Musique en ligne : la bataille fait rage
A l'heure où la problématique du piratage musical trouve enfin une réponse à travers les offres de téléchargement payant, les plates-formes musicales se livrent une guerre sans merci pour la capture des parts de ce très compétitif marché. Bienvenue au royaume de la légalité la plus féroce !
Piratage sauvage, guerre des prix, bataille des formats, incompatibilités
technologiques, distributeurs en rogne, abus de position dominante et “doigts
d'honneur” inaugurant la fin du cauchemar du piratage et le début du règne du
téléchargement payant. Voici quelques aperçus du climat, un rien orageux, qui
règne sur le naissant marché européen de la musique en ligne. Un marché devenu
pourtant incontournable pour les acteurs de la distribution traditionnelle qui
y entrevoient à la fois un moyen de mettre un frein à la pratique du piratage
et l'opportunité d'accroître leurs sources de revenus. Idem pour les éditeurs
de catalogues musicaux, les majors du disque ; ils retrouveront un second
souffle grâce aux développements de nouveaux modes de consommation induits par
Internet. Un marché stratégique aussi, et pourquoi pas, pour les constructeurs
de matériel informatique ou de baladeurs numériques, le business de la musique
en ligne leur offrant une opportunité de pousser indirectement leurs ventes
d'ordinateurs et de lecteurs. En somme, à la lueur des enjeux du business de
la musique en ligne, rien d'étonnant à ce que le développement de ce secteur
connaisse quelques conflits structurels.
Trouver le modèle rentable
D'autant que, nul ne pouvant parier sur la formule
gagnante qui permettra de transformer cette jeune industrie en business
rentable, tous les espoirs sont encore permis,chacun y allant de son “Music
Store”… Côté recettes, le cabinet Forrester Research estime que ce marché
devrait générer 1,6 milliard de dollars en Europe d'ici 2007. De quoi
encourager les acteurs de la distribution traditionnelle - à qui revient sans
doute la palme de la légitimité sur ce marché - à développer des plates-formes
légales. Or le créneau ne cesse de se peupler de nouveaux entrants aux
positionnements et business models aussi différents que compétitifs. Mais
l'essai reste à transformer.
Structurer le marché
Pionnier sur l'Hexagone, la filiale internet de Lagardère, VirginMega, a ouvert
le bal en avril 2002 avec une plate-forme plutôt aboutie sur les plans
technologique et fonctionnel, mais proposant une offre restreinte à quelques
milliers de titres issus des catalogues de labels indépendants. « Notre
priorité n'était pas de générer des bénéfices, mais de contribuer à structurer
le marché du téléchargement légal », rappelle Laurent Fiscal, Dg de
VirginMega. Un million de ventes de sonneries musicales plus loin, le site
relance son “self service music” avec, cette fois, une offre nettement élargie.
En juin dernier, il proposait près de 350 000 titres issus des catalogues des
cinq majors et de ceux des principaux labels indépendants. Pour s'imposer,
VirginMega mise sur plusieurs atouts : la pertinence de son catalogue constitué
pour 50 % d'offres locales, ce qui n'est pas le cas pour la plupart de ses
concurrents ; son modèle commercial à la carte et les services du site. Seul
inconvénient : les fichiers téléchargés sur VirginMegas souffrent
d'incompatibilité avec les baladeurs iPod d'Apple. Et pour cause, ce dernier
s'appuie sur une logique propriétaire savamment orchestrée afin de décourager
les internautes de s'approvisionner auprès de la concurrence…
La musique, produit de vente indirecte
Fort de ses 70 millions de
téléchargements payants aux Etats-Unis, son marché natif, et de ses 20 % de
parts du marché des baladeurs numériques, Apple vient de lancer son Music Store
en Europe avec la ferme intention de s'imposer en leader. iTunes intègre un
lien direct vers la boutique musicale d'Apple riche de 700 000 titres aux
tarifs les plus bas du marché et tous disponibles à la pré-écoute. La réplique
en Europe du succès américain n'est pourtant pas garantie. Car, pour dévorer
les parts de ce marché, l'éditeur d'iTunes Music Store est condamné à
l'ultra-démocratisation du baladeur iPod. C'est d'ailleurs son but avoué. Faute
de quoi, les consommateurs équipés de modèles incompatibles pourraient, un
jour, déserter le site de la marque à la pomme. Mais nous n'en sommes pas là.
Quoi de scandaleux, donc, si la brèche ouverte par iTunes offre un chemin
stratégique tout tracé à son principal concurrent ? A l'instar d'Apple, Sony
exploite le canal de la vente en ligne dans le but d'accroître ses parts du
marché des lecteurs nomades. Le kiosque musical du Japonais, baptisé
SonyConnect Europe, vient de rentrer dans la danse, 500 000 titres à l'appui.
Rien à envier, a priori, à son concurrent Apple, si ce n'est sa clientèle de
porteurs d'iPod, qu'il sera difficile de convertir aux baladeurs Sony. Des
manœuvres stratégiques plus soutenues s'imposent, d'autant plus que, du côté
des distributeurs, la perspective d'un marché structuré autour de modèles
propriétaires est rejetée en bloc.
Les distributeurs dans la tourmente
En effet, pas question pour eux de se faire édicter les
règles du jeu par des impétrants dont la vente de musique n'est que prétexte et
non le cœur de métier ! Aussi VirginMega a-t-il tiré le premier contre Apple.
En cause, le refus de ce dernier de lui accorder une licence permettant de
transférer les musiques achetées chez VirginMega sur les iPod. Pire, l'éditeur
de Real Player s'est vu lui aussi dénoncé par Apple pour avoir rendu compatible
les fichiers iTunes avec son lecteur. Après la lutte acharnée contre le
piratage, il faudra s'habituer à la guerre des formats ! Et la contestation
risque d'enfler avec l'arrivée de nouveaux acteurs, dont le fameux Napster,
Microsoft et Fnac. Ce dernier a d'ailleurs repoussé le lancement de sa
plate-forme prévu en juin. Quant au modèle économique, il devra tenir compte de
la problématique des baladeurs… Autant dire qu'il ne sera pas aisé d'émerger
sur ce marché où la simple expérience de la distribution de musique ne semble
déjà plus constituer un avantage stratégique.
Packard Bell inaugure le tout en un !
Dans le sillage d'Apple et Sony, le constructeur de PC lance, en France, Allemagne et Angleterre, son service de téléchargement musical. Partenaire d'OD2 (On Demand Distribution Download), la Packard Bell Music Station propose un catalogue de 350 000 titres, une boutique musicale et un plug-in spécial pour Windows Media Player 9. La plate-forme musicale inaugure le lancement d'une nouvelle gamme de solutions, qui comprend aussi des PC et des lecteurs de musique numérique.