Secrets de fabrication
Lors de l'élaboration d'un mailing, la partie fabrication, appelée aussi production, est primordiale. Les services fabrication des agences doivent gérer, planifier et contrôler toute une série d'étapes qui vont de la gravure au routage en passant par la personnalisation, l'impression et la mise sous pli. C'est en raison de la complexité de cette chaîne de production que les chefs de fabrication seniors, capables de la maîtriser de bout en bout, sont une denrée rare et recherchée.
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En marketing direct, la partie fabrication est prépondérante. A la
différence de la publicité, pour laquelle création et concept sont
déterminants, le mailing est avant tout un objet destiné à créer des revenus.
Prospection de nouveaux clients, fidélisation des clients existants, création
de trafic dans les réseaux de vente : le courrier adressé a de nombreux usages.
Mais cet objet usuel, voire anodin, est en fait très complexe à fabriquer. Les
services fabrication, appelés parfois "production", doivent désormais intégrer
de nombreuses contraintes. Physiques : comment faire rentrer dans une enveloppe
normale des dépliants, des objets promotionnels, des bons de réduction à
découper, le tout en s'assurant que noms et adresses sont bien positionnés dans
la fenêtre ? Relationnelles : comment ramener les créatifs à la réalité du
budget, tout en trouvant les astuces capables de matérialiser leurs idées ?
Ces tâches et d'autres, comme l'achat des fournitures ou le suivi chez
l'imprimeur, puis le routeur, font partie des missions des services fabrication
des agences. Ils ont ainsi en charge la réalisation de tous les documents :
enveloppe, lettre, dépliants. C'est une responsabilité considérable : le coût
total d'une grosse opération, y compris l'affranchissement, peut vite atteindre
des centaines de milliers d'euros. « Nous prenons des risques financiers tous
les jours », rappelle justement Michelle Grellard, directrice de production
chez Rapp Collins (groupe DDB). En effet, une erreur bénigne, comme la
disparition d'un élément visuel lors d'un transfert de fichier numérique ou un
défaut de vérification dans le fichier adresses, et ce sont des palettes
entières de documents qu'il faut envoyer au pilon. Avant d'être à nouveau en
mesure de relancer l'impression, opération onéreuse. Dans les agences de
marketing opérationnel, tous les services fabrication ont des anecdotes à ce
sujet. Bien sûr, ils n'évoquent que les bourdes rattrapées, parfois in
extremis. Mais le danger est réel. C'est pourquoi, dans les agences, la partie
fabrication fait l'objet de toutes les attentions. Celles-ci se sont
structurées différemment, selon leur taille et les stratégies de groupe.
Certaines ont choisi de créer des entités chargées de centraliser la
fabrication et les achats de fournitures de leurs filiales publicité, édition
et marketing. C'est le cas chez Euro RSCG avec Prod's, ou chez TBWA avec
Question d'Edition. Mais également au sein de structures plus petites, comme
dans le groupe nordiste DPS, qui a créé CPG (Centrale de production graphique)
pour assurer la fabrication de ses différents pôles. D'autres services de
production ne travaillent que pour l'agence de marketing opérationnel du
groupe. Mais toutes les agences qui s'occupent de marketing relationnel ont
formé de véritables services de production, avec responsable de service, chefs
de fabrication seniors et parfois juniors. En moyenne, ces cellules comptent
environ une dizaine de personnes, comme c'est le cas chez Prod's, Question
d'Edition, Wunderman ou Rapp Collins.
Trouver l'oiseau rare
Les agences de taille plus modeste embauchent en général un
chef de fabrication senior, qui prend en charge l'ensemble de la chaîne
graphique, ainsi que les relations avec les prestataires. Baxbé, par exemple,
n'a pour l'instant aucun poste de chef de fabrication. Cette agence de seize
personnes a été créée par un binôme directeur commercial/directrice de
création. Joëlle Touitou, cofondatrice et chargée de la création, cherche
aujourd'hui à recruter un chef de fab senior : « Nous nous sommes souvent posé
la question, mais nous n'avions pas le volume d'achats suffisant. Nous avons
choisi des commerciaux avec un profil de producteur. Ils aiment acheter, être
en relation avec les fournisseurs, les industriels du papier. Aujourd'hui, je
voudrais créer un vrai département fabrication, pas un simple économat. » Mais
un bon chef de fab en marketing direct n'est pas une denrée très répandue. Cet
oiseau rare doit connaître les techniques du marketing direct, le
fonctionnement des agences et la psychologie des créatifs, bref, être une sorte
de « magicien », selon le terme employé par Joëlle Touitou. Or, ce qui est
rare est bien évidemment cher, et ce profil a son prix : de 3 à 3 800 euros par
mois (voir encadré). Une solution moins onéreuse peut alors être le recours à
des free lance. Mais, pour la directrice de création de Baxbé, « ils n'ont pas
l'implication nécessaire ». Ses essais de collaboration avec des "free", comme
on dit en agence, ne se sont pas révélés fructueux. Le futur chef de fab devra
écrire le cahier des charges, "short lister" les fournisseurs (trois
imprimeurs, trois rotativistes, deux routeurs), s'assurer de la qualité des
produits, tenir les délais, effectuer le suivi chez les prestataires. Cette
perle rare devra aussi participer à la phase créative en apportant des idées.
Déjà, l'agence a mis au point une série de procédures visant à contrôler toutes
les étapes de la chaîne : exécution, gravure, impression. Pour arriver au zéro
défaut, c'est-à-dire aucune réimpression dans l'année. Il arrive que l'agence
ne gère pas la fabrication pour son client, qui dispose déjà de sa propre
centrale d'achats et de ses prestataires, comme, par exemple, chez Citroën. Ce
qui n'empêche pas Baxbé d'appliquer ses processus au fournisseur. Parfois,
l'agence parisienne assure un suivi de production, rémunéré comme tel.
L'arrivée souhaitée d'un chef de fabrication permettrait également à l'agence
de redéfinir la mission des commerciaux, qui pourraient ainsi assurer une
veille marketing et se montrer plus "proactifs" sur les budgets.
Assurer la coordination entre les prestataires
Avec ses
23 personnes, dont deux affectées à la fabrication, Nouveau Siècle est une
autre agence de taille moyenne, qui se présente comme "strategy driven" :
« Notre réflexion
remonte très en amont, jusqu'à la nature de la relation de la marque avec son
client. Cela conditionne le niveau de qualité de l'image et donc les outils »,
estime Yannick Grelot, son P-dg. Un directeur de production et un responsable
de production assurent donc la partie fabrication pour les clients de Nouveau
Siècle. Ceux-ci font des opérations moins volumineuses qu'en vente à distance,
mais plus sophistiquées. C'est pourquoi le P-dg de l'agence a cherché des
profils issus du marketing direct, mais aussi de l'édition, capables de
travailler sur des produits complexes. « Kookaï cherchait un matériau en phase
avec le design de ses boutiques, fondé sur la transparence. Nous avons ainsi
créé la première carte transparente et personnalisable », raconte Yannick
Grelot. Deux cas de figure peuvent se présenter. Soit l'agence exerce un rôle
de conseil, l'annonceur disposant de son propre bureau de fabrication qui
choisit les fournisseurs, exécute et produit. Soit Nouveau Siècle assure la
production de bout en bout. Cette chaîne se décompose en cinq éléments : la
création conçoit l'opération. Un cahier des charges techniques est mis au point
avec le commercial. Créatifs et commerciaux le valident. L'étape suivante
consiste à trouver les bons fournisseurs, au bon moment, selon trois paramètres
: prix, qualité, fiabilité. Dernier stade : le suivi. « Pour un mailing, il
faut assurer la coordination entre les différents prestataires : imprimeur,
façonnier, routeur. Le chef de fab doit donc être responsable », insiste
Yannick Grelot. Comme certains groupes de communication parisiens, la
structure nordiste DPS a créé une filiale chargée de la production. CPG (pour
Centrale de production graphique) s'occupe de la fabrication pour les agences
du pôle proximité (Monebak et Agenc'e) et communication de marque (DPS
Conseil).
Cette décision a
été prise pour deux raisons principales, selon Frédéric Clipet, P-dg de DPS : «
Tout d'abord, pour une maîtrise des coûts. En isolant l'exécution, nous pouvons
mieux l'évaluer. Ensuite, par volonté de réactivité. Nos clients distributeurs,
comme Saint-Maclou, émettent beaucoup de prospectus. Si la création est capable
de réagir vite, il faut aussi que la production suive. »
Des remarques de bon sens
Pour professionnaliser ce poste fabrication,
DPS a donc décidé de créer une structure ad hoc, dirigée par un responsable
intéressé aux résultats. CPG est composée d'un responsable de fabrication, de
cinq personnes chargées de l'exécution et de la PAO et d'un chromiste. Ces
profils sont issus d'agences de marketing direct ou de studios d'exécution. En
dehors des pôles proximité et conseil, CPG peut également assurer des missions
pour des sociétés qui ne sont pas clientes de Monebak ou Agenc'e, par exemple,
en réalisant les fiches conseil de Castorama. Frédéric Clipet estime qu'à
l'avenir, la part de la fabrication et de l'exécution gérée par les agences va
baisser : « En ce qui concerne l'impression, par exemple, les clients à forte
volumétrie nous la confient moins. » La centrale s'occupe rarement des achats
de fournitures pour ses clients annonceurs, mais peut assurer une prestation de
suivi et de vérification, qui sera alors rémunérée à part. Chez Wunderman
(groupe Young & Rubicam), le service fabrication est composé de neuf personnes,
plus deux studios d'exécution intégrés. L'équipe, entièrement féminine,
comprend sept seniors et deux juniors. Les profils sont plus orientés vers la
production que la fabrication au sens étroit du terme. Ce travail inclut une
collaboration en amont avec les créatifs, les commerciaux et les spécialistes
des bases de données.
« Nous ne sommes
pas des chefs de fab purs et durs », estime Aline Burlisson, directrice du
service production. Elle s'est adjoint des personnes rodées aux techniques du
marketing direct et connaissant tous les "trucs" de la fab. La chaîne de
fabrication chez Wunderman suit un planning en cinq étapes. Tout part du brief
créatif. La productrice y assiste afin d'appréhender la teneur du chantier et
glisser quelques remarques de bon sens sur les délais et le budget. Deuxième
phase : le "plan's board". « Grâce aux premiers croquis, nous voyons à quoi va
ressembler le document, précise Aline Burlisson. Notre rôle est alors
d'apporter au créatif des astuces qu'il ne connaît pas. » Troisième stade : le
bouclage. Le projet est définitif, il faut affiner les estimations budgétaires,
créer les maquettes finales et établir la recommandation. Quatrième période :
la "pré-prod". Le service production se réunit et cale les détails : ultimes
modifications, quantité, établissement du devis finalisé, avec appel d'offres
et planning de l'opération. La cinquième et dernière phase met en branle la
chaîne graphique : gravure, impression (avec contrôle qualité),
personnalisation (vérification du fichier adresses) et enfin routage. Mais
cette multiplication des maillons peut fragiliser la chaîne. « Si vous
travaillez sur une opération avec quatre imprimeurs - un par document -, un
personnalisateur, un graveur et un routeur, cela fait sept problèmes éventuels,
sept possibilités d'erreurs », avertit Aline Burlisson.
L'obsession du contrôle à toutes les étapes
Cette
obsession du contrôle, partagée par toutes les agences interrogées, est simple
à comprendre : une erreur dans un mailing a un impact financier immédiat.
Savoir gérer le stress serait donc une des qualités essentielles du chef de fab
chevronné (voir encadré). D'ailleurs, les professionnels rencontrés sont des
personnes à la fois pondérées et énergiques. Un mélange particulier, dans
lequel on distingue une bonne part de détermination, une grosse pincée de
curiosité et un zeste d'humour. C'est le cas pour le duo de chefs de
fabrication de Tequila, Vida Grach et Patrick Kronovsek. Ils sont délégués dans
l'agence de marketing relationnel par Question d'Edition, la structure de
production du groupe TBWA.
« La création de
ces centrales est une tendance en ce moment. A la base, on trouve la loi Sapin
et le besoin de transparence. Mais c'est aussi un moyen pour les groupes de
montrer leur puissance », analyse Patrick Kronovsek. Les deux chefs de fab
étaient déjà dans le groupe lorsque la centrale a été créée en 1998 : lui chez
Tequila, alors agence de promotion, et Vida Grach chez Messages Direct, la
filiale marketing direct. En février 1998, ils intègrent Question d'Edition,
mais restent physiquement dans les locaux de Tequila. Le binôme de production
évoque, lui aussi, un planning en cinq étapes avant le lancement de la
fabrication proprement dite.
« C'est le pôle
réalisation, composé d'une douzaine de personnes, qui réalise l'exécution, la
maquette, le graphisme », détaille Vida Grach.
Avoir du tempérament, savoir s'imposer
Comme son collègue, elle insiste sur
leur rôle de vérification, à toutes les étapes de la chaîne de fabrication du
mailing. Par exemple, la gravure doit être validée par plusieurs personnes :
directeur artistique, concepteur rédacteur, chef de fab. Un cromalin (épreuve
de contrôle de photogravure qui comporte les textes, photos et illustrations)
est édité afin de valider la chromie (la qualité des couleurs). Les éléments
envoyés à l'imprimeur (croma-lin ou fichier informatique, selon qu'il est
équipé ou non en CTP - procédé de gravure directe des plaques offset à partir
des fichiers numériques), font l'objet d'une épreuve de contrôle. « Il ne faut
jamais oublier une étape de vérification, martèle Vida Grach. Pour éviter les
litiges, surtout en cas de gros tirage, certains fichiers numériques peuvent
être "encapsulés", c'est-à-dire que l'on ne peut plus les retoucher. » Mais
cette sécurité pose parfois problème car ces fichiers ne sont pas tous
utilisables sur l'ensemble des machines. « En cinq couleurs, par exemple, c'est
impossible. Nous préférons les fichiers natifs sur lesquels nous pouvons
intervenir jusqu'au dernier moment », explique Patrick Kronovsek. Lors d'une
opération de marketing direct, Tequila peut être amenée à gérer pour son client
la totalité de la production, ou bien jouer un rôle de maître d'oeuvre auprès
des prestataires choisis par l'annonceur avec suivi (rémunéré) des opérations.
« En laissant aller les choses, on ne peut pas tenir les délais », rappelle
Vida Grach, qui insiste sur la fermeté, trait de caractère indispensable pour
un chef de fab. Michelle Grellard, directrice de production chez Rapp Colins
(groupe DDB), partage cet avis : « Nous sommes confrontés à un grand nombre
d'interlocuteurs, toute la journée. Il faut avoir beaucoup de tempérament,
savoir s'imposer. »
Les structures intégrées ont-elles un avenir ?
Chez Rapp Collins, la production est composée de quatre chefs de
fab, trois seniors et un junior, et de cinq personnes du studio d'exécution
intégré. Là encore, c'est une méthodologie en cinq mouvements qui est pratiquée
(voir encadré). Avec toujours cette exigence de vérification. Pourtant, malgré
cette vigilance revendiquée, certaines erreurs peuvent échapper à tous les
intervenants. Une "galère" que les services fabrication doivent gérer. « Un
client pour qui nous assurions la fabrication nous a demandé de "toper" les
doublons de ses adresses. Nous avons refusé. Les BAT sont revenus, nous les
avons vérifiés, le client aussi. Les 500 000 exemplaires ont été distribués sur
Paris. Très vite, les bureaux de Poste parisiens nous ont contacté : nos
mailings remontaient en masse en NPAI (N'habite pas à l'adresse indiquée). Un
bug dans le fichier en phase de dédoublonnage (action de détection et
d'élimination des adresses en double, ou plus, dans un fichier) avait ajouté le
chiffre 18 à tous les numéros de rue ! », relate Michelle Grellard. Cette
bévue, rare mais possible, a été réparée grâce à l'honnêteté du prestataire qui
a reconnu son erreur et pris en charge la réimpression. Mais cet incident
aurait pu coûter très cher à l'agence et à son client. Attaquées de toutes
parts, côté conseil par les cabinets de consultants en CRM, côté création par
les free-lance et côté production par les bureaux de fabrication et les
imprimeurs, les agences pourront-elles longtemps conserver leurs propres
structures de fabrication ? Yannick Grelot n'est pas très optimiste : « Pour
rester crédible, il nous faut absolument conserver les parties création et
conseil. Mais la production risque d'être de moins en moins intégrée en agence,
au profit des régies déléguées ou des services internes des annonceurs. »
Verdict tempéré par Michelle Grellard, qui remet le chef de fab au coeur du
dispositif de production : « La fabrication est un métier à part entière. On ne
s'improvise pas responsable de production, le commercial ne peut pas tout
faire. »
Le prix d'un chef de fab
Un bon chef de fabrication senior en marketing relationnel est un oiseau rare. Les agences qui n'ont pas le temps ou la capacité de former des juniors doivent s'attacher les services de professionnels immédiatement opérationnels. Mais, pour ce faire, elles doivent mettre la main au portefeuille car un bon chef de fab a un prix. De l'avis général, un salaire mensuel de 2 700 euros est un minimum, la moyenne s'établissant plutôt autour de 3 000 euros. Un senior confirmé et rompu aux techniques de son métier peut demander jusqu'à 4 000 euros. Un junior pèse moins dans la masse salariale de l'agence, avec des salaires compris entre 1 500 et 2 000 euros. Mais il faut pouvoir le former, ce qui demande souvent plusieurs années.
Le Top 5 des qualités d'un chef de fab
Nicolas Ahond, chef de fabrication chez Prod's : 1 Connaître parfaitement la chaîne graphique, de même que la personnalisation et le routage. 2 Savoir gérer le planning et les délais. 3 Etre débrouillard. 4 Servir de garde-fou (vis-à-vis des créatifs et des commerciaux). 5 Etre responsable. Aline Burlisson, directrice du service production chez Wunderman : 1 Une expertise technique. 2 Un potentiel d'adaptabilité. 3 Une capacité à établir des priorités. 4 Un contact relationnel. 5 Etre un gestionnaire.
Chef de fabrication : le profil idéal
Métier complexe, la fabrication en agence de marketing relationnel demande des qualités nombreuses et variées. Le chef de fab doit savoir acheter, négocier, résister aux pressions (des clients comme des commerciaux et des créatifs de son agence), trouver des stratagèmes pour rester dans le budget, se tenir au courant des nouveautés en matière d'encres, de matériaux, de technologies d'impression. « C'est un couteau suisse, il doit savoir tout faire », estime Michelle Grellard, responsable du service fabrication de Rapp Collins. Last but not least, il (ou plutôt elle, car la profession est très féminine) doit parfois être disponible à des horaires peu compatibles avec la vie familiale « Il m'est arrivée d'aller chez l'imprimeur pour assister à un calage machine (1) à 3 heures du matin », rappelle Aline Burlisson, directrice du service production de Wunderman. (1) Calage : étape dans le processus d'impression qui consiste à fixer la plaque offset sur le cylindre, vérifier l'encrage, ainsi que le mouillage (dosage eau/encre) et le repérage du point de trame (source : glmc imprimerie).
Un appel d'offres systématique
Les agences travaillent avec des pools de prestataires par spécialité : gravure, impression, personnalisation, routage. Malgré cette présélection, il est une pratique unanimement partagée : l'appel d'offres systématique. En effet, le poste prix est essentiel dans une opération de marketing direct, même dans les campagnes haut de gamme. Il faut donc toujours chercher le mieux disant, tout en s'assurant de la qualité des prestations offertes. « Si nous avons un souci avec un prestataire, notre collaboration restera de l'ordre du one shot », avertit Michelle Grellard chez Rapp Collins. Parfois, l'annonceur impose son imprimeur, et l'agence doit alors affirmer son autorité pour lui appliquer ses propres critères, plus ou moins perfectionnistes. Récemment, certaines entreprises, comme Air France, ont mis en place un système d'enchères inversées. L'annonceur décrit son besoin et les fournisseurs proposent leur devis. Libre à eux de "sous-enchérir" pour remporter le contrat. Mais cette méthode comporte un risque : provoquer une guerre des prix qui fera des victimes parmi les industriels que sont les imprimeurs ou les routeurs. Et si le nombre des prestataires se réduit, jouer sur l'effet concurrentiel sera à nouveau plus difficile.
Une opération dans le détail
Michelle Grellard, directrice de production chez Rapp Collins, détaille les étapes de fabrication de la dernière campagne Nivea.
1 Exécution
L'agence détermine un format d'enveloppe agréé par La Poste, fait une sortie couleur à plat, met en place le logo et les visuels (basse définition), les traits de coupe pour les pliages, la mise en couleur et la typographie. « Pour ce mailing, nous avions deux modèles de lettres à réaliser et trois préexistants », indique Michelle Grellard.
2 Photogravure
Le studio crée un fichier haute définition, et sort un cromalin ou un fichier numérique sous forme de CD. « On y intègre les visuels retouchés. »
3 Impression
Un BAT (bon à tirer) est édité et vérifié, un contrôle sur machine effectué. « En cas de gros problème, on arrête tout et on modifie. Le numérique fait gagner du temps, mais il peut y avoir des bugs. »
4 Personnalisation
Le fichier adresses du client (750 000 exemplaires pour Nivea) est envoyé chez un prestataire spécialisé chargé de l'analyser. « Il réalise un programme en fonction du brief de l'annonceur. ».
5 Routage
Le routeur reçoit lui aussi un brief (22 pages dans cet exemple), pour visualiser tous les documents. Ici : deux versions de la newsletter, sept versions de lettres, cinq versions d'enveloppes. « Entre le début de l'opération et la date de dépôt à La Poste, il s'est écoulé un mois. »