeaux qui allaient le mieux outre-Manche. Le programme était d'ailleurs plus agressif que dans les autres sociétés de VPC britanniques. Pour prospecter, nous avons fait la même chose qu'en France : nous avons utilisé des fichiers, alors qu'en Grande-Bretagne, il y a d'autres façons de recruter : par des encarts, des publicités dans la presse... Mais, comme en France, les fichiers se sont révélé la meilleure façon de trouver des clients. Après deux ans, nous avons pu faire des échanges de fichiers avec d'autres sociétés de VPC. Aujourd'hui, L'Homme Moderne dispose d'environ 40 à 50 000 clients actifs.

Cette politique d'adaptation est-elle la même dans tous les pays ?


Oui, les mêmes produits sont présentés dans tous les pays. En revanche, le bon de commande et les promotions changent selon les pays, tout en restant bien sûr dans le même style que celui utilisé pour la France. Pour les plus gros catalogues, les 4 pages de couverture et les premières pages changent selon les pays alors que les 64 pages intérieures restent les mêmes. Ce qui permet d'avoir des coûts de production plus réduits. C'est une formule assez simple qui marche bien dans plusieurs pays. Pour une société française, il est très important de voir si 80 % au minimum des produits proposés marchent bien en Grande-Bretagne. Sinon, cela coûte trop cher de faire des achats spécifiques pour un marché et de changer trop de choses dans le catalogue.

Comment est structuré le marché de la VPC en Grande-Bretagne ?


Sur ce marché, il y a environ 2 000 sociétés qui font de la vente par correspondance, les trois quarts d'entre elles ont un chiffre d'affaires inférieur à 5 millions de £ et sont indépendantes. A un bout de la chaîne, on trouve des petits acteurs sur des segments de marché extrêmement spécialisés et, à l'autre bout, des généralistes. La vente à distance aux consommateurs est en croissance depuis dix ans et pèse 10 milliards de £. On trouve aussi 800 fichiers d'acheteurs par VPC. Quand une société possède au moins 10 000 acheteurs de 0 à 12 mois, elle peut procéder à des échanges de fichiers. Les fichiers sont certainement la méthode la plus facile pour atteindre les clients.

Quels sont les autres moyens pour cibler le consommateur britannique ?


Il existe une kyrielle de supports pour l'atteindre. Il est donc facile de cibler les clients appropriés par différentes techniques de marketing. Par exemple, et cela constitue une grande différence avec la France, le secteur de la presse est très développé avec une presse quotidienne abondante, une presse spécialisée très diversifiée avec 500 magazines qui couvrent un grand nombre de domaines : maison (une vingtaine), hobby, bateaux, avions, cuisine, jardinage, etc. La presse du week-end connaît aussi un grand succès avec des magazines tirés à 14 millions d'exemplaires. Dans 11 de ces magazines sont insérés des mini-catalogues. On trouve aussi des annonces-presse qui vendent des produits ou qui permettent de demander de la documentation. Autre méthode : des encarts incitent les clients à demander le catalogue. Ils enregistrent des taux de réponse de 1,5 % à 3 %. Il faut savoir qu'en Grande-Bretagne, les cadeaux ou primes proposés sont limités à ceux qui achètent, contrairement à la France. Autres moyens : les mailings, asile-colis, la publicité en porte-à-porte (plutôt utilisée par les agents), le Web, les relations publiques, etc. En ce qui concerne le marketing direct à la télévision, son accès est encore limité.

A votre avis, quels sont les catalogues français qui ont des chances de réussir en Grande-Bretagne ?


Plusieurs catalogues de mode ont connu un grand succès car le style de la mode française est très apprécié chez nous. Ceux qui ont réussi : La Redoute, qui a pour base-line "Vivre la différence", Le Club des Créateurs de Beauté, Cyrillus, Damart, et ceux qui présentent des accessoires tels que l'Homme Moderne. Ce qui est à la mode en Grande-Bretagne, ce sont les catalogues de produits de décoration pour la maison. L'électronique et l'informatique sont en hausse. En revanche, il faut savoir que le niveau de dépenses pour les vêtements stagne.

Quels conseils donneriez-vous pour une implantation réussie ?


Le plus important, c'est d'avoir une très bonne qualité de services avec des prix plus intéressants ou au même niveau que ceux pratiqués sur le marché anglais, sinon cela ne vaut pas la peine... Si vous vous implantez dans plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne, il faut avoir une proposition "noyau" qui doit pouvoir fonctionner à 90 %.

Donnez-nous de bonnes raisons pour investir ce marché ?


Quelques raisons : c'est un marché très fragmenté, extrêmement actif avec beaucoup de nouveaux entrants, ce qui facilite un début d'activité. D'autre part, il y a une grande variété de méthodes d'acquisition des clients sans oublier le fait que les techniques de marketing (de promotion) françaises fonctionnent en Grande-Bretagne. Et pensez au cachet qu'ont dans notre pays certaines marchandises françaises, telles que la mode, les produits alimentaires, le vi... Il y a déjà pas mal d'acteurs français sur ce marché et, apparemment, le trafic va surtout de la France vers la Grande-Bretagne, plutôt que dans le sens invers...

Biographie


Rosemary Stockdale figure parmi les principaux consultants en marketing direct au Royaume-Uni depuis douze ans. Elle a développé un certain nombre de catalogues pour Marks and Spencer, The Burton Group, Innovations et Dixons, et a joué un rôle important pour Kaleidoscope Mail Order. Avant de fonder Sterling Marketing, dont elle est directeur, elle a eu des expériences dans le merchandising en tant qu'acheteur chez Heal's Departement Store, et dans le marketing vers les consommateurs comme directeur marketing international chez Denby Tableware.

L'entreprise


Sterling Marketing propose une offre de services complète pour les sociétés de marketing direct qui veulent s'implanter ou se développer en Grande-Bretagne, Europe Continentale et Japon. Des sociétés telles que Lands' End, JC Penney, Modern Originals et British Sky Broadcasting ont fait appel à Sterling pour des collaborations temporaires ou à long terme.

Sophie Mensior

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