Un marché à consolider
La libéralisation complète du marché postal est prévue pour 2009. Cet objectif entraîne un redéploiement des Postes européennes qui luttent pour des marchés jusque-là réservés. La dérégulation ne suit toutefois pas le même rythme partout. Le volume du courrier de gestion baissant, les Postes cherchent une position de repli sur le marketing direct. Elles s'installent sur l'ensemble de la chaîne, depuis la gestion des bases de données jusqu'à l'acheminement.
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Graduelle, la libéralisation du marché postal est encore, pour l'heure, un
vaste chantier. « La libéralisation du marché engendre une plus grande
concurrence avec, derrière, une politique du juste prix. La qualité du service
suit bien sûr, ne serait-ce que parce que les leaders entraînent les autres
opérateurs postaux vers une amélioration de leurs normes de productivité »,
avance Gilles Ioset, président du directoire de Koba. La directive postale de
1997 a, ainsi, réussi à améliorer et à harmoniser la qualité de l'acheminement,
notamment transfrontalier. Elle impose, entre autres, l'acheminement du
courrier international en trois jours maximum dans 85 % des cas, et en cinq
jours maximum dans 97 % des cas. En 2001, 92,3 % du courrier prioritaire
transfrontalier de la Communauté était distribué dans un délai de J + 3 contre
69,1 % en 1996. Depuis la nouvelle directive postale (2002/39/CE), votée en
mai 2002, les Etats membres ont dû libéraliser de nouveaux segments de marché.
Le 1er janvier 2003, la distribution des lettres, de plus de 100 grammes (ou
dont le prix représente trois fois celui d'une lettre standard) ainsi que
l'ensemble du courrier transfrontalier sortant ont ainsi été ouverts à la
concurrence. A partir du 1er janvier 2006, la distribution des lettres de plus
de 50 grammes (ou coûtant plus de deux fois et demi le prix d'une lettre
standard) devra l'être également. L'achèvement du marché intérieur des services
postaux devant avoir lieu en 2009. Déjà très concurrentiel sur les segments de
la logistique et des messageries express, la dérégulation du marché postal
s'accroît. « La concurrence dans le segment du courrier n'a été que limitée,
mais elle est âpre sur les marchés du colis et du courrier express. Les
prestataires du service universel ont conservé leur place prédominante sur le
marché du courrier, qui demeure largement protégé par le système des services
réservés dans la plupart des états membres », note une enquête de la Commission
européenne, réalisée en 2002. En clair, le jeu ne fait que commencer : la
libéralisation des marchés nationaux va conduire à une concurrence accrue sur
les prix, suivi, dans un second temps, par une différenciation qualitative. «
Demain, il n'y aura pas quinze Postes indépendantes, plus vraisemblablement,
trois ou quatre opérateurs », avance Christian Kozar, directeur général délégué
du groupe La Poste, en charge de l'activité Courrier, et président de la
holding Sofipost. C'est pourquoi, d'ailleurs, de nombreux opérateurs ont
entamé, à marche forcée, des procédures d'automatisation ainsi que la mise aux
normes IPC (International Post Corporation), Unex (Unipost monitoring system)
de leurs outils industriels ou EFQM (European foundation for quality
management) pour la gestion de leurs ressources humaines. La Poste française,
qui vient de se voir octroyer, dans le dernier contrat de plan, 3,4 milliards
d'euros sur dix ans, est, par exemple, en train de revoir l'organisation de ses
quelque 130 centres de tri via la mise en place d'un programme d'action dénommé
“Cap Qualité” : une vingtaine de plates-formes nationales et internationales
seront organisées, à l'instar du hub nouvellement créé à Roissy, à proximité
des aéroports ou des gares TGV. Plusieurs dizaines de plates-formes régionales
seront également mises en place pour délivrer un courrier dans l'Hexagone dans
un délai de J + 1. Plusieurs centaines de plates-formes locales et plusieurs
milliers de plates-formes de proximité assureront, enfin, le chaînon final de
la distribution. Reste toutefois que le réseau d'acheminement, nettement plus
complexe que celui des messageries, va limiter la concurrence. « L'exemple des
Etats-Unis, pays pourtant libéral, est intéressant, fait valoir Marc Pontet,
directeur de la stratégie de l'activité Courrier du groupe La Poste. Le
régulateur a jugé que la distribution du courrier devait rester le monopole de
l'opérateur, garant du service universel postal. Les autres prestations ont
toutes été libéralisées comme le tri ou le routage. » Cet exemple arrange bien
le groupe postal français qui y voit là un argument de plus pour défendre le
“service public à la Française.” Pour Christian Kozar, cette notion de service
public va, en France, bien au-delà, de ce que la directive européenne prévoit
dans le cadre de la définition du service postal universel. Il s'agit, en
effet, d'un service qui déborde le cadre postal pour s'inscrire comme lien
social entre territoires et individus. « Si le point de vue est uniquement
libéral, nous sommes peut-être en retard par rapport à nos concurrent. Mais je
préfère penser que le libéralisme a ses limites. Le fait de pouvoir donner aux
Français, le même service partout, est quelque chose auquel nous croyons
viscéralement. »
Service postal universel
Les
principaux opérateurs postaux européens ont réalisé un chiffre d'affaires de 85
milliards d'euros en 2000, soit à peu près 1 % du PIB de l'Union Européenne.
Selon Peter Somers, directeur de la Poste Belge International, « six pays
concentrent à eux seuls près de 65 % du marché ». Il s'agit de l'Allemagne
(Deutsche Post World Net), de la France (Groupe La Poste), de la
Grande-Bretagne (Consignia), des Pays-Bas (TNT Post Group), de l'Italie (Poste
Italienne), de la Suisse (La Poste) et de la Belgique (Poste Belge). Mais,
aujourd'hui, le marché du courrier stagne quand, pour certains opérateurs, il
ne régresse pas. Selon les statistiques communiquées par l'Union postale
universelle (UPU), le volume des envois de la Poste aux lettres intérieures a
diminué de 3 % tandis que celui de l'international chutait de 9 % en 2002. Seul
le volume des envois de mailings est en augmentation dans l'ensemble des pays
européens. C'est le cas en Suisse (+10,9 % en 2001), au Royaume-Uni (+ 5,9 %)
et en Pologne (+ 5,7 %). Et si on en croit le plan quinquennal stratégique de
l'USPS (US Postal), pour l'exercice 2004-2008, le volume des envois
publicitaires et des mailings devrait même dépasser celui des envois postaux
traditionnels d'ici à 2005. L'écart continuant de se creuser au cours des
années suivantes. En France, on observe le même phénomène : si l'on en croit
les chiffres communiqués par le groupe La Poste, le courrier est en baisse (- 1
%) tandis que les opérations de marketing direct sont en augmentation (+ 4 %).
Ce déclin, la Commission européenne l'attribue, en partie, au développement du
courrier électronique. Celui-ci fait peser un vrai risque dans le domaine du
courrier de gestion : la dématérialisation progressive des documents (impôts,
feuilles de maladie, relevés de banque...) jouant-là un rôle notable. Mais
Florence Joachin, directrice générale de Spring France, refuse de croire à ce
scénario catastrophe : « Le courrier électronique se double, le plus souvent,
par l'envoi d'un document papier. » Si le courrier doit connaître des
transferts importants vers l'immatériel - transfert que, pour l'heure, personne
n'a été capable de mesurer - la montée en puissance du commerce électronique,
et donc du trafic des colis, devrait toutefois y suppléer.
L'ouverture vers l'Est
Avec l'arrivée de nouveaux pays,
comme la Pologne, la Hongrie dans l'Europe des 25, à compter du 1er mai 2004,
le marché postal européen n'a pas encore fini sa mutation. « L'ouverture vers
l'Est ne représentera peut-être pas un marché énorme mais il est intéressant.
Nous négocions déjà différents partenariats dans ces pays. Nous ne sommes pas
encore sur un marché mondialisé. Plus vraisemblablement sur des échanges
intercontinentaux », avance Jean-Pierre Streich, directeur de Swiss Post
International (SPI). Pour l'heure, aucun opérateur ne semble avoir de stratégie
claire. « Le volume est encore très faible mais l'économie peut se développer
très vite », fait valoir Gilles Maindrault, directeur de l'international du
groupe La Poste. Une situation d'attente donc face à un marché dont la maturité
tarde encore. Seul Spring et la Deutsche Post, les deux “mastodontes” postaux
européens, semblent croire aux potentiels du marché postal de l'Europe de
l'Est. Tous deux, affirment d'ores et déjà s'y positionner. « L'Europe de l'Est
va représenter une grosse phase de notre développement. Il est intéressant de
s'y implanter. Nous sommes ouverts à la discussion », avance Florence Joachin.
Quant à Bernard Buisson, directeur de Deutsche Post Global Mail France, il
considère que certains des pays de l'ancien bloc communiste représentent, bel
et bien, une opportunité supplémentaire de business. « Pour l'heure, le
courrier à destination de ces pays passe par notre hub autrichien. Nous sommes
en phase de test avec des Postes locales pour négocier des partenariats. Il n'y
a pas de certitudes à l'heure actuelle. Le déploiement se fera à des vitesses
différentes selon la complexité du territoire et le développement de son
économie », affirme-t-il.
Concurrence et qualité
Le
trafic du courrier international connaît, d'ores et déjà, une forte
concurrence. La dérégulation n'a toutefois pas suivi le même rythme dans
l'ensemble des pays européens. En Hollande, par exemple, l'ouverture à la
concurrence sera totale à compter de l'année 2007. Sur le segment de
l'international, elle est effective depuis 1998. Mais, de façon à améliorer la
qualité des prestations, le législateur a introduit un nouveau système
comptable entre les différentes Postes. Auparavant, l'indemnisation entre les
entreprises concernées était basée sur le système des coûts finaux
(l'entreprise qui expédiait l'envoi versait à celle qui le distribuait un
montant fixe). Désormais, l'imputation est fondée, d'une part, sur les coûts
effectifs dans le pays de destination ; d'autre part, sur le niveau de qualité
de la distribution. Cette nouvelle méthode a, certes, permis de limiter les
distorsions entres les partenaires et donc d'harmoniser la qualité de la
distribution sur l'ensemble du territoire européen, mais elle a également
généré une augmentation des prix. Le courrier de gestion baissant, les besoins
des professionnels du marketing direct aiguisent les appétits. Pour Eric
Frémont, directeur commercial de l'agence Proximity BBDO, la dimension
européenne du marketing direct ne fait plus aucun doute. Et les agences
françaises de marketing relationnel pourraient même, selon lui, y jouer un rôle
prépondérant : « Les différences culturelles s'amenuisent tant au niveau du
discours qu'au niveau du marketing lui-même. On peut désormais envisager une
création similaire pour l'ensemble du marché européen. Quitte à ensuite adapter
sa production aux contraintes locales. Notre position, au sein de l'Europe, est
une merveilleuse opportunité. Nous sommes à la jonction des pays du Nord et du
Sud. Surtout, par rapport aux agences londoniennes, nous, Français, nous avons
un côté pragmatique qui permet une meilleure compréhension des attentes du
client », fait valoir Eric Frémont. On peut vraisemblablement nuancer. La
centralisation n'intervenant, le plus souvent, que dans le cas des grands
groupes internationaux. Pour les plus petits, la démarche, la plus usuelle,
reste encore une approche locale, pays par pays (voir encadrés). « Les
opérations de marketing direct transfrontalier restent encore dans des ordres
de grandeur relativement modeste par rapport à ceux que représente le courrier
domestique. Les campagnes sont souvent réalisées au niveau des filiales
locales. Ce qui induit un dépôt local pour l'acheminement. Certains gros
émetteurs envisagent, c'est vrai, une centralisation du postage dans un seul et
unique pays européen mais ces tentatives n'aboutissent pas toutes. En revanche,
l'injection par les routeurs directement dans le pays de destination est assez
développée », avance Gilles Maindrault. Une opinion que confirme Jean-Pierre
Streich : « Le trafic transfrontalier, sur les opérations de marketing direct,
représente environ 38 % de notre chiffre d'affaires. »
Une offre ciblée
La plupart des grands opérateurs envisagent leur
implantation à l'international selon deux modalités. D'abord, une
représentation via des commerciaux itinérants pour s'occuper des grands comptes
et personnaliser les solutions postales proposées. Ceux-ci sont implantés
auprès de ce que, dans le jargon professionnel, on nomme des “consolidateurs”
de courriers exports. En fait, des prestataires qui arbitrent, pour le compte
des entreprises, entre les différents Postes représentés. « Il n'y a pas de
concurrence sur la distribution. En revanche, les opérateurs prennent position
auprès de certains grands clients pour en prendre en charge la totalité de leur
courrier et sous-traitent aux Postes locales la distribution », tranche
Christian Kozar. Ensuite seulement, intervient l'implantation d'un bureau,
officielle, via la création de filiales locales ou de structures en propre.
Celles-ci, en général, se dédient à la vente en gros. C'est le cas de la Swiss
Post International (SPI) qui a concentré son activité française sur la région
de Lyon. « Une opportunité de business », aux dires de Jean-Pierre Streich, que
la Swiss Post International a su développer : « Nous avons mis en place une
petite équipe de vente pour la centaine d'entreprises qui font appel à nous. Ce
sont principalement des entreprises de la VAD - des clubs de vins ou de livres
- ou des éditeurs. » La stratégie de la Swiss Post International, c'est bien de
s'inscrire avant tout sur des niches pour faire entendre sa différence. « Nous
n'avons pas les moyens de créer ou de racheter un réseau dans son intégralité.
Nous recherchons des solutions alternatives : nous regardons sur une ville
donnée si un opérateur qui, par exemple, distribue la presse peut également se
placer sur le marché du courrier B to B. » A l'instar de ce qu'elle pratique
déjà sur le marché de l'express, SPI a choisi de nouer des alliances et des
partenariats avec d'autres opérateurs plutôt que de parier sur une politique
expansionniste tous azimuts. SPI s'est ainsi associée avec la Poste hollandaise
dans le secteur de la messagerie. Elle a créé, en Suisse, une co-entreprise TNT
Swiss Post. SPI a enfin établi ses propres sociétés dans les principaux pays
européens. Cette structuration lui permet de suivre ses clients par-delà les
frontières. « Notre statut d'entreprise de taille moyenne nous permet de jouer
sur la souplesse. D'offrir à nos clients des prestations de qualité qui
s'adaptent à leurs besoins. Nous proposons aux entreprises, une assistance sur
mesure qui va de l'offre marketing direct complète à une gestion optimisée des
commandes dans le secteur de l'expédition de courrier et de petites
marchandises dans le monde entier », avance Jean-Pierre Streich. Son
développement, Belgian Post International (BPI) l'envisage semblablement même
si sa taille, encore plus modeste, et son statut d'établissement public, ne lui
permettent pas de rivaliser avec d'autres opérateurs comme la Deutsche Post.
Aucune volonté d'expansion ici. La Poste belge cherche, pour l'heure, à
moderniser avant tout son appareil industriel. Du coup, BPI développe des
partenariats à l'international. En France, BPI a signé avec IMX, un spécialiste
de la distribution de la presse internationale qui assure également de
l'injection directe. Elle a également acquis Asterion, une entreprise
spécialiste de traitement des documents de gestion. Ce qui lui a permis de
gagner différents appels d'offres, comme celui du pétrolier Euro Shell, pour la
gestion et la distribution de son courrier à l'international. La Poste belge
développe également sur son marché national des produits d'appel pour les
sociétés françaises. Comme ce bus mailing thématique, “Ma boîte à idée”
nouvellement édité, et distribué sur toute la Belgique. « Nous sommes présents
sur l'ensemble de la chaîne du marketing direct depuis la gestion des bases de
données, la sélection des profils client, la création des mailings, l'édition
et le routage », justifie François Derrekens, porte-parole de La Poste Belge.
La privatisation de nombreuses entreprises postales ainsi que le développement
de nouvelles technologies a entraîné des bouleversements durables du paysage.
« C'est une question stratégique pour les Postes européennes. Certaines ont
choisi de proposer une offre globale de service. Parce que c'est dans le
service à valeur ajoutée que se trouve le business », explique Gilles Ioset Les
besoins des clients se modifiant, les Postes européennes se doivent de proposer
de nouveaux services à plus forte valeur ajoutée. Le groupe La Poste a créé, il
y a trois ans, Maileva, un service qui supprime le routage, en proposant aux
entreprises d'envoyer un fichier numérique à ses services. L'entreprise
choisissant comment, in fine, son document se traduira en définitif sous la
forme d'une version papier, d'un e-mailing ou d'un fax. La Poste française a
également choisi de constituer en une seule entité, dénommée Aspheria, les
anciennes activités de Datapost et de Mikros pour s'inscrire sur le traitement
des documents administratifs. A la question de savoir quels types d'offres on
peut proposer aux professionnels du marketing direct, Gilles Maindrault répond
ainsi : “ Tout dépend de l'utilisation du courrier par le client. Plus le
marché est concurrentiel, plus il est important de coller à la réalité. Les
gros émetteurs ont des besoins personnalisés. Notre réponse est le “sur
mesure”. Nous leur proposons des services optionnels comme la collecte dans
l'entreprise, l'affranchissement, la correction d'adresses, la facturation
détaillée. »
Fusion-acquisitions en nombre
La Poste
néerlandaise (groupe TPG) est passée, la première, à l'offensive. Elle a pris
très vite, via la création de Spring, un joint-venture entre TPG, Royal Mail et
Singapore Post, le tournant de l'internationalisation. Mais la stratégie de
développement de TPG ne se limite pas à Spring : aujourd'hui plus de la moitié
de son chiffre d'affaires se réalise à l'étranger. Pour l'heure, la Poste
néerlandaise, avec un volume d'environ trois milliards de mailings échangés,
truste 96 % de ce segment. Mais la Deutsche Post se positionne en force sur le
territoire néerlandais. La Poste allemande vient ainsi de reprendre
l'entreprise Selekt Mail, un spécialiste des problématiques d'acheminement pour
le compte d'entreprises du marketing direct. Selekt Mail intervient sur
l'ensemble de la chaîne de distribution, depuis la gestion des colis, du
courrier adressé ou non adressé, ainsi que du courrier export. L'entreprise
peut se targuer de posséder déjà environ 83 clients, ce qui représente quelque
28 millions de plis et environ 11 millions d'euros de chiffre d'affaires pour
2002. Pour la Poste allemande, cette acquisition devrait lui permettre de
conquérir entre 10 et 20 % du marché... grâce à des prix, de 15 à 20 %
inférieurs à ceux de TPG Post. Surtout, Selekt Mail possède une couverture
nationale complète. Cela lui permet de revendiquer une livraison auprès de 100
% des foyers néerlandais, avec plus de 20 000 distributeurs en porte à porte
(pour les courriers non adressés), quelque 4 000 distributeurs pour les
courriers adressés et 2 500 distributeurs colis. « La Hollande est l'un des
premiers exemples de ce qui pourrait advenir dans d'autres pays européens. Même
si nous sommes face à une configuration idéale pour tester notre implantation :
un petit territoire sans trop de complexité dans son maillage postal »,
explique Bernard Buisson. De la même façon, Deutsche Post Global Mail a choisi,
en Grande- Bretagne, d'acquérir la société Speedmail International. Cet
opérateur, qui intervient depuis de nombreuses années sur la région de Londres,
fournit des solutions B to B. Cette boulimie d'acquisitions (sur le segment de
la messagerie express, l'entreprise allemande a racheté en plus l'Américain
Airborne, afin de disposer d'un réseau de distribution en Amérique de Nord
ainsi que la société britannique Securicor Omega) a d'ailleurs incité l'agence
de cotation Moody's - la Poste allemande étant partiellement privée - a baissé
la note de dette à long terme. Si la Deutsche Post semble centrer sa stratégie
d'expansion sur les pays les plus sûrs en matière de qualité de service, la
Poste néerlandaise, elle, en est déjà à se positionner sur l'Europe de l'Est.
Elle vient ainsi de prendre 100 % du capital de Dimar, via sa filiale Cendris,
l'un des fournisseurs de solutions de marketing direct, les plus aguerris aux
marchés des pays de l'Est. En particulier, pour la République Tchèque et la
Slovaquie. « L'Europe de l'Est représente un marché émergent, c'est certain. Il
n'est toutefois pas exempt de risques. Les structures postales n'ont pas encore
atteint le niveau de l'ancien groupe des quinze. Mais il est indéniable que nos
clients, notamment les VADistes, se penchent avec intérêt sur leur devenir. Et
nous nous devons de leur proposer des solutions. Pour l'heure, les plis à
destination de l'Europe de l'Est, partent, pour nous, depuis nos bureaux
allemands ou autrichiens », reprend Bernard Buisson. Ce qui se joue derrière
cette folie d'acquisition ? Sans doute, la suprématie. Ce qui pose, à terme, la
notion de domaine réservé ou de domaine à subventionner. « Nous avons en Suisse
une tâche importante à conserver dans certaines régions : la notion de service
au public. Il ne faut, peut-être, pas tout sacrifier au marché. Qui assumera
les derniers kilomètres dans les zones de montagne ? On a vu certains exemples
de libéralisation totale d'anciens monopoles d'état. Le ferroviaire en
Angleterre, l'électricité aux Etats-Unis, cela s'est avéré un désastre. Il faut
faire attention à ne pas aller trop loin », défend Jean-Pierre Streich. Ceux
qui, parmi les grands opérateurs européens, voudraient alors racheter des
réseaux entiers de distribution ne pourraient le faire qu'à la condition de
conserver et de maintenir un service public minimum via sans doute un système
de compensations financières. Reste à savoir si cette exigence là, constante
dans l'Europe des dix, le sera également pour les nouveaux entrants.
Trouver la solution adaptée à sa stratégie d'acheminement
Pour trouver “sa” solution, il faut s'interroger sur quatre points essentiels : le délai souhaité, le type de préparation, la marque d'affranchissement réalisée et, bien sûr, le prix. Lorsque seul incombe un acheminement rapide, mieux vaut opter pour une solution d'acheminement direct sans rupture de charge et en prenant le service prioritaire. Quand l'élément déterminant s'avère être le prix, il importe de choisir, dans ce cas, un service économique ou l'une des solutions en injection directe. Si l'impératif relève du niveau de préparation, il faut comparer les tarifs proposés avec le niveau de tri ou encore les normes de présentation exigées. Pour personnaliser aux flammes du pays de destination le mailing, la meilleure solution reste l'injection directe qui permet d'avoir une marque d'affranchissement locale. Gilles Maindrault, directeur du courrier international du groupe La Poste, estime qu'entre 5 et 10 % des envois se fait désormais par injection directe. Le problème, c'est que, déposé localement, le courrier ne peut plus être identifié comme envoi international. « Une partie du chiffre d'affaires national relève de dépôts internationaux », indique Gilles Maindrault. Enfin La Poste française peut prendre en charge l'ensemble des courriers jusqu'au pays de destination. Tous les plis confiés restent ainsi dans le réseau postal français jusqu'à leur arrivée dans le centre de tri international du pays de destination. Ils sont ensuite réceptionnés et acheminés vers leur destinataire final par la Poste locale.
Quelles techniques d'acheminement et de distribution choisir ?
La première technique, correspond à ce que Didier Farge, président de la section Europe du Syndicat national de la communication direct (SNCD) et auteur du récent “Guide pratique du marketing direct en Europe, on et off-line” définit comme le mailing décentralisé. « Les plis seront déposés dans chaque pays de destination, avec un timbrage local. Pour une société multinationale, ceci permettra de signer son mailing au nom de l'agence locale qui la représente dans le pays concerné. » Dans ce cadre, il existe aussi une pratique dénommée le repostage. Elle consiste à faire transiter les courriers internationaux par un pays tiers. Les plis sont alors centralisés sur un seul et même hub (pour la Deutsche Post, il s'agit de Francfort, pour la Swiss Post de Genève, par exemple). C'est à partir de cette plate-forme centrale que le courrier sera ensuite dispatché vers sa destination finale selon la formule ABC ( A pour pays d'origine, B pour pays de transit, C pour pays de destination). Cette formule de repostage est autorisée quand le pays C (de destination donc) “ ne subit pas de manque à gagner sur les frais terminaux qu'il perçoit pour la distribution du courrier à cause du transit par le pays B”, stipule le guide du SNCD. Mais attention toutefois. Car on peut vite tomber sous le coup de pratiques de concurrences déloyales. Cette technique permet de transformer du courrier national en international (ABA) en délocalisant son dépôt (ABA physique) ou sa fabrication (ABA non physique). Si l'on s'en tient au code de l'Union postale Universelle (article 43), l'ABA physique, considéré comme la captation d'un trafic local par un opérateur tiers, est illicite. L'ABA non physique est, lui, toléré au cas par cas. L'entreprise doit, pour y être autorisée, fournir à l'opérateur postal certains éléments de preuve comme le Kbis, les factures d'impression, l'organisation des activités du groupe. Les prix de cette formule décentralisée sont attractifs : 15 à 20 % moins cher, en fonction des destinations, qu'un acheminement direct. Mais, en revanche, les délais d'acheminement sont moins sûrs. Et les risques de rupture de charge ou de fausse direction plus importants. On peut aussi choisir une expédition centralisée. Dans ce cas, “ les plis seront mis en Poste pour un acheminement global à partir de la France”, explique le guide du SNCD. Ce choix est notamment celui d'entreprises qui, dans le secteur du luxe par exemple, entendent conserver l'identité française pour s'adresser à leurs clients ou prospects résidant à l'étranger.
Les données, enjeu stratégique de la dérégulation postale ?
par Roland André, président de la commission “Métiers du CRM” au SNCD et directeur général d'Altria (Groupe Wegener) I l pourrait paraître incongru de parler de données dans un dossier consacré à la dérégulation postale et donc plutôt à la partie logistique de la chaîne de valeur du MD. La qualité des adresses et la préparation au niveau des BDD de la distribution postale sont aujourd'hui incontournables pour une relation client de qualité et une optimisation de la chaîne du MD. La différence majeure entre les pays où le volume de mailings est élevé et les autres n'est pas la qualité du service postal, mais la disponibilité de données de qualité sur les consommateurs et surtout le souhait du consommateur de recevoir du mailing. Beaucoup de Postes en Europe ont investi sur la création et le traitement des données. Les plus connues sont Deutsche Post et TPG qui ont des filiales spécialisées sur l'ensemble de la chaîne du MD. Mais beaucoup d'autres Postes investissent sur ce secteur : la Poste danoise a créé un fichier comportemental, la Poste anglaise a créé un fichier de préférence des consommateurs, The Preference Service. La Poste française a aussi beaucoup investi pour la qualité des adresses et donc l'amélioration de la distribution et de la relation client (Tem'post et le contrôle de qualité Eva / Alliage et le traitement informatisé des retours postaux, les services du SNA) mais également sur l'amont de la chaîne (Mediapost, Asphéria, Maileva ...). Dans cette période de dérégulation et d'ouverture européenne, la stratégie des Postes sur l'investissement de l'amont de la chaîne du MD et en particulier le secteur des données comporte trois scénarios : - L'intégration verticale avec le risque d'être en concurrence avec des prescripteurs potentiels (fournisseur de fichiers / routeurs..), - La concentration sur son métier de base et des accords avec les acteurs amont du marché, - Un mix des deux scénarios précédents avec la création d'une filiale qui a les mêmes avantages ou contraintes que les autres acteurs du marché amont. Bien sûr, les distributeurs alternatifs ont bien compris l'intérêt de la gestion des données. Par exemple, en France, on peut citer le cas d'Adrexo. Il est clair que l'ouverture à la concurrence de la distribution postale aura un impact fort sur les métiers traditionnels de la gestion de données. Les acteurs qui se seront préparés en gérant le lien entre les deux secteurs pourront satisfaire les besoins des annonceurs à ce moment là et profiter de l'augmentation de volume du MD que cela devrait nécessairement engendrer.