Qu'est-ce qui fait courir Eric ?
Un patron social. « Il dialogue même avec la CGT », assure l'un de ses
proches. Serait-il un tantinet bourgeois bohème ? Qu'on se rassure, si son
coeur ne dédaigne pas le social, sa raison s'ancre autour d'un libéralisme
teinté d'humanisme. Son père était proche d'Alain Madelin et militait au sein
du CNPF. Mais Eric Dadian ne se shoote pas à l'ultralibéralisme de l'ancien
président de Démocratie Libérale. Ses accointances politiques le poussent vers
des figures comme Gilles de Robien, ancien maire d'Amiens et actuel ministre de
l'Equipement, des Transports et du Tourisme, avec qui il s'est "pacsé" lors de
l'implantation de son centre d'appels IntraCall Center à Amiens. Beau tableau
de chasse : 2 000 emplois créés dont 400 chez IntraCall. C'est vrai qu'on l'a
aidé : installé sur une zone franche, il ne paie pas de taxes pendant cinq ans.
Alors, même s'il peste maintenant contre les charges, difficile, pour lui,
d'envisager de se délocaliser à l'étranger. Car Eric Dadian paie toujours ses
dettes. Il évacue le dilemme d'un geste ample : « De toute façon, la politique,
ce n'est pas mon truc. Je lui préfère la diplomatie. » Difficile à croire alors
qu'il s'apprête, via l'Association française des centres de relation client
(AFRC) qu'il préside, à discuter avec le Mouvement des entreprises de France
(Medef). « Que devient l'AFRC ? Est-ce qu'elle se maintient comme outil de
pression sur les acteurs publics ? Ou doit-elle se transformer en association
patronale, capable de négocier, par exemple, le chantier de la formation
professionnelle ? » Le débat est ouvert. Et Eric Dadian ne déteste pas donner
des coups de butoir. On sent, chez lui, cette prestance de chef de meute, voix
de stentor matinée de gouaille, qui n'aime rien d'autre que de convaincre ou de
séduire. L'homme est bagarreur. Il le dit sans complexe. « Il faut être à
moitié fou pour créer une société aujourd'hui. Il faut avoir faim. Et comme
tous les immigrés, j'ai toujours faim. » La légende familiale pourtant se
construit autour d'une tragédie. Eric Dadian appartient à la troisième
génération d'immigrés arméniens à avoir fui la Turquie lors du génocide de
1915. C'est un fait, il ne lui faut jamais longtemps pour évoquer ses racines.
« Mes grands-parents étaient richissimes en Arménie. Lui était ingénieur, elle
appartenait à une famille qui possédait les pétroles de Bacou. Lorsqu'ils ont
fui, ils ne nous restaient rien qu'un appartement à Paris où les miens se sont
réfugiés. » Commence alors l'histoire d'une revanche sur ce destin qui les
dénude. « On apprend. On s'intègre. Nous gardons une vraie reconnaissance pour
la France qui nous a recueillis. » Eternelle saga de celui qui ne possédait
rien, parvenu à la force du poignet, au sommet. « Comme tous les déracinés,
nous autres, Arméniens, avions envie de nous battre pour réussir. On a toujours
quelque chose à prouver. » Voilà bien le défi : repartir de zéro et se
construire à nouveau une identité. Lui, c'est l'idée du service qui l'anime.
Avec une intuition : « La mobilité entraîne de nouveaux besoins. Besoins de
renseignements, de réservation... Je veux réinventer SVP pour le grand public.
» Il fonce. Mais s'avoue pourtant habité par le doute. « Si j'ai vendu ma boîte
à l'opérateur télécom Sonera, c'est parce que j'avais la trouille de déposer le
bilan. Pour moi, son arrivée dans le capital d'IntraCall permettait d'en
assurer la pérennité. » Pas dit qu'aujourd'hui, il ne s'en morde pas les
doigts. Sonera, ayant décidé en 2001, de vendre sa participation au fonds de
capital-risque 3i. Et si Eric Dadian a pu apprécier le "low management" des
Scandinaves, les exigences des Anglo-Saxons le hérissent. « Leur pression est
suicidaire. Il faut qu'on les mette au pas d'urgence. Car si, pour moi, qui
dirige une société encore en forte croissance, ça passe, les autres sont pris à
la gorge. » Un discours qu'on aimerait entendre de la bouche des politiques.
C'est dit : on vote pour lui !
Parcours
44 ans, marié, 2 enfants. Maîtrise de science de gestion (MSG) à Dauphine. Deux années à gérer une boutique de bijoux à New York. Retour en France où il intègre le cabinet de Jean-Louis Borloo, actuel ministre de la Ville. En 1987, il rejoint SVP comme directeur des systèmes et dirige ensuite la filiale SVP MultiInfo. Fin 1996, il crée l'association des utilisateurs de Nortel qui deviendra, en 1998, l'AFRC (Association française des centres de relation client) dont il assure la présidence. La même année, il monte sa société, IntraCall Center, à Amiens.