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Restaurer la confiance

Conséquence d'un contexte économique dégradé, la relation entre agences et annonceurs s'est tendue. Les campagnes one shot se développant, il devient difficile, pour les agences, de fidéliser leurs clients. Cette tendance s'accompagne d'une perte de confiance. Entre reproche et incompréhension, il existe pourtant des pistes qui pourraient bien permettre de retrouver un lien véritable. Pour cela, il faut sans doute qu'agences et annonceurs mettent en cause leur mode de fonctionnement. En seront-ils capables ?

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C'est un ras-le-bol généralisé. De l'avis de tous, l'année 2003 s'est révélée terrible, en termes de tensions économiques, sur le front des agences. Le premier trimestre 2004 s'annonce, semble-t-il, moins calamiteux. Encore n'est-ce pas la panacée. « Nous avons une visibilité sur deux ou trois mois, c'est tout. A l'heure actuelle, je suis incapable de dire quels seront mes budgets à un horizon de six mois », constate Elisabeth de Rotalier, directrice de marque à l'agence Yin. D'une certaine façon, les agences se sont acclimatées à cette situation. Quelques directeurs d'agences, à l'instar d'Eric Pietrini, P-dg de Proximity BBDO, y voient un contexte, certes tendu, mais riche d'initiatives. « Entre agences et annonceurs, c'est une relation agitée mais vibrionnante due à l'urgence du business », affirme-t-il. Une opinion que partage le président du directoire de Draftworldwide France, Didier Stora : « Les annonceurs sont extrêmement sensibles, en période de crise, à la notion de retour sur investissement. Pour que les relations se détendent entre agences et annonceurs, il faut avoir une approche encore plus experte. »

Réfléchir pour sortir du cercle vicieux des récriminations


Toutefois, lorsque l'on a les reins moins solides que Proximity BBDO ou que Draftworldwide France, on peut, à juste titre, s'inquiéter de pratiques que l'atonie du marché n'a fait que renforcer. Une majorité d'agences de marketing relationnel en ont en effet assez. Assez d'une relation entre elles et les annonceurs dans laquelle chacun des interlocuteurs peine à définir son rôle. Assez d'un mode de fonctionnement qui cantonne les agences dans l'opérationnel, sans tenir compte de la dimension stratégique de leurs préconisations. Assez, enfin, de voir leur rémunération toujours remise en cause. Comme si la création marketing, n'ayant pas le panache de sa consœur publicitaire, se devait d'être moins chère. Bien sûr, cette litanie n'est pas nouvelle. Mais elle gagne en acuité. Et, en période de crise, demande un temps de réflexion, de la part des agences comme des annonceurs, pour sortir du cercle vicieux des récriminations. « Nous avons un vrai problème. Celui de la reconnaissance de la valeur de l'idée. Plus elle paraît simple, plus nos clients ont tendance à croire qu'il a été facile de la conceptualiser. Et donc, moins ils y voient la nécessité de payer. Or, c'est bien le contraire. Plus une idée est simple, plus elle a de chances d'être efficace et plus elle vaut de l'argent », juge Benoît Héry, directeur général, en charge du développement de Grrrey ! Marketing Services. D'autant que les marques préfèrent taper dans le dur. En clair, revenir aux bons vieux fondamentaux que sont les opérations de promotion ou de terrain. « L'année passée, la tendance, c'était le risque zéro en matière de création sauf quand l'annonceur, ayant connu déjà plusieurs crises, temporise et choisit, tout de même, de ne pas tout sacrifier aux résultats », explique Joëlle Touïtou, fondatrice et directeur de la création de l'agence Baxbé. Le conseil ou l'expertise tardent encore à être considérés à leur juste valeur. Peut-être, est-ce dû aux mutations que subissent les métiers de la relation client. La montée en puissance du data mining, ainsi que du planning stratégique, au sein des agences de marketing relationnel, a considérablement complexifié leurs fonctions. Peu désormais se cantonnent au seul marketing direct. Elles s'inscrivent dans le champ d'une meilleure appréhension du comportement des consommateurs. Une vision prédictive qui fait du conseil stratégique leur matière première. « Une agence doit se vendre comme des consultants », affirme Joëlle Touïtou. Ce qui induit une large métamorphose des métiers de l'agence. « Il faut transformer notre façon de travailler », annonce ainsi Eric Pietrini. Une révolution de velours qui leur demande, toutefois, de savoir remettre à plat leur organisation. « Nous avons passé les deux dernières années à reprofiler l'agence, à la reconstruire », avance Didier Stora.

Les agences se réorganisent


Ce remaniement peut prendre plusieurs formes. Certains optent pour une organisation qui scinde les métiers en différentes entités. Proximity BBDO s'est ainsi recentrée sur quatre activités : le marketing opérationnel, le marketing relationnel, la communication interactive ainsi que la communication publicitaire. D'autres, par ailleurs, choisissent une formule plus transversale. Draftworldwide France s'est, par exemple, concentrée sur deux pôles d'activité : d'une part, le conseil en stratégie de marques ; d'autre part, une structure axée autour de la compréhension des comportements d'achats (études, data mining). Dans le cas de Draftworldwide, s'y ajoute un pôle consulting, à destination des entreprises, via sa filiale H2O, un institut d'études qualitatives et quantitatives.

Suivre les annonceurs dans leur restructuration


Ce mouvement, en fait, traduit la nécessité, pour les agences, de calquer leur modèle d'organisation sur celui des annonceurs. Les annonceurs se sont, eux, restructurés autour de leurs marques. Ce nouvel agencement n'est certes pas totalement abouti. Mais suivre cette impulsion, pour l'agence, c'est une façon de s'inscrire dans la réactivité, voire même la proactivité. Le risque, dans le cas des grandes agences notamment, encore une fois, est de voir se multiplier les interlocuteurs sur un même dossier. Pour l'éviter, Nicolas Zunz, directeur associé de FCB 20-80, préconise la simplification des structures. Un moyen de gagner en souplesse : « La mise en place d'équipes dédiées avec à leur tête un senior qui pilote la stratégie permet de gagner en réactivité. » Mais le datamarketing, voire les projets CRM, nécessite de s'approprier des compétences pointues, qui sont autant de coûts supplémentaires pour les agences. Sans cela, toutefois, leur avenir semble compromis. « Le data mining est au cœur même de notre métier. Si l'on ne peut pas se prévaloir d'une expertise sur ce secteur, on ne peut pas se définir comme une agence de marketing services. La réflexion sur les comportements des consommateurs est un élément essentiel de toute réflexion stratégique. Chez nous, une vingtaine de personnes s'y consacre permanence », justifie Didier Stora. Les plus petites d'entre elles ont sans doute ici une carte à jouer. En raison, en particulier, d'une structure de management déjà très souple. Elles peuvent, par ailleurs, en appeler aux savoir-faire d'agences conseil spécialisées ou de free-lances. Elles développent alors un partenariat ou bien un réseau de compétences. « Notre développement passe peut-être par des accords avec des partenaires, notamment sur la partie design et études. Quant à la structuration, pourquoi pas une fusion financière ? », avance Joëlle Touïtou. Le hic ? Ne pas posséder la maîtrise pleine et entière de toute la chaîne de création. Pire, les annonceurs aiment, quand ils en ont besoin, choisir eux-mêmes leurs interlocuteurs et se retrouver face à un seul interlocuteur pour toutes leurs problématiques de communication.

Dilution des frontières


Autre phénomène : la disparition progressive des frontières entre médias et hors-médias, entre communications publicitaires et marketing direct. « La troisième génération d'agences, telle que nous la vivons aujourd'hui, mixe des multitudes de compétences. Les frontières s'estompent peu à peu. C'est déjà le cas dans le secteur de la distribution où les annonceurs s'estiment mieux servis par les agences de marketing services.

Cela devrait être, ensuite, suivi par le secteur bancaire », ajoute Didier Stora. L'enquête du Cabinet Limelight Consulting, datée d'octobre 2003, intitulée “Comment passer d'une logique de production à une logique de consommation ?”, confirme cette opinion. Ses conclusions, qui insistent sur la réduction des frontières entre communication, produit et institutionnel, notent que “le secteur n'a pas encore trouvé une structuration de ses métiers qui lui permette de faire siennes ces mutations, qui constituent une réponse adaptée aux enjeux de l'annonceur.” Ainsi, si les multiples attentes des annonceurs en matière de publicité et marketing restent toujours différenciées - les annonceurs s'adressant toujours à leur agence de communication publicitaire pour bâtir une stratégie de marque et à leur agence de marketing relationnel dès lors qu'il s'agit de l'accompagner et de mettre en œuvre sa stratégie -, les agences de marketing services talonnent tout de même leurs consœurs de la communication publicitaire (voir schéma ci-dessous “Ce que les annonceurs attendent de leur agence”). Symptomatique est d'ailleurs le recrutement, de plus en plus fréquent, dans les agences de marketing services de collaborateurs passés d'abord par une expérience du secteur publicitaire. « Depuis deux ans, les talents recrutés sont tous issus de la communication publicitaire », affirme Didier Stora. Alors d'où vient ce sentiment d'être toujours le parent pauvre de la communication ? Sans doute du fait que, pour les agences, leurs clients n'ont pas, tous, saisi l'enjeu de ces transformations. Et refusent de payer un savoir-faire dont va pourtant dépendre la réussite de leurs campagnes. Arrogance de la part des agences ? Certains annonceurs pourraient bien le penser. Du moins, si l'on en croit une conférence, au ton un rien polémique, de l'association américaine ANA (Association of national advertisers) et dont l'intitulé stipulait ainsi : “Marketers irked by creative arrogance of ad agencies” (les annonceurs irrités par l'arrogance créative des agences). Pourtant, si les agences tirent la sonnette d'alarme, c'est vraisemblablement aussi parce que cette relation quasi suspicieuse fait courir un risque sur l'efficacité des campagnes. Dans l'étude du cabinet Limelight Consulting, Luc Laurentin, et Nathalie Regnault, tous deux fondateurs de ce cabinet, pointent du doigt « une spirale de reproches réciproques ». Spirale qui aboutit, selon eux, « à la dégradation des échanges ». Selon cette enquête, l'agence de marketing relationnel reproche, d'abord, à l'annonceur ses atermoiements : des prises de décision diluées, frileuses à force d'être consensuelles, qui camouflent un défaut de vision stratégique. “Les agences pointent avec une sévérité sans appel les défauts dans la “discipline” et tous les flux d'information venant de l'annonceur : réaction aux comptes rendus, qualité du brief (informations contextuelles, clarté des objectifs…)”, écrivent ainsi les deux consultants.

Contexte économique dégradé


Quant aux annonceurs, interrogés par Limelight Consulting, ils estiment que l'agence ne prend pas assez en compte leurs attentes : “Une appréhension perfectible de ce qu'on attend d'elle, en termes de créativité et de réflexion stratégique et notamment un manque d'innovation, d'audace.” Bref, on n'est pas loin de se regarder en chiens de faïence. Pourtant, les agences sont conscientes du contexte économique général dégradé. « Nous subissons des tensions sur notre secteur, parfois difficiles à vivre, mais qui ne sont que le reflet de l'activité économique de nos clients », avance Eric Pietrini. Les annonceurs, pris dans le cercle infernal de la rentabilité et de la réduction des coûts, font naturellement peser sur leurs fournisseurs, quels qu'ils soient, des pressions similaires aux leurs. « On assiste à un “papillonnage” des annonceurs qui ont une vision excessivement court-termiste. Toute opération de marketing doit ramener le consommateur dans une relation immédiate d'achat », constate Benoît Hery. D'où la systématisation des opérations “one shot” ou “multi one shot” qui interdit de construire dans la durée une vraie stratégie relationnelle. Un chiffre seulement : selon Limelight Consulting, seuls 47 % des annonceurs interviewés affirment travailler sous contrat avec leurs agences de marketing services contre 83 % avec leur agence de publicité. La remise en compétition des budgets, de manière très régulière, ne joue pas non plus en la faveur d'une relation de confiance entre agences et annonceurs. Pour Luc Laurentin, la situation n'est cependant pas désespérée. Du moins, si annonceurs et agences veulent bien se remettre en cause. Pour l'agence, il s'agit alors de parvenir à une structuration plus claire entre ses différents niveaux d'expertises. En particulier, de mettre en œuvre une articulation transparente des rôles, de leurs limites et des services rendus par chacun des collaborateurs ou des pôles d'activités. Grâce à ce type d'organisation, les annonceurs pourront mieux identifier les sources de valeur ajoutée et, partant, l'agence devrait avoir moins de difficultés à faire valoir ses prestations.

Vision transversale des marketing services


La transversalité, voilà bien le maître mot. Encore faut-il que tous les pôles d'activités de ces agences dites transversales soient à un niveau remarquable d'expertises. UrsaMaïor a depuis longtemps opté pour ce modèle. Et, aux dires de Stéphanie Ginies, responsable du développement de cette agence, six clients sur dix optent pour lui confier au moins trois axes (par exemple, le marketing relationnel, la communication interactive, le data management) de leur communication : « Parfois, un client ne nous donne à animer que son programme de fidélité. Mais, pour cela, nous aurons besoin de la partie data management. A un moment ou à un autre, nous enrichissons nos offres premières des compétences du reste de nos équipes. On finit toujours par vendre ce que l'on n'avait pas vendu au départ. » Beaucoup, comme FCB 20-80 ou Proximity BBDO, ont choisi de s'inscrire sur l'ensemble de la chaîne. Ainsi, elles sont à même de proposer une expertise sur l'ensemble des supports existants. Elles deviennent alors des “multispécialistes”, capables, comme l'affirme Eric Pietrini, « d'une vision transversale des enjeux ou des problèmes de nos clients. La force de notre agence, c'est d'être au cœur de toutes les valeurs de la marque. » Dans une agence de marketing services, l'un des éléments primordiaux, c'est encore la coordination. Mieux vaut en effet posséder quelques bons coordinateurs. Stéphanie Ginies d'UrsaMaïor considère « qu'il est impossible d'être bon partout. Les dossiers demandent tellement de compétences différentes que le responsable devient un chef d'orchestre de la marque. Il doit suffisamment maîtriser nos métiers pour savoir notamment à partir de quel moment s'entourer. » Cette remise en cause peut prendre d'autres voies. La majorité des agences interrogées avouent, par exemple, avoir revu la structuration de leur agence. Avec, derrière, la volonté, d'une part, de simplifier les niveaux de prises de décision. Et, d'autre part, de personnaliser la relation en instaurant des équipes spécifiquement dédiées au suivi de leurs clients ou de leur budgets. L'agence Everest est désormais organisée en projets. Ce qui, aux dires de son P-dg, simplifie les circuits de décision et d'information : « C'est une façon de dire à notre client que nous sommes à sa disposition. Nous mettons en place une équipe dédiée qui cherchera ensuite, dans toute l'agence, l'expertise nécessaire pour la réalisation de l'opération, qu'il s'agisse de compétences techniques ou d'expertises métier », analyse Eric Mesnil. Le début des années 2000 a été marqué par la montée en puissance des systèmes relationnels. Des annonceurs ont parfois beaucoup investi… Avant de se rendre compte que le retour sur investissement n'était pas au rendez-vous. « Sauf dans le cas de grands groupes, les projets CRM ont demandé des financements qui n'étaient pas raisonnables au regard du pay back réel. Les annonceurs ont eu l'impression d'avoir été bernés par le discours ambiant. Et d'une certaine façon, ils se sont mis à se méfier de ceux qui avaient pu leur prescrire cette orientation, en clair, leurs agences, puis à fermer les cordons de la bourse », justifie Jean Valentin, président de l'agence Les Corsaires.

Chat échaudé craint l'eau froide


Il ne s'agit pas ici de remettre en cause les projets CRM. D'autant que l'expertise data mining des agences de marketing services est une des plus-values qui leur permettent de mieux s'en sortir. Pour peu du moins qu'elles soient connues en tant que véritables spécialistes. D L'agence figure parmi elles. Après avoir connu des années noires, après la faillite de D interactive, puis sa reprise par le groupe Bertelsmann, D L'agence commence à voir le bout du tunnel.

« D'une certaine façon, nous sommes à contre-courant des autres agences. Nous gagnons de nouveaux budgets. Nous recrutons. Pour partie, notre succès provient de notre expertise sur le data marketing. Le marché est difficile. Dans ces retournements de conjoncture, on ne peut vendre que de l'essentiel aux annonceurs. Il est évident qu'il y a peu de “méga projets” en cours. Mais les annonceurs ne remettent pas en cause ceux déjà existants. Les études et la gestion des bases de données, si elles s'appuient sur des compétences précises, font partie des secteurs où l'on peut faire encore du business », assure Sylvain Forestier,président de D L'agence. L'annonceur butine en fonction des savoir-faire reconnus entre différentes agences. L'enquête de Limelight Consulting montre en effet qu'un annonceur fait travailler 2,5 agences de marketing services en moyenne. Il recherche une expertise précise et se tourne vers l'une ou l'autre en fonction de ses besoins essentiels. Le retournement de conjoncture ne saurait toutefois suffire à expliquer cette tension de la relation entre agences et annonceurs. D'autant que le marché du hors-médias ne se porte pas si mal. Les chiffres communiqués par l'étude Irep-France Pub montrent que le secteur du marketing direct a même connu une croissance de l'ordre de 3,1 % entre 2002 et 2003. Ce qui représente, tout de même, 9,65 milliards d'euros. Le problème est aussi vraisemblablement structurel : perte de confiance, manque de valorisation de l'expertise des agences, difficulté à imposer une juste rémunération, voire impossibilité d'édicter des règles de bonnes conduite pour les compétitions… sont autant de points de friction sur lesquels achoppent les relations.

Une détérioration des conditions de compétitions


Ainsi, lorsqu'on les interroge sur les compétitions, rares sont les agences à ne pas dénoncer pareil système. Il est vrai que, dans un contexte de raréfaction des appels d'offres, les conditions même des compétitions, s'en sont trouvées affectées négativement. « Nous avons vécu plusieurs années de concurrence intensive. C'était, tout de même, parfois la course aux budgets. Mais, aujourd'hui, c'est n'importe quoi. Soit le brief est mal construit et, d'une certaine façon, c'est le travail des agences en compétition qui permettra de le finaliser. Soit on se retrouve face à de très grandes agences, des studios de création, quand il ne s'agit pas d'un imprimeur », dénonce le directeur d'une agence parisienne. Les exemples de compétitions sans véritables limites déontologiques ne manquent pas. Brief incomplet, consultation d'agences en milieu de compétition, budget non alloués… sont autant de signes qui dénotent d'une incertitude économique. Ainsi, Nicolas Zunz relate-t-il ses déboires avec une marque connue d'accessoires automobiles : « Nous avons travaillé pendant deux mois sur le budget. Enfin, nous gagnons la compétition. Mais, à ce moment-là, notre interlocuteur nous indique : “OK, vous avez gagné. Mais vous devez diviser par deux votre budget”. C'était inacceptable. Non pas pour une question de principe. Mais parce qu'en termes de temps passé, d'investissement de nos équipes, nous perdions de l'argent. » Pour Eric Mesnil, le constat est identique, même si le discours est plus maîtrisé : « Le marché s'est certes tendu. Aujourd'hui, les annonceurs ont du mal à s'engager, à prendre une décision. Mais ce sont aussi les règles de notre métier qui veulent cela. On n'a jamais rien fait pour que cela cesse. Et j'ai rarement vu une agence refuser une compétition parce que plus de trois agences étaient en lice. » Pierre Dappélo, cofondateur de l'agence Labelleidée, lui, va plus loin. Il estime, de fait, que, « si le marché est pourri, c'est aussi de la faute des agences ». Mais ce constat, il le double de certaines règles de conduite qui le pousse, malgré la jeunesse de son agence, créée en 2002, à refuser certaines compétitions. « A un moment donné, il faut savoir dire non. Nous en avons davantage refusées qu'acceptées. Vous épuisez vos équipes en de vaines compétitions. Vous perdez de l'argent. Moi, je peux me permettre de refuser. Je ne subis pas la pression d'actionnaires », dit-il. C'est pour cela que Patrick Descharmes, directeur général associé d'Uniteam, a notamment décidé de jauger du sérieux des compétitions dans lesquelles il s'engageait. Il exige désormais de connaître le nom des agences contre lesquelles il concourt. « C'est une démarche de sélection. Si je vois que j'ai en face de moi des gens crédibles, je sais, d'une certaine façon, que je peux y aller », avance-t-il. Selon Luc Laurentin, cette suspicion entre annonceurs et agences s'explique, avant tout, par l'absence de prise de conscience des valeurs que peuvent apporter les agences aux produits ou aux marques qu'elles promeuvent. « Les agences ne sont pas remises en cause dans leurs fondamentaux, la stratégie et la créativité. Mais certains annonceurs refusent d'envisager que ces valeurs immatérielles portent en elles une plus-value potentielle pour leur entreprise, notamment financière. C'est comme si elles considéraient que la matière grise n'avait pas de valeur. »

Trouver le bon interlocuteur

Régulièrement mentionné, le problème de trouver l'interlocuteur approprié pour négocier, côté annonceurs, s'avère un autre des points de tension de cette relation (voir schéma page précédente “Marketing services : qui décide et qui gère chez l'annonceur”). Il est vrai que le nombre d'interlocuteurs, habilités à décider de l'octroi d'un budget, peut aussi court-circuiter le travail des agences qui se retrouvent tantôt face aux directions marketing, tantôt aux responsables commerciaux, quand il ne s'agit pas de chefs de produit. Ce qui, associé au phénomène de “juniorisation” de certaines des fonctions chez les annonceurs, depuis plusieurs années, ne contribue pas à l'établissement de rapports transparents. Mais, surtout, la montée en puissance, dans ce secteur, des directions d'achat pose un délicat problème aux agences (voir Marketing Magazine, n° 85, avril 2004). Le fait est que ces spécialistes de la négociation tarifaire n'ont guère de légitimité pour s'approprier une décision qui porte tout autant sur l'enjeu créatif. « Les services achats ont indéniablement pris du pouvoir. Il est parfois très difficile de parler avec eux. D'autant qu'ils ne sont pas les utilisateurs des projets de marketing mis en œuvre. Mais, pour peu que vous parveniez à vous entendre avec eux, vous pouvez ensuite espérer engager une relation durable avec l'entreprise ou la marque qui vous engage », explique Hervé Paolini de Direct One. Pour difficile qu'elle soit, l'entrée en lice des directions d'achats, dans le jeu des compétitions, n'est pas nécessairement mal vécue. Jean Valentin y voit même, lorsqu'il s'agit de grands groupes, un signe positif de maturité du marché. « Certes, elles négocient dur. Mais nous sommes depuis toujours dans un rapport de force avec l'annonceur. Or, précisément, les compétitions étant devenues hasardeuses, la présence des directions d'achats nous garantit, à mon sens, le respect d'un minimum de procédures en matière d'appel d'offres. C'est au contraire un signe vertueux. » Attention toutefois : les directions d'achats ne doivent pas intervenir comme l'interlocuteur unique. « Les achats restent sur des problématiques financières : évaluation économique du fournisseur, vérification des tarifs ou des process mis en place lors de la compétition. Quant à la pertinence stratégique de la campagne présentée, cela ne relève, bien évidemment, pas de leur intervention. Ce sont aux directions marketing de l'évaluer », reprend Jean Valentin. Baxbé, par exemple, a décidé de créer une équipe projet pour aller discuter avec les directions d'achats. Pour Joëlle Touïtou, il s'agit, de mieux comprendre leurs demandes. « Nous sommes un métier para-artistique. Cela veut dire que, longtemps, nous n'avons pas eu de discours autour des problématiques financières. Nous devons apprendre aujourd'hui. Il nous faut parler leur langage », avance-t-elle. Le problème des rémunérations ainsi que celui des compétitions, voilà bien deux des chantiers que l'Association des agences conseils en communication (AACC) estime prioritaires. Sa nouvelle direction, entraînée par son nouveau président, Hervé Brossard (président de DDB France), répète à l'envi qu'il s'agit ici de trouver des règles de conduite, acceptables par les deux parties.

Des chantiers urgents pour l'AACC

« A chaque fois que l'on est face à un système d'honoraires, on considère que c'est trop cher », résume Stéphanie Ginies. Qui poursuit : « Le vrai problème, ce sont les compétitions que l'on ne rémunère pas. Or, celles-ci demandent de plus en plus de temps, d'expertises et de technicité. Quand un annonceur devient client d'une agence, il finit par payer pour toutes les compétitions non abouties de l'agence. Le jour où ce dossier sera apuré, le tarif des agences pourra nettement baisser. » Depuis deux ans, les agences de marketing services ont connu une baisse sensible de leurs rémunérations. Passé un seuil critique, le ratio entre le temps passé et la rémunération escomptée perd de sa pertinence. « La plupart du temps, nous sommes payés avec un forfait qui englobe des honoraires pour la création. Cette notion de forfait est une vraie auberge espagnole. Il nous faut mieux définir ce que l'on indexe dans ces forfaits. Il n'y a plus forcément aujourd'hui de pertinence entre le tarif pratiqué et le temps de travail. Pour nous, c'est une réflexion prioritaire », analyse Joëlle Touïtou. Quant aux chances de voir ce dossier enfin apuré, les agences sont divisées. D'aucuns jugeant qu'il s'agit là de “vieilles lunes”, aussi vieilles que la profession, et contre lesquelles on ne peut rien faire. Mais il semble bien, tout de même, que les agences de marketing services et de communication, pour une fois ensemble, ressentent la nécessité de voir leur syndicat monter en puissance. C'est ainsi que Nicolas Zunz se pose en fervent défenseur du rôle de l'AACC. « Je veux croire que ces enjeux seront au cœur des négociations de notre syndicat. » Quant à Luc Laurentin, il affirme, sans ambages, la nécessité de fédérer la profession : « Les agences font face à des annonceurs dont les syndicats sont puissants. Il leur faut, elles aussi, une structure corporative capable de leur tenir tête. »

La place des agences indépendantes

Le paysage des agences de marketing relationnel bouge. Sous l'influence des bouleversements que connaissent leurs annonceurs, elles se concentrent à leur tour. Une petite dizaine d'agences sont désormais susceptibles de gérer des campagnes internationales et de répondre ainsi aux attentes globales des grands groupes internationaux. « Nous vivons aujourd'hui la même mutation que celle que la communication publicitaire a connue, il y a entre cinq et dix ans. La concentration extraordinaire des budgets internationaux oblige les agences à modifier leur organisation. Demain, celles qui n'auront pas une envergure internationale sont condamnées à être marginalisées », insiste Philippe Delière, président de Wunderman France. Pour se positionner, comme un acteur de premier rang, les agences ont trois axes de travail, selon Philippe Delière : elles doivent d'abord être capables de décliner au niveau local des stratégies internationales. A l'inverse, elles doivent également être en mesure de mettre en place une stratégie internationale que d'autres agences du groupe pourront localement ajuster. Elles doivent, enfin, devenir un centre d'excellence pour l'ensemble du réseau auquel elles appartiennent. Ce qui signifie qu'elles identifient les spécialités où elles excellent pour les mettre au service de leur réseau. Car leurs clients internationaux ont, au minimum, une exigence : trouver dans chacune des agences du réseau une organisation en tout point similaire afin d'être sûrs que leurs campagnes seront managées de la même façon. « L'agence parisienne de Wunderman est ainsi un pôle d'excellence pour tout ce qui touche au data marketing et au développement interactif. Nous fournissons des prestations sur ces secteurs à l'ensemble des agences du groupe », reprend Philippe Delière. Pour Wunderman, dont 60 % du chiffre d'affaires est réalisé à l'international, cette nouvelle organisation se double d'une réflexion sur les ressources humaines : « Nous accueillons dix-neuf nationalités différentes. La moitié du temps, nos comités de direction se déroulent en anglais. Notre succès dépend aussi de notre capacité à intégrer des talents issus d'une autre culture, d'un autre environnement », fait valoir Philippe Delière. L'internationalisation des opérations pourraient-elles induire une hégémonie anglo-saxonne ? Philippe Delière ne le croit pas. Même si le business est avant tout américain, chaque grand groupe possède des succursales européennes qui ne sont pas nécessairement - ou seulement - implantées à Londres. Ce qui offre une marge de manœuvre possible pour les agences françaises qui auront su faire reconnaître leur expertise au niveau international. Encore faut-il avoir les moyens de son développement. Sylvain Forestier l'admet. Depuis qu'il a été racheté par le groupe Bertelsmann, il n'a plus guère à faire ses preuves. « Appartenir à un grand groupe vous facilite la vie. D'une part, parce que les directions d'achats ne demanderont pas vos bilans annuels pour s'assurer de votre solidité financière. Mais aussi parce vous devenez un acteur plus crédible encore », avance-t-il. Ces dernières années, le ballet des fusions-acquisitions a continué sa course. Il s'explique, en grande partie, par la nécessité pour des agences de taille moyenne notamment de rejoindre un “grand” groupe pour assurer sa croissance ou même sa pérennité. Dernière en date, la reprise de l'agence Palo Alto par Publicis Hourra, filiale lilloise du groupe éponyme, n'échappe pas à cette règle. Palo Alto conserve son identité propre. L'intégration dans le groupe Publicis lui assurant les moyens de son devenir. Mais ce rachat pose, avec plus d'acuité encore, le problème de la survie de certaines agences indépendantes. Qu'il existe toujours une place pour de petites structures, nul ne saurait en douter. La création récente d'agences telles Labelleidée, Le Parti du Client ou encore Il était une marque en est bien la preuve. Elles ont comme caractéristique commune d'avoir été fondées par des seniors, aguerris aux budgets de marketing relationnel dans les grandes agences. (Pierre Dappélo (ex-The Sales Machines Group, Wunderman, Draft) pour Labelleidée ; Emmanuel Cebron de Lisle (ex-The Sales Machine Group) et Eric Borreil (ex-fondateur de l'agence Zen) pour Le parti du client ; Alain Murcia (ex-DC de Nouveau Siècle) et Jean-Paul Dupuy (ex-Dg de DraftWorldWide Europe) pour Il était une marque. Elles se positionnent en tant que solution alternative face aux grands groupes. « Nous proposons à nos clients ou prospects d'accéder à une expérience avérée. Les fondateurs de l'entreprise sont tous des seniors. Mais, en même temps, le fait de ne posséder qu'une structure légère permet d'offrir un prix nettement inférieur au marché », affirme Pierre Dappélo. C'est, pour lui, en plus, un moyen de nouer un contact personnalisé entre l'agence et son client. Mais Pierre Dappélo le reconnaît lui-même : il existe indéniablement des effets de seuils. « Nous sommes à un niveau où tout est simple. Chez nous, les circuits de décision sont ramenés à leur plus simple expression du fait du très petit nombre de collaborateurs. Mais, si nous montions en puissance, avec quinze ou trente salariés, je suis sûr qu'il faudrait restructurer le mode de management de l'agence pour retrouver cette réactivité décisionnelle », ajoute-t-il. A sa mesure, l'agence Direct One a suivi ce même cheminement. Créée en 1997, cette petite structure, d'à peine une dizaine de collaborateurs, a connu entre 2001 et 2003, un passage difficile. Pour s'en sortir, Hervé Paolini, son directeur général, a opté pour une “hyperspécialisation”. Son agence s'est recentrée autour de deux pôles d'activités : la Banque-Assurance d'un côté, le secteur pharmaceutique de l'autre. Ce qui lui permet, d'une part, de valoriser son savoir-faire. Mais également, fait peu courant, de pouvoir conclure de nombreux contrats-cadres avec ses clients. « Nous avons la chance de pouvoir choisir avec qui nous souhaitons travailler. Dans le secteur pharmaceutique, nous instaurons des contrats à durée indéterminée, avec résiliation possible par les deux parties. Ici, on construit une relation client sur un produit. Souvent, c'est un an minimum de tests et de réflexions avant le lancement. Dans la Banque ou l'Assurance, même si c'est plus difficile, nous travaillons avec des contrats de mission d'une durée de six à douze mois, renouvelables. Il y a un moment où seules la stabilité et la continuité d'actions vous permettent de réellement bien travailler », fait valoir Hervé Paolini. La question de la taille critique se trouve posée. Avec, en filigrane, le fait de savoir s'il existe ou non une place possible entre de toutes petites agences, très spécialisées, et de grands groupes hégémoniques. Philippe Delière considère ces petites structures comme des éléments essentiels en matière de création. « Elles ont un vrai rôle à jouer. Elles peuvent apporter un plus créatif. Voire être plus véloces sur la stratégie pour des clients nationaux », dit-il. L'interrogation porte plus sur la place des agences d'envergure médiane qui devront vraisemblablement choisir assez rapidement entre l'un de ces deux modèles. « Les middle agencies vont, sans doute, avoir du mal à accéder à de gros budgets. Ces derniers sont, en général, captés par les agences les plus importantes. La question du développement à l'international - ou, au moins, au niveau européen -, va aussi leur poser des problèmes. Que faire ? Choisir de s'inscrire dans un regroupement d'agences ? Je ne suis pas sûr que cela fonctionne. Racheter des participations dans des agences implantées à l'étranger ? Encore faut-il en avoir les moyens », s'interroge Nicolas Zunz. La solution, dans ce cas ? Se démarquer. Et toujours rechercher, cette petite voix qui permettra de faire entendre sa différence. Everest a ainsi choisi de lancer un laboratoire de recherche, structure de réflexions prédictives, qu'elle enrichit grâce à un partenariat avec des chercheurs, spécialistes des stratégies de marketing relationnel de l'Université de Paris Dauphine. « Les thésards de Dauphine viennent chercher chez nous du benchmarking. En contrepartie, ils nous apportent une expérience théorique qui permet de nourrir nos opérations », justifie Eric Mesnil. Quant à Baxbé, sa différence, elle entend continuer de la faire entendre en revendiquant son statut d'indépendante. « La créativité se nourrit de liberté et d'indépendance. Nous, nous optons pour plus de qualité. Pour nous, comme pour nos annonceurs, c'est payant. C'est par là que passe une relation de confiance. Nous sommes de vrais partenaires. L'agence est un service externalisé de l'annonceur. On est son prolongement. Et cela ne peut pleinement fonctionner qu'avec tout de même une certaine stabilité », considère Joëlle Touïtou. Face à un contexte économique difficile, on le voit, la relation entre agences et annonceurs s'est considérablement tendue. Les annonceurs estimant que leurs attentes sont mal comprises. Les agences, elles, considèrent que leurs expertises ne sont pas valorisées à leur juste mesure. Mais, des pistes existent, qu'il s'agisse de l'organisation hiérarchique des agences ou d'un approfondissement de leur vision prospective, afin de leur offrir cette crédibilité que les annonceurs tardent toujours à leur attribuer.

Trois questions à...Jérôme Delvaux, fondateur de l'agence Passage Privé.


Vous êtes un ancien de l'agence D interactive qui basait son modèle sur une approche transversale des métiers du marketing. Malgré son échec, plusieurs agences ont décidé de suivre cette voie. Qu'en pensez-vous ? Une agence doit être capable de construire une stratégie commerciale globale. D'où, pour certaines, le choix d'être présentes sur tous les métiers du marketing. Pour elles, en plus, cette offre transversale est un moyen de développer leur business. Pour un même client, elles offrent la palette la plus large possible de médias. Mais, en même temps, il est rare qu'un groupe soit au top sur tous les métiers. Certaines agences sont très bonnes sur la création et beaucoup moins sur la gestion des bases de données. Or, l'annonceur, lui, s'inscrit dans une logique de spécialistes. Ce qu'il souhaite, ce n'est pas nécessairement un lieu unique pour gérer toutes les problématiques de ses campagnes, mais une agence qui lui prodigue du conseil stratégique et sélectionne ensuite, pour lui, les meilleurs spécialistes. Ouverte il y a deux ans, votre agence Passage Privé reste de taille modeste. Est-ce un parti pris ? Nous sommes six permanents avec des profils seniors. Nous valorisons notre expertise et ne souhaitons pas être présents sur tous les segments du marketing. En choisissant de rester une petite équipe, nous privilégions la souplesse et l'implication. C'est capital lorsque l'on choisit l'expertise et le conseil. Si nous nous développions, nous n'aurions sans doute pas la même réactivité. Mais en même temps, cela ne signifie pas que nous sommes une agence "low cost". Il faut, au contraire, respecter la valeur du travail fourni. Le conseil, c'est du temps, et le temps, une valeur qui se monnaye. Pour restaurer une relation de confiance entre annonceurs et agences, certains groupes ont opté pour une rémunération variable, fonction des résultats des campagnes réalisés. Quelle est votre opinion sur ce sujet ? Je n'y suis pas opposé. Cela peut s'avérer être un bon moteur. En même temps, cette part variable ne peut guère dépasser, selon moi, 5 à 10 %. Car, lorsque vous commencez à réfléchir à la mesure de votre performance, vous vous apercevez que de nombreux éléments interfèrent sur la réussite d'une campagne comme la riposte de la concurrence, la présentation du produit. Une agence ne maîtrise pas tout. Il est donc, à mon sens, déraisonnable d'envisager une part variable plus importante.

Crispation autour des rémunérations


Il existe de très nombreux systèmes de rémunération des agences. En matière de marketing services, les plus courantes restent encore le principe d'honoraires fixes, qu'il s'agisse de la partie création (75 % d'entre elles) ou conseil (75 % d'entre elles). Leurs consœurs de la communication publicitaire sont moins friandes de forfaits basés sur la création (46 % d'entre elles). Et lui préfèrent le principe d'un pourcentage pris sur l'achat d'espace (36 % d'entre elles). L'enquête de Limelight Consulting montre, qu'en majorité, les agences combinent ensemble plusieurs modes de rémunération tels des honoraires pour le conseil, des frais techniques pour la production, des droits d'auteurs pour la création, ou des incentives sur les résultats… Bref, un vrai maquis qui n'aide guère les agences à faire valoir le bien-fondé de leur rétribution. « Il y a urgence à clarifier les postes de dépenses que nous faisons apparaître sur nos factures. Simplifier est une nécessité. Si agences et annonceurs se mettent enfin d'accord, cela ne peut être que tout bénéfice », analyse Joëlle Touïtou de l'agence Baxbé. Depuis peu, la question de savoir s'il faut ou non accepter des rémunérations variables, en fonction des résultats, se pose avec d'autant plus d'acuité que cette solution est vécue comme un moyen de restaurer la confiance des annonceurs dans les capacités de l'agence à s'impliquer. Pratique délicate mais nécessaire, selon le président de l'agence Les Corsaires, pour réinvestir le cercle vertueux d'une relation de confiance. « En fonction des résultats opérationnels de nos campagnes, nous pouvons proposer un accord avec une base à 80 % du budget si la campagne ne donne pas les résultats escomptés, mais qui augmente jusqu'à 120 % si nous dépassons les objectifs fixés. Ou bien un jeu de 60 % pour la base à 200 % pour le plus haut », explique Jean Valentin. Cette pratique est, avant tout, associée aux opérations ponctuelles. Dans le cas de contrats sur le long terme, un pourcentage dont la variation fluctue à ce point pose de nombreux problèmes. D'une part, parce que l'agence n'a pas l'entière maîtrise de tous les éléments de l'opération. D'autre part, parce que cette procédure ne prend pas en compte les frais fixes de l'agence. « Pourquoi pas, en effet, envisager une rémunération variable ? A partir du moment, du moins, où l'agence s'assure de la maîtrise de l'ensemble des paramètres. Nous l'avons nous-mêmes testée. Etre intéressé au résultat me semble une démarche intéressante en termes d'implication ou de challenge. Mais, ce pourcentage ne doit pas dépasser un seuil. A mon sens, 20 % du budget maximum. Au-delà, c'est absurde », avance Didier Stora (Draftworldwide France). Le chantier de la rémunération des agences est un impératif si l'on veut enfin édicter une loi de marché qui fasse taire cette longue litanie de récriminations.

Muriel Rozelier

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