Téléphonie : l'abonné au coeur de la bataille
La fidélisation de la clientèle grand public est devenue un axe prioritaire pour les opérateurs téléphoniques. Car il ne suffit pas de recruter... Une fois tombé dans l'escarcelle d'un prestataire, l'abonné téléphonique peut ensuite choisir de passer au plus offrant. Sur le marché du filaire, la concurrence est vive sur les prix. Dans l'univers du mobile, la guerre fait rage autour des services high-tech.
Mais de quelle frénésie guerrière s'emparent, depuis ces dernières années,
les opérateurs de services en télécommunications ? L'année 1998 a sonné en
Europe le glas du monopole des opérateurs sur les communications nationales et
internationales. Et, au 1er janvier prochain, France Télécom perdra son dernier
bastion monopolistique : le réseau local. Sur un marché tiré par le mobile, une
guerre d'usure sur les prix et services offerts aux particuliers s'installe
entre de nouveaux prestataires de services et les grands ténors des
télécommunications.
Jean Donadieu (Télé2)
: La radio et la télévision sont de bons supports
pour nous faire connaître. La presse magazine est l'outil de marketing qui
remonte le mieux pour l'acquisition de clients".
Pour recruter un abonné - dont le coût d'acquisition en France est trois fois
plus élevé qu'en Italie -, les opérateurs rivalisent de supports de
communication : annonces en presse écrite magazine, campagne télévision et
radio, affichage, courriers personnalisés, mailings groupés, télémarketing,
etc. Peu d'entre eux ont une démarche originale. Télé 2 (1,8 million d'abonnés
en téléphone fixe), filiale française du suédois Kinnevik, qui a pris
l'engagement dès son arrivée en France en mars 1999 d'être le moins cher du
marché en téléphonie fixe, investit dans des spots infomercials éducatifs sur
les chaînes de télévision (TF1, France 2, France 3, M6, Canal+, la Cinquième) :
20, 30 et 45 secondes en journée ou le week-end. « La radio et la télévision
sont de bons supports pour nous faire connaître. La presse magazine est l'outil
de marketing qui remonte le mieux pour l'acquisition de clients », observe Jean
Donadieu, directeur marketing de Télé 2. Chaque semaine, l'opérateur achète son
espace dans les pages d'une trentaine de titres. Même son de cloche chez First
Telecom, un opérateur de services en téléphonie fixe (50 000 comptes
téléphoniques en 1999) et en cartes prépayées, qui a consacré l'an dernier 70 %
de son budget de communication et de marketing à la presse. « Nous avons
abandonné cette année les supports télévision et radio pour se concentrer sur
la presse magazine », assure Sophie Tomasini, directeur marketing et
communication. Un constat non partagé par One.Tel (290 000 abonnés en fixe), un
opérateur alternatif installé en France depuis 1998 et dont le budget
communication média - hors marketing - se monte pour l'année fiscale à 40
millions de francs : « La télévision est le support médiatique qui remonte le
mieux, l'effet est immédiat avec le Numéro Vert », note Anthony Ravau,
responsable marketing. Chez Cegetel, qui placarde ses lettres et son chiffre 7
dans 60 % des magazines français, « on teste des médias tels qu'Internet, les
mailings, la radio. En téléphonie mobile, le tiercé gagnant est la télévision,
le mailing et la presse avec des accélérateurs variables. Les spots télévisés
de 45 secondes organisés autour d'un Numéro Vert génèrent des appels dans les
dix minutes », note Vincent Géry, directeur marketing SFR Grand Public. Cegetel
signe sa présence sur le marché de la téléphonie fixe et mobile par une double
stratégie de communication bien différenciée. Dans chaque cas, la marque
ombrelle (SFR pour le mobile et le 7 pour le fixe) est mise en avant dans les
campagnes publicitaires. La cohérence du groupe Cegetel est finement résumée
dans le slogan SFR (ou le 7) : "Une marque de Cegetel". SFR, qui compte 8,5
millions d'abonnés, a construit une image forte autour de la dimension
relationnelle que l'opérateur fait systématiquement ressortir dans sa
communication, renforçant cette image de notoriété dans des opérations de
sponsoring d'événements sportifs, artistiques ou musicaux. Bouygues Telecom
colle à son identité le son digital haute résolution, ses forfaits sans
engagement, ainsi que ses cartes prépayées et se désigne comme le spécialiste
du "sans engagement".
MARKETING DE MASSE OU DE NICHE ?
Fait majeur, les annonceurs multiplient leurs messages par des
mises en scène en cascade. La publicité comparative télévisée de One.Tel sur
les tarifs de France Télécom est reprise sur des affiches dans le métro
parisien. L'offre mobile Ola de France Télécom a été déclinée sous la forme de
trois spots télévisuels puis relayée par une campagne d'affichage à la fin de
l'an dernier. Le Web ? Depuis le début de cette année, le passage de 82
bannières en téléphonie fixe et 78 en mobile a été enregistré sur la Toile,
France Télécom, Cegetel et Bouygues Telecom étant les plus gros annonceurs.
Mais le succès au bout de la ligne n'est pas fulgurant. « Le Web n'est pas un
canal majeur d'acquisition des clients », rapporte Jean Donadieu chez Télé 2,
annonceur sur les sites de Yahoo et de Multimania. L'expérience sur des sites
comme Pariscope amène à la même conclusion First Telecom : « La bannière
publicitaire en ligne n'est pas à son apogée », confirme Sophie Tomasini. Quid
du mailing ? « Nous faisons des tentatives en louant des fichiers. Les
résultats n'ont pas été satisfaisants », indique-t-on chez One.Tel. La formule
de recrutement a ses limites ! « Nous ne louons pas de fichiers pour des
questions de rentabilité », observe Jean Donadieu. En revanche, First Telecom,
dont la clientèle est ciblée à l'international, relance beaucoup ses prospects
à coups de mailings, qui reprennent leurs messages de communication dans la
presse écrite : « même si le potentiel de clients dans les fichiers que nous
louons est petit, nous visons les gros consommateurs », souligne Sophie
Tomasini. Armée d'une base de données de 350 items, constamment enrichie, «
Cegetel disposera à la fin de l'année d'un datawarehouse de plus de 10 millions
de clients », révèle Vincent Géry. Depuis le lancement du 7 de Cegetel, en
janvier 1998, qui a donné lieu à l'ouverture de plus de 2 millions de lignes,
l'opérateur a testé 200 fichiers déclarés à la Cnil. « Nous utilisons des
mégabases de données comportementales disponibles sur le marché pour lancer des
mailings très ciblés vers le particulier : âge, usage du téléphone, ancienneté
de l'appareil utilisé, fidélité à l'opérateur... », poursuit-il. Marketing de
masse, de niche ? Les opérateurs jouent sur les deux tableaux. Le prospect de
plus en plus mobile - à l'image de son portable - est aussi de moins en moins
niché. Le mobile devient un accessoire vestimentaire qui se porte à tout âge,
il est aussi le symbole de reconnaissance sociale et d'appartenance à un groupe
chez les adolescents. Les femmes l'ont adopté pour ses qualités : autonomie,
commodité et fiabilité. La démocratisation du produit aidant, les opérateurs
cherchent de plus en plus à affiner un marketing de masse individualisé, tout
en ciblant des niches de marché : Essentiel de SFR pour les femmes, Mobicarte
de France Télécom Mobiles ou Nomad de Bouygues pour les jeunes, etc. Autre
outil de conquête : le parrainage. Très couru sur le marché de la téléphonie
mobile, le procédé paye en retour : « 30 % de nos nouveaux clients sont
parrainés », indique Sophie Tomasini chez First Telecom. Car un prospect
parrainé est toujours un parrain potentiel qui sera utilement récompensé.
LA FIDÉLISATION À PORTÉE DE PLUME ET DE FIL
Agressif
dans sa politique de marketing, One.Tel s'est distingué ces trois derniers mois
sur le petit écran par une première campagne de publicité comparative avec plus
de 400 spots. L'objectif ? L'appel immédiat du Numéro Vert derrière le passage
d'un film de 30 secondes qui met en scène un abonné en conversation avec un
ami. Le constat inscrit aux compteurs de deux opérateurs - France Télécom et
One.tel - établit l'écart des tarifications appliquées sur le national à la
faveur de l'opérateur alternatif. « La publicité comparative est le meilleur
moyen d'informer les consommateurs sur leur possibilité de faire de réelles
économies », assure Anthony Ravau. Le spot est décliné en quatre versions avec
un focus sur les tarifs nationaux et internationaux à destination notamment du
Royaume-Uni, de l'Allemagne et des Etats-Unis. Plus original, le co-branding
permet d'adosser son offre d'appel à la marque de celle d'un constructeur ou
d'un prestataire de services. Cette technique de marketing cible le "branché
télécom", accro des dernières technologies commercialisées. L'avantage ? Chaque
partenaire capitalise sur la notoriété et sur le fichier clients de l'autre.
Itinéris et Nokia, Bouygues Telecom et Nortel Networks, SFR et Alcatel... en
sont des adeptes. Densité des outils de marketing, des offres véhiculées, des
formulaires tarifaires... Matraqué, le client tombe dans l'escarcelle d'un
opérateur pour 1 jour, 1 an, 18 mois... puis zappe d'un plus offrant à l'autre.
Sur le marché européen des mobiles, le taux de résiliation des abonnements
avoisine les 30 %. En France, un abonné change d'opérateur en moyenne tous les
18 mois. Qu'en sera-t-il lorsqu'une directive européenne rendra propriétaire de
son numéro d'appel tout abonné téléphonique ? D'ores et déjà, les opérateurs
sortent l'artillerie de rétention : centres d'appels - en douze langues chez
First Telecom -, newsletters et magazines périodiques, messages informatifs et
éducatifs encartés dans les factures, mailings personnalisés, clubs (SFR,
Itinéris) « Les SMS (short message system) et les VMS (vocal message system)
sont bien adaptés pour des promotions, des questionnaires, des jeux, des
messages relationnels », souligne Pierre Désangles, directeur général de
l'agence de marketing relationnel Rapp Collins, qui gère le programme de
fidélisation Idylo pour Bouygues Telecom. La palme de la performance dans les
outils de fidélisation revient cependant à la traditionnelle plume et au simple
coup de fil : « Le télémarketing donne un bon taux d'attrition », au demeurant
tenu secret chez SFR.
UNE RELATION ONE-TO-ONE
Stratégie d'accueil oblige, Cegetel mobilise son staff de téléacteurs (4 500)
pour anticiper les besoins des nouveaux clients durant les trois premiers mois
de leur abonnement. « Nous présentons au client nos produits, nos services. On
cible ses attentes souvent fortes. Puis, c'est lui qui fait remonter
l'information sur la concurrence lorsqu'on lui demande ce qu'il veut », note
Vincent Géry. Même constat chez France Télécom Mobiles : « L'effet de levier
est fort avec le téléphone où l'on est dans une relation one-to-one. Dans 35 %
des cas, une prestation de service est vendue à la clé, ce que l'on n'obtient
pas avec un mailing personnalisé pourtant moins coûteux », remarque Bruno
Dachary, responsable du programme de fidélisation chez France Télécom Mobiles,
qui totalise 12 millions d'abonnés en pré et postpaiements. L'an dernier,
l'opérateur a vu filer plus de 22 % de ses abonnés, contre une moyenne de 20 %
dans la profession. « Nous sous-traitons la mise en oeuvre de nos programmes de
fidélisation auprès d'agences de marketing relationnel », observe Bruno
Dachary. L'agence IPC gère notamment les programmes de fidélisation d'Itinéris
et de Ola. « La fidélisation est le coeur de la stratégie de l'opérateur qui va
rentrer dans une phase de marché de renouvellement plus que d'acquisition.
Avant le seuil de rupture de nos clients à 18 mois, nous leur adressons des
mailings personnalisés », souligne Isabelle Battesti, directrice générale
d'IPC. Avec ses 3 000 téléacteurs en ligne au quotidien, Bouygues Telecom,
comme les autres opérateurs, cherche à mettre au client le fil à la patte. De
son côté, Télé 2 ne se contente pas de poster 800 téléconseillers à l'autre
bout de la ligne de ses clients. Dès les premières baisses de consommation
observées, l'abonné reçoit une lettre personnalisée de relance. Intercall,
fournisseur de cartes prépayées pour la téléphonie fixe et mobile, modifie
quant à lui sa stratégie. « Nous allons fidéliser nos clients par le biais de
mailings très ciblés et d'appels téléphoniques », indique Frédérique Genicot,
responsable marketing opérationnel. Propositions de changements de terminaux,
de nouveaux services, de participations à des événements, de mise à niveaux
d'abonnements, d'information et de formation sur les produits..., tous
rivalisent d'accroches pour privilégier une relation one-to-one. « Nous mettons
en place pour le début de l'année prochaine un programme spécifique pour le
renouvellement du téléphone mobile avec une offre et un marketing direct
associé. Cette année, on aura renouvelé près d'un million de mobiles auprès de
nos clients », observe Bruno Dachary chez France Télécom Mobiles.
RESTER "BRANCHÉ"
Sur ce marché où la volatilité du
client est élevée et la concurrence sur les services plus vive que sur le
filaire, le marketing direct est dopé par les nouvelles technologies. Des lots
de services à valeur ajoutée - bouquets de services, packs d'accueil, reports
de minutes, cadeaux, offres couplées fixe/mobile, clubs, double appels,
transferts d'appels, consultations de la messagerie... font office "d'offres
d'appels". Divertissement, localisation, guidage, services bancaires,
financiers..., les services en ligne directe se multiplient. En mai dernier,
France Télécom lançait le bouquet Itinéris Services en s'appuyant sur la
technologie Wap (Wireless Application Protocol). Bouygues Telecom s'apprête à
mettre sur le marché son 6e sens. SFR commercialisera avant la fin de cette
année la technologie GPRS (General Packet Radio Service) dont les circuits de
transmission de données seront deux fois plus rapides qu'avec le GSM (Global
System Mobil). A coup sûr, de nouveaux packs surprises rempliront en cette fin
d'année les hottes des Pères Noël. L'arrivée en France des réseaux haut débit
et celle de la boucle locale radio vont révolutionner les communications
locales. Les opérateurs sont tous dans les starting blocks. « Nous
réfléchissons à une stratégie de marketing direct », note Vincent Géry. Chez
Rapp Collins, « dans le cadre du programme de fidélisation Idylo, des mailings
spécifiques sont adressés aux clients de Bouygues Telecom qui ont un profil
high-tech. Avec l'arrivée de technologies comme l'UMTS, il nous faudra très
bien évaluer la maturité technologique des clients pour adapter des actions
spécifiques à cette cible volatile », observe Pierre Désangles. First Telecom a
pris position : « Nous ferons de l'offre couplée Internet, voix, données. Nous
souhaitons un seul prestataire, une seule facture pour la téléphonie Internet,
mobile et fixe de nos clients », explique Sophie Tomasini. Dans sa course aux
parts de marché sur le fixe, Télé 2 met notamment en place un programme
Collecte. Le client collectionne des points en fonction de sa consommation avec
lesquels il peut acheter des cadeaux par correspondance : CD, sacs de voyage,
téléphones, etc.
LES TARIFS : LE NERF DE LA GUERRE
La
palette des services s'élargit pour séduire et retenir les abonnés. First
Telecom met en avant la formule du compte téléphonique prépayé, utilisable
depuis 32 pays dans le monde, avec en option le réapprovisionnement
automatique. D'autres prestataires de services proposent l'option gratuite
Présélection vers les mobiles, le réseau national et international. Exit
désormais les préfixes téléphoniques à 4 chiffres ou le 4 de Télé 2, le 7 de
Cegetel ou le 2 de One.Tel qui précèdent le numéro d'appel du correspondant !
Reste que la politique de marketing des opérateurs sur leurs tarifs est un axe
fort, voire agressif de leur politique de communication pour attirer, sinon
retenir les clients qui ont la bougeotte. Face au foisonnement des offres
tarifaires et à la baisse des prix sur les appels longue distance, chacun y va
de la gratuité de ses services (mise en service, abonnements, présélection,
offre couplée fixe/mobile de SFR), de réductions, d'annonces sur la baisse des
prix, de points de fidélité monnayables, d'offres tarifaires segmentées (heures
creuses, pleines, suivant destination) à prix unique (24 centimes 24 heures/24,
7 jours/7), voire comparative. Bref, pas une semaine ne passe sans surenchères
déroulées à grand renfort de média. France Télécom, contraint de se caler sur
ses homologues européens, annonce urbi et orbi la baisse du coût des
communications sur le national tout en s'empressant de relever le prix de ses
abonnements. La bataille concurrentielle sur les tarifs nationaux et longue
distance entre l'opérateur historique et les nouveaux entrants du marché fait
rage. « Nous sommes très réactifs sur les politiques tarifaires et il est
impossible de tirer des plans sur la comète en matière de marketing », confie
Anthony Ravau, chez One.Tel France, dont le budget communication, hors
marketing, se monte à 40 MF pour l'année fiscale 2001. Télé 2, talonné par
Cegetel, offre les tarifs les plus bas du marché tant sur le national que
l'international. L'opérateur, qui avait raflé 75 000 abonnés deux semaines
après le lancement de son offre en France, n'a pas attendu les résultats de
l'enquête Ipsos en 1999 : 56 % des Français déplorent la complexité des
facturations téléphoniques en France. « Nous communiquons sur la simplicité et
la transparence de notre offre : un tarif unique. Je ne crois pas au forfait
qui cache - derrière un message de communication très compliqué - le coût à la
minute, d'autant qu'à la fin du mois, le client ne sait pas ce qu'il va payer
», souligne Jean Donadieu. L'opérateur historique défend sa politique de
tarification : « Nos forfaits sont simples. Le foisonnement des offres sur le
marché les rend toutes complexes aux yeux du client qui perd le fil », explique
Bruno Dachary. Les communications gratuites font mouche. Télé 2 lance le
principe des journées gratuites. Le britannique First Telecom, implanté en
France depuis 1997, fait tourner en permanence sur sa base de clients deux ou
trois heures de communications offertes sur l'international. Sur le 7 de
Cegetel, les appels vers l'Europe pendant un mois et demi ouvrent droit à une
réduction de 15 %. D'ailleurs, mieux vaut s'adonner chez eux aux comptes
d'apothicaires ! : « Nous poussons nos clients à comparer les prix », note
Vincent Géry. « Chez Bouygues Telecom, la stratégie est plus de valoriser la
marque et les prestations de services que de pratiquer une politique de
tarification agressive. L'offre promotionnelle n'est d'ailleurs pas
systématisée dans la relation avec le client », assure Pierre Désangles. Et
dans ce maelström de surenchères qui approche de ses limites, les opérateurs
passent sous silence les astuces et trucs qui leur permettent de préserver
leurs marges. Nul n'ignore la précieuse manne qu'ils retirent des crédits temps
(durée minimale comptabilisée par appel) qui, selon les destinations, gonflent
les factures de 3 à 50 %. Que dire des appels entrants des postes fixes vers
les mobiles fixés en toute liberté par les opérateurs mobiles ! Ils dépassent
parfois certains coûts de communications à l'international, et, selon l'ART
(Agence pour la Régulation des Télécommunications), environ un tiers du chiffre
d'affaires des opérateurs mobiles est réalisé avec les appels entrants. «
Certes, ce trafic est rémunérateur ! A la demande l'ART, il y aura probablement
une baisse de ces coûts d'ici à la fin de cette année », indique-t-on chez
France Télécom Mobiles. Le rendez-vous est pris.
Qui sont les adeptes du mobile ?
Les artisans et les commerçants détiennent près d'un quart des téléphones portables en France, suivis des cadres et des employés. Les jeunes et moins jeunes ont adopté le mobile. Quelques niches restent très prisées de certains opérateurs : SFR avec son produit Entrée Libre ou Mobicarte chez France Télécom pour les jeunes adultes. Les adolescents reçoivent également un traitement marketing de faveur chez les deux opérateurs, mais c'est surtout les cartes prépayées qui rencontrent un franc succès auprès des jeunes nomades et des étrangers. Les couleurs séduisent également les jeunes et des constructeurs comme Alcatel, Siemens ou Nokia déclinent leurs terminaux dans plusieurs versions aux tons acidulés tout en s'adossant aux grands opérateurs. Les femmes ont résolument opté pour l'autonomie, la fiabilité et l'ergonomie des combinés téléphoniques dont SFR fait notamment l'éloge avec son pack Essentiel. Dès lors que la performance technologique associe ces qualités, le téléphone portable devient pour la gente féminine un véritable outil de gestion. Est-on plus nomade en France qu'en Italie ? Non. Au 1er janvier 2000, les Français arrivaient seulement au quatrième rang des abonnés (environ 20 millions) derrière les Italiens (30 millions), les Britanniques (moins de 25 millions) et les Allemands (autour de 23 millions). Les Espagnols (15 millions) et les Hollandais (près de 6 millions) ne sauraient être, pour autant, taxés de sédentaires.
Prix unique ou offre segmentée
Sur le marché de la téléphonie fixe, la majorité des opérateurs ont opté pour une offre segmentée de leurs services en établissant une grille de tarifs selon des critères comportementaux de l'abonné : appels en heures creuses, pleines, en zone nationale, internationale, depuis ou vers un mobile etc. L'intérêt de l'offre segmentée ? L'opérateur cible mieux sa clientèle et peut être à même de lancer au coup par coup des produits d'appels pour sensibiliser le client dans ses habitudes sur un segment de marché compétitif tout en restant plus cher que ses concurrents sur les autres segments. Il devient alors facile d'occulter ou de maquiller sa politique tarifaire en l'habillant d'offres complexes : remises, cadeaux, primes, subventions d'un appareil, etc. Reste au consommateur à distinguer le bon grain de l'ivraie, le prix facial par minute du coût réel d'un appel... En somme, une addition de calculs inextricables ! Une telle stratégie tarifaire enferme l'opérateur dans une politique de marketing complexe et le contraint à dimensionner son réseau à la périodicité et à la durée des appels comptabilisés. De plus, selon un sondage de la Sofres réalisé en 1999, 56 % des Français jugent la tarification du téléphone trop compliquée. Une mesure que n'a pas attendue Télé 2 pour communiquer sur la simplicité et la transparence de son tarif unique : 24 centimes la minute 24 heures/24 7 jours/7. Certes, le signal marketing est fort et l'opérateur peut effectuer un lissage des consommations sur la journée entière mais il garde une faible marge de manoeuvre pour modifier ses tarifs. Et, pour le consommateur, la facture - aussi simple et transparente soit elle ! - ne peut être modulée en fonction de ses besoins réels de consommation. Sur le marché du mobile, les opérateurs adoptent généralement une politique tarifaire unique, sauf à l'international. Un forfait - qui pourra être dépassé - est défini par avance pour les consommations qu'elles soient à destination locale, nationale ou vers d'autres mobiles. Ce système corrigé par le florissant marché des cartes prépayées assure aux opérateurs des revenus stables.
La carte prépayée, une stratégie à l'international
Les cartes prépayées représentaient 40 % du parc français d'abonnés au téléphone mobile à la fin du premier semestre 2000. Utilisées depuis le domicile ou d'un poste fixe, elles offriraient à l'utilisateur un gain de 10 à 70 % des tarifs pratiqués par France Télécom à l'international. Elles constituent une niche de marché : jeunes de 15 à 25 ans, seniors, vacanciers, populations étrangères et en déplacement... qui tend à s'élargir. Pour court-circuiter l'anonymat de cette formule de paiement et fidéliser leurs clients, les opérateurs alternatifs "achètent" de plus en plus souvent l'identité de leurs clients à coups de crédits de consommation. Chaque carte ouvre droit à une durée de consommation définie par sa valeur faciale - de 50 à 200 francs - et sa durée qui sont variables. Des prestataires de services ont emboîté le pas à France Télécom, SFR et Bouygues très présents sur cette niche de marché. L'opérateur britannique First Telecom, implanté en France depuis 1997, vend chaque année 1 million de cartes prépayées. Son concurrent, Intercall, adossé à Bouygues Telecom, s'est fortement positionné sur ce segment de marché et vise une clientèle large après avoir initié son produit auprès de populations étrangères. Son objectif : mieux référencer ses clients, les fidéliser et dégager une stratégie d'approche des wapers de demain.