Recherche

Quand les Postes se préparent à l'ouverture des marchés

Déjà présentes en France sur le petit segment du courrier international, les Postes européennes se sont engagées dans une course à la taille critique pour préparer au mieux la prochaine libéralisation des marchés domestiques. Par croissance externe, comme la Poste allemande, ou en formant des alliances comme Spring, qui rassemble les Postes anglaise, néerlandaise et singapourienne. De son côté, la Poste française, qui n'est pas en reste en matière d'alliances et de rachats, se prépare à la compétition.

Publié par le
Lecture
20 min
  • Imprimer


Grossir pour bétonner ses positions avant l'ouverture des marchés domestiques. C'est la stratégie qu'adoptent les Postes européennes pour préparer en douceur la libéralisation progressive mais annoncée du marché postal (voir encadré p. 39). Les lobbies patronaux voudraient que la libéralisation ait lieu au mieux tout de suite (option rejetée par les instances européennes), et au pire en 2007, alors que l'on se dirige plutôt vers 2009.

Marie-Laure Perrin (La Poste)

: "La concurrence domestique viendra des acteurs qui font dèjà du courrier international."




Néanmoins, le premier janvier 2003, première étape de l'ouverture à la concurrence sur les lettres de plus de 100 g (au lieu de 350 g à l'heure actuelle, voir encadré p. 39), va arriver très vite, et il faut que les structures des opérateurs postaux soient prêtes à entrer en concurrence sur de nouveaux marchés, auparavant protégés par le monopole. Aujourd'hui, le secteur dans lequel les Postes européennes présentes sur le territoire français peuvent opérer est bien circonscrit. Il s'agit du courrier expédié depuis la France vers l'étranger (plis supérieurs à 350 grammes) et des colis. Cette activité représente environ 5 % du marché courrier global, 10 % avec les colis. Mais ce chiffre modeste n'a pas découragé les Postes allemande, suisse, anglaise ou néerlandaise d'ouvrir des bureaux dans l'Hexagone. D'abord parce que cette niche peut s'avérer rentable, mais également avec l'intention de s'implanter durablement en prévision de l'ouverture totale du marché français, second marché européen en termes de taille. La Deutsche Post Global Mail (filiale de Deutsche Post World Net) est installée en France depuis septembre 2000. Elle emploie aujourd'hui huit personnes, dont trois commerciaux, pour suivre les clients existants et en recruter de nouveaux. L'un est spécialisé sur la vente à distance, le deuxième sur la presse et le tourisme et le troisième s'occupe de la banque, de l'assurance et du e-commerce. Trois autres collaborateurs gèrent les opérations de back-office de ces clients, dont RedCats et Yves Rocher sont parmi les plus connus. « Notre métier concerne tous les types de courriers vers l'international (adressé, non adressé), avec un focus vers l'Allemagne. Mais nous traitons aussi le reste du monde, ainsi que le marketing direct à l'international, avec la conception et la réalisation de mailings », détaille Bertrand Buisson, directeur général de Deutsche Post Global Mail France. Cible de cette entité : les grands comptes, sur lesquels cette filiale de la Poste allemande se retrouve en concurrence frontale avec la division courrier international de La Poste. « On se bat sur chaque dossier », avoue Bertrand Buisson.

Un double suivi des clients


La stratégie du groupe Deutsche Post s'appuie sur quatre entités : finances (uniquement en Allemagne avec la PostBank), courrier, transports et logistique (avec Danzas en France), et express (Ducros, DHL). Pour séduire les clients français, Deutsche Post mise plus sur sa palette de services que sur les tarifs qui, selon Bertrand Buisson, ne constituent pas « une plus value exigée des clients ». Un des points forts de la filiale française de la Poste allemande, selon son directeur général, c'est son double suivi des clients, effectué par un commercial et un chargé de service client. En s'appuyant sur un réseau dense (83 centres en Allemagne, un hub logistique à Francfort et 140 destinations desservies dans le monde), et en respectant les délais requis par ses clients (qui démarrent une fois le courrier arrivé en Allemagne), la Deutsche Post espère ainsi conquérir des parts de marché. Autre partie du dispositif : le Competence Center, chargé du marketing B to C et B to B, qui propose ses conseils en matière de conception de mailing, de gestion de base de données et de traitement des retours. « Si un client veut démarrer une activité d'export vers l'Allemagne, nous lui proposons un plan médias, de créer ou d'adapter ses mailings, de louer ou d'acheter ses adresses. Notre centre de compétences réalise un historique de ses besoins et nous lui garantissons une réponse dans les quarante-huit heures », précise Bertrand Buisson. Le traitement des adresses s'appuie sur l'expertise de Deustche Post Address. Cette filiale cherche à faire baisser sensiblement le nombre de NPAI, et ce, par exemple, en créant un fichier des déménagements, qui permet la vérification et l'actualisation des adresses des destinataires avant l'envoi des mailings. Néanmoins, pour les entreprises, l'attrait premier de la Deustche Post Global Mail reste sa connaissance du marché allemand. Ainsi, la société Raja, qui distribue des produits d'emballage et possède plusieurs catalogues de vente à distance, a choisi ce prestataire pour s'occuper de son courrier international. Raja a débuté son activité internationale en 1994 et exporte aujourd'hui vers les principaux pays européens (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Belgique). Elle a démarré son exportation vers l'Allemagne au mois d'octobre 1999. Le choix s'est porté sur la filiale de la Poste germanique essentiellement pour sa connaissance du marché domestique allemand. « Notre politique consiste à travailler avec des Postes locales qui maîtrisent leur marché national. Notre critère numéro un est d'arborer la flamme du pays », explique Vincent Terradot, directeur du développement international.

Des prix à la carte


Autre atout évoqué par ce vépéciste : la souplesse des contacts avec l'équipe du prestataire. Deutsche Post récupère les exemplaires des deux catalogues, de 150 pages chacun, chez le routeur français de Raja et les introduit dans le circuit postal allemand, selon le principe de l'injection directe. Quantité et dates de livraison sont fixées à l'avance. Autre Poste étrangère présente sur le sol français, Swiss Post International (SPI) a ouvert une filiale à Chassieu près de Lyon qui emploie quatre personnes. Elle annonce une centaine de clients pour le courrier à destination de l'étranger et les colis en nombre vers la Suisse. La filiale française de la SPI compte sur la « qualité suisse, des contacts personnalisés avec prospects et clients, des services flexibles avec, par exemple, une offre de prix dans l'heure, et des prix compétitifs », énumère Christof Lenhard, responsable marketing mail solutions. Ces tarifs ne sont pas indiqués par la Poste helvétique. « Pour chaque client, nous personnalisons notre offre. Dans ce type d'activité, aucun n'a le même profil, qu'il s'agisse du poids d'un message, du volume, de la répartition géographique de ses envois », argumente Christof Lenhard. Contrairement à sa concurrente allemande, qui cible délibérément les grands comptes, la Poste suisse ne néglige pas les entreprises moyennes ou les PME. Comme Hermes Routage, petite structure de quatre personnes située à Mâcon. Ce routeur effectue des mises sous enveloppes (sauf les grandes largeurs) et des mises sous films, pour des imprimeurs, des administrations ou des agences de communication. Pour son activité internationale, jusqu'à vingt mille mailings, Hermes Routage a opté pour les services de Swiss Post International. « Lorsque nous avons une demande sur l'étranger, je questionne la Poste suisse. J'ai des fax tout prêts sur lesquels j'inscris la référence client, le nombre de documents, le format, l'adresse extérieure, le dispatching par pays. Je reçois rapidement une proposition par retour de fax », décrit Chantal Boyat, assistante coordinatrice.

Premier indépendant sur le courrier international


C'est la souplesse et la réactivité de la branche française de la Poste helvétique qui ont séduit le routeur bourguignon.

Florence Joachin (Spring)

: "Nous voulons devenir le premier opérateur indépendant de distribution du courrier international dans le monde".





Comparée à sa consoeur suisse, la Poste française n'est pas épargnée par Hermes Routage. « Il faut établir un contrat et attendre quatre jours pour avoir une réponse. Parfois, nos clients nous demandent pourquoi nous avons fait ce choix du concurrent suisse, mais ils ne se sont jamais plaints du service », estime Chantal Boyat. Hermes Routage confirme la politique de tarifs à la carte de SPI, et apprécie le fait qu'il n'existe pas de volume minimum à acheminer. Visiblement, l'argument de proximité ne fonctionne pas pour cette société de routage. C'est pourtant l'un des atouts mis en avant par l'opérateur postal français. Difficultés à joindre un interlocuteur, pas de contact privilégié, Hermes Routage pourrait se détourner de La Poste et continuer de travailler avec la SPI en cas de dérégulation du marché domestique. Même si cette hypothèse ne semble pas concerner la Swiss Post International. « La prochaine dérégulation ne devrait pas avoir beaucoup d'effets sur le marché postal européen. Quant à l'année 2007, elle est trop éloignée pour que nous puissions émettre des hypothèses », pense Christof Lenhard. D'autres se préparent pourtant à cette échéance. Les Postes anglaise, Consignia (Royal Mail), et néerlandaise, TPG (TNT Post Group), se sont alliées avec Singapore Post pour former Spring. L'entité juridique se nomme en fait G3 Worldwide Mail NV. Basée en Belgique, elle est possédée à 51 % par TPG, 24,5 % par Consignia et 25,5 % par Singapore Post. La filiale française s'appelle G3 Worldwide France SAS. Spring est la marque commerciale de l'alliance. Pratiquement, cela représente une trentaine de personnes, situées à Roissy, dont une dizaine de commerciaux, la moitié étant issue de Royal Mail. L'activité colis est gérée par TNT. C'est la Poste néerlandaise, aujourd'hui privée, qui avait pour volonté de créer une branche qui serait le spécialiste du courrier postal international. Cette entité a été ajoutée aux équipes de l'express. Les deux autres membres de la joint venture ont ensuite rejoint cette structure hollandaise. Consignia demeure présente en France, sous son nom, avec ses filiales express et portage, Crie et Extand. Les prétentions de Spring sont claires. « Nous voulons devenir le premier opérateur indépendant de distribution du courrier international dans le monde », énonce Florence Joachin, directrice générale de Spring. C'est aussi la profession de foi de la Deutsche Post Worldwide Net, qui proclame qu'elle veut "devenir le partenaire mondial préféré en matière de solution de courrier international".

Agir comme une PME


Mais la directrice générale insiste sur le terme « indépendant », faisant référence à ses concurrents allemand et français, toujours dans le giron des Etats. « En tant que Poste privée, TPG n'est pas liée aux organismes d'Etat », précise-t-elle. Sous-entendu : elle n'en supporte pas les contraintes administratives. L'offre de Spring concerne le courrier prioritaire et économique, les colis, avec une offre express de dépannage via TNT Express, mais cette activité ne constitue pas une priorité pour la joint venture. Les services à valeur ajoutée, en revanche, sont mis en avant par Spring. Par exemple, le service de boîte postale, pour les sociétés qui ne sont pas présentes dans un pays, mais souhaitent récupérer les retours. Ou Global Collect, système d'encaissement à la place du client français, Mail Manager, un logiciel fourni aux clients pour la gestion du courrier international. Ainsi qu'un service de recommandé, centralisé par la Poste néerlandaise pour l'ensemble du monde. Si la Grande-Bretagne et les Pays-Bas restent les pays phares de l'offre Spring, l'alliance propose une injection directe locale dans vingt-cinq autres pays ; Spring voulant agir comme une PME, souple et réactive. Mais, comme ses concurrentes, elle n'affiche pas ses prix. Ils comportent une partie tarif public, associée à une analyse du trafic du client. Celui-ci se voit proposer différentes routes, avec des coûts et des délais différents. « Selon l'image qu'elle veut donner, l'entreprise ne veut pas forcément une flamme britannique ou néerlandaise », estime la directrice générale de Spring. A l'instar de la Poste suisse, l'alliance anglo-néerlandaise ne néglige pas le secteur des PME-PMI, qualifié d'« intéressant » par Florence Joachin. « Un client petit mais régulier permet d'assurer un fonds de commerce, sans attendre la grosse opération ponctuelle », avoue la directrice générale, qui veut séduire cette cible. Mais, en raison de leur éparpillement, adresser les petites sociétés demande beaucoup de travail de la part de l'équipe commerciale. D'ailleurs, Spring a fixé une limite basse pour offrir ses services : pas moins de 20 euros d'affranchissement par jour. Avec un chiffre d'affaires de 90 millions de francs en 2001 (13,72 millions d'euros) et 245 personnes, le routeur RDSL est l'une de ces PME que l'alliance des Postes britannique et néerlandaise cherche à séduire. RDSL expédie deux cents millions de mailings par an, dont 13 % à l'international, vers les Pays de l'Est, la Grande-Bretagne et l'Allemagne principalement. Ses clients sont des vendeurs à distance. Le routeur de la région parisienne a choisi Spring pour une partie de son courrier international (RDSL travaille aussi avec Deustche Post Global Mail) en raison de sa réactivité et des conditions de tarification. D'après Dominique Leonardi, P-dg de RDSL, « en fonction des volumes, les coûts de transport par Spring sont discountés. Nous pouvons ainsi travailler en toute transparence avec nos clients annonceurs, qui payent leur affranchissement en rapport avec le volume transporté. En France, pour un mailing de 10 000 exemplaires ou d'un million, le coût est le même ». Le routeur compte sur la libéralisation prochaine pour que La Poste adopte ce genre de disposition. « En France, le routage de presse bénéficie déjà de ces réductions », constate le P-dg de RDSL. Grâce à l'injection directe, les grands comptes français qui expédient vers l'Europe via RDSL et Spring peuvent bénéficier de conditions comparables au traitement domestique. En revanche, le traitement des retours se fait encore chez des prestataires locaux. Mais RDSL envisage de convaincre ses clients que sa société peut tout aussi bien assurer cette prestation.

Autonomie de décision sur l'international


Le routeur a même investi dans le logiciel de traitement des adresses anglaises du prestataire anglo-néerlandais. Grâce à ce traitement informatique, RDSL peut communiquer un prix à son client, déterminé par le volume d'envoi. Dominique Leonardi apprécie également les factures mensuelles de Spring, qualifiées de « très commerciales ». RDSL se sent traité comme un vrai client par Spring, contrairement à la Poste française, qui considérerait les routeurs comme des prestataires. Le routeur se dit prêt à travailler avec une Poste européenne sur le marché français après l'ouverture à la concurrence. A moins qu'il ne devienne une filiale de ces opérateurs étrangers, certains ayant déjà approché RDSL en vue d'un rachat. Pour l'instant, la réunion au sein de Spring des équipes des deux nationalités semble s'effectuer sans problème, les domaines de compétences des uns et des autres étant bien établis. Les trois acteurs comptent reproduire cette stratégie en nouant d'autres partenariats avec les Postes locales d'autres pays. Sans pour autant négliger un développement par acquisition : des achats dans le secteur de la logistique sont possibles. Néanmoins, Spring ne peut s'engager dans une course à la taille, avec un chiffre d'affaires de 450 millions d'euros en 2001 (10 millions pour Spring France), à comparer avec les 33,4 milliards d'euros de la Poste allemande ou les 17 milliards de son homologue français. D'ailleurs, l'alliance a délibérément choisi la niche de l'international, et réfute tout intérêt pour le marché domestique français. Ce dernier est toujours dominé par l'opérateur historique, qui n'a pas l'intention d'abandonner le secteur petit mais juteux de l'international. La Direction du Courrier International est le bras armé de La Poste pour les expéditions vers l'étranger. Cette division emploie 2 300 personnes, dessert 166 pays, a des accords avec 42 compagnies aériennes partenaires et propose 620 vols hebdomadaires directs. Le trafic export en 2001 a représenté 527 millions d'objets et le chiffre d'affaires (hors filiales) 5 % des revenus globaux du courrier, soit 459 millions d'euros. Pour Marie-Laure Perrin, responsable du marketing, « nous sommes comme une business unit, avec une vraie autonomie de décision par rapport au périmètre du courrier sortant de France vers l'étranger, ou venant des autres pays. Nous en avons la responsabilité commerciale et opérationnelle. »

Injection directe bilatérale


Cette activité vers l'international est plutôt en croissance, bien que les événements du 11 septembre dernier aient freiné cette tendance. Néanmoins, le courrier international reste une activité rentable pour La Poste, malgré la concurrence des Postes européennes. Et surtout, les entorses au monopole dont se rendraient coupables régulièrement certains de ses concurrents. « Ces dérapages se sont plutôt accentués ces derniers mois. Le marché de l'international est libéralisé de fait », pense Marie-Laure Perrin. Quant à l'ouverture prochaine du marché domestique, la responsable marketing de la division Courrier International n'est pas certaine que toutes les entreprises la souhaitent ardemment. « Les vépécistes, par exemple, ne sont pas forcément très sensibles à la libéralisation du marché local. Une grande partie de leur clientèle habite en zone rurale, et ils ne verraient pas d'un bon oeil une éventuelle augmentation des tarifs de livraison dans ces endroits plus difficiles d'accès que les agglomérations. » Pour son activité internationale, La Poste dit cibler tous les types d'entreprises, même si dans la réalité, les PME ne semblent pas bénéficier des mêmes services que les grands comptes, à l'instar d'Hermes Routage. La Poste a mis au point toute une panoplie de produits, dont les Access 10 kg, 30 kg et 100 kg. La variété des produits et des tarifs afférents nécessite un contact avec un commercial de la DCI. En cas de volumes suffisants, La Poste est prête à proposer des prestations spécifiques, comme la prise en charge de l'affranchissement ou l'injection directe, afin de pouvoir accéder, pratiquement à l'identique, aux conditions domestiques du pays de destination. « L'injection directe se fait souvent de manière bilatérale. Par exemple, avec l'Allemagne, le client français aura un tarif très légèrement supérieur au tarif domestique », précise Marie-Laure Perrin. Pour le marketing direct, La Poste propose son service IDM (International Direct Mail), avec des tarifs spéciaux sur l'ensemble des pays européens. Les services annexes tels que le nettoyage des bases de données et la correction d'adresses à l'étranger ne sont pas oubliés. La responsable marketing liste les points forts de La Poste sur l'international : densité du réseau commercial, pas de repostage, offre large et complète. Forte de ces atouts, la division Courrier International compte bien conserver son leadership. « Certains clients passés à la concurrence sont revenus chez nous », avance la responsable marketing, sans citer de noms. Malgré sa forte position, La Poste française risque néanmoins de retrouver sur son chemin les Postes européennes déjà présentes sur le segment de l'international. « La concurrence domestique viendra des acteurs qui font déjà du courrier international », conclut Marie-Laure Perrin.

Vers une ouverture progressive du marché


Les monopoles postaux ont vécu. Même s'ils continuent d'exister, leur fin annoncée devrait débuter le 1er janvier 2003. Aujourd'hui, seul le marché du courrier de plus de 350 grammes est ouvert à la concurrence. Au 1er janvier 2003, cette ouverture concernera les plis de plus de 100 grammes. En 2006, on passera aux lettres de plus de 50 grammes. Ces deux étapes devraient augmenter la part de marché du secteur concurrentiel de 10 % à chaque fois, soit 45 % du marché du courrier libéralisé en 2007, selon Martin Vial, président du Groupe La Poste (in "Les Echos" du 31/01/2002). La libéralisation totale ne devrait intervenir qu'à partir de 2009, et ce uniquement si la Commission Européenne donne son feu vert, ce qui n'est pas encore définitivement acquis, malgré la pression des lobbies patronaux. Pour Martin Vial, « l'accord conclu entre les Quinze est équilibré. Les positions françaises ont été entendues ». Reste à définir précisément les contours du service de base, dit service universel, qui restera à la charge des opérateurs nationaux, et à préparer avec soin cette ouverture progressive mais inéluctable.

Une course à la taille critique


Durant les cinq dernières années, les opérateurs postaux nationaux ont fortement investi dans le rachat de sociétés privées. Les quatre premières Postes européennes (Deutsche Post World Net, La Poste, Consignia et TPG) auraient acheté, selon la FFPI (The Free and Fair Post Initiative), plus de 120 entreprises issues des secteurs proches du postal, comme la livraison de colis, le transport et la logistique. A eux deux, la Deutsche Post et TPG en auraient acquis 90, dont 60 pour la Poste allemande. La Deutsche Post a ainsi réuni plus de cinquante sociétés dans une structure unique. Elle n'a d'ailleurs pas fini ses emplettes, puisqu'elle a des vues sur le routeur nordiste Distri Home. TPG, la Poste néerlandaise, a acquis récemment le logisticien Transports Nicolas. La Poste française n'est pas en reste, avec les prises de contrôle de DPD en Allemagne, premier réseau intégré de colis rapide en Europe, de Parceline et Interlink au Royaume-Uni (qui vont se fondre avec Chronopost UK dans GeoPost UK). Et ce n'est pas fini : l'opérateur national étudie d'autres acquisitions dans le domaine du colis, tout en évoquant la possibilité d'autres alliances. « Cette course à la masse critique existe bien, analyse Henri Dura, P-dg de Neopost, fournisseur de matériels et logiciels pour l'industrie postale. Exemple : si je travaille pour Danone en Europe, je dois centraliser leurs envois de documentation qui sont les mêmes partout. Il me faut donc atteindre une taille critique pour leur proposer une offre homogène. Il existe une tendance lourde à la concentration des acteurs. » En plus de cette croissance externe, les opérateurs postaux européens nouent des alliances pour élargir leur offre de services. Consignia, TPG et Singapore Post ont formé Spring. La Poste s'est alliée avec Poste Italiane, Correos y Télégrafos et Posten Ab. Elle a aussi noué un partenariat dans l'express avec Federal Express, premier réseau aérien intercontinental.

Le timbre dans tous ses états


L'affranchissement n'est toujours pas standardisé en Europe. Et ces distorsions énervent les entreprises, représentées par la FFPI, qui souffrent de l'absence de clarté dans les péréquations entre les différents prix pratiqués en Europe. « En regard du fait que les services postaux dans l'Union Européenne représentent approximativement 135 milliards d'objets par an, générant des revenus d'environ 80 milliards d'euros, soit 1,4 % du produit national brut, l'impact des différences de prix entre les timbres dans l'Union est considérable », explique ainsi la FFPI, reprochant aux Postes étatiques leur « manque de transparence systématique ». « Quand la Poste belge rapatrie du courrier du Diners Club Français, elle utilise le timbre belge, au prix facial différent du français. Les plis affranchis en Belgique sont distribués en France, La Poste récupère un tiers du prix du timbre. Mais si le coût du dernier kilomètre représente un tiers du prix du timbre, il est normal de récupérer ce montant », analyse de son côté Henri Dura, P-dg de Neopost. Ce système résulte d'accords internationaux qui ont abouti à une réglementation de l'Union Postale Universelle (UPU). Celle-ci délimite les règles de fonctionnement entre les Postes mondiales. Et, depuis les accords dits de Reims II, la Commission a accepté d'exonérer les Postes de l'accusation d'entente commerciale, à condition que les opérateurs s'engagent à améliorer la qualité de service (entre 85 et 93 % de distribution du courrier à J + 1). Des pénalités sont prévues pour les opérateurs qui n'atteindraient pas ces taux.

Les sites à consulter


www.consignia.fr www.deutschepost-globalmail.com www.freefairpost.com www.laposte.fr/courrierinternational www.neopost.fr www.posteurop.org/fra/ www.tntpost.com www.upu.int/fr

Patrick Cappelli

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page