Médecins Sans Frontières mise sur le prélèvement
Plutôt que de lancer des campagnes lourdes destinées à récolter des dons, Médecins Sans Frontières a choisi, il y a cinq ans, de lancer une formule de prélèvement automatique. Avec succès.
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Médecins Sans Frontières est un cas à part dans le domaine du caritatif.
Cette association a un positionnement atypique sur un "marché" où les "clients"
sont traditionnellement des seniors. Contrairement à la majorité des
organisations caritatives, son coeur de cible est plutôt composé de baby
boomers, des baby boomers désormais seniors. Des donateurs qui sont
caractérisés par une forte exigence de transparence, une appétence pour le
commerce équitable et l'absolue volonté de savoir à quoi servent les sommes
qu'ils offrent au mouvement. Autre différence, Médecins Sans Frontières ne
pratique pas l'échange de fichiers avec les autres oeuvres. Quant aux méthodes
de collecte de fonds, l'association a recours à 88 % au marketing direct. Un
marketing direct qu'elle pratique en interne ; elle n'a jamais recours à une
agence pour monter ses campagnes.
Phases de vie
Pour
Stéphane Merger, directeur marketing de Claritas, la borne des 50 ans marquant
l'appartenance au segment senior, est artificielle. « Il y a une marge de
manoeuvre énorme, entre les seniors de 45-55 ans, dont les enfants sont partis
et qui peuvent lever le pied sur l'épargne et se faire enfin plaisir, et ceux,
dans la même tranche d'âge, retraités sans enfants, vivant en milieu rural,
amateurs de jardinage et possesseurs de Sicav et d'obligations. » Plutôt que de
parler d'âge, la SSII Oktos a constitué une typologie, en utilisant les données
de la base de Claritas, prenant en compte les phases de vie. Typologie qui a
permis de classifier les seniors selon leur comportement. Et Médecins Sans
Frontières a été la première institution caritative à utiliser cette typologie
pour arriver à déterminer la cible idéale de donateurs.
Martingale
Les associations caritatives sont en effet
face à un dilemme. Le gisement de donateurs n'est pas inépuisable et la
stratégie de la plupart d'entre elles, consistant à échanger leurs fichiers a
un effet pervers : la source, trop sollicitée, a tendance à se tarir. MSF, il y
a cinq ans, a créé la surprise en lançant une nouvelle opération : le
prélèvement automatique d'un franc par jour - qui est passé à un euro par
semaine - en faveur de l'association. Un pari risqué, l'opération n'étant
réellement rentable que si les donateurs continuent d'y souscrire pendant
plusieurs années. Pari risqué également car beaucoup de donateurs âgés sont
allergiques à ce type de formule. Mais pari gagné car, à ce jour, 45 % des
ressources de MSF proviennent de prélèvements automatiques. Une solution qui
semble même une vraie martingale, 95 % des donateurs par prélèvement continuant
sur plusieurs années, alors que 30 à 40 % des donateurs qui envoient des
chèques disparaissent de la base au bout d'une année. De plus, les donateurs
par prélèvement, fidélisés, n'ont pas besoin de recevoir beaucoup de mailings.
Auparavant, MSF envoyait neuf brochures par an à tous ses donateurs, désormais,
trois journaux par an suffisent. Une formule gagnante qui a vite été copiée par
d'autres associations. Reste que ce type d'opération colle parfaitement avec
l'image de MSF, dynamique et citoyenne. Et il est peu probable qu'elle puisse
être appliquée mécaniquement à n'importe quelle association. Pour Pierre
Lerouge, directeur associé d'Oktos, « MSF a compris que le profil de ses
donateurs était différent, et a su se projeter sur la durée ». Preuve que le
système fonctionne, les oeuvres qui ont pour habitude d'échanger leur fichiers
ne le font jamais avec les fichiers des prélevés. Ces fichiers valent de
l'or... Sur la durée.