Logistique MD: une chaîne de Métiers de plus en plus étendue
Ouverture du marché postal, multiplication des synergies multicanal, avancées technologiques... Autant de nouvelles donnes qui bousculent le métier des prestataires logistiques. Pour s?adapter, ces «ex-routeurs» ont petit à petit élargi la gamme de leurs prestations en passant maîtres d'oeuvre de la chaîne logistique. Ils disposent désormais d?une place stratégique dans le circuit qui mène le courrier à son destinataire final.
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Xavier Moreau (Arvato Services):
«Nos clients souhaitent une communication de proximité.»
Baptisés routeurs dans les années quatre-vingt, ils ont vu leur champ d'intervention s'élargir petit à petit. Dans les années quatre-vingt-dix, les routeurs sont devenus des prestataires de la logistique, des experts de la donnée. Pour s'adapter à une demande de plus en plus exigeante, et en particulier de la part des VADistes, ces prestataires proposent désormais l'accompagnement des clients par rapport aux nouvelles normes postales, mais aussi la prise en charge globale des opérations sur la chaîne en amont, de l'achat du papier à la fabrication, et traitent parfois la partie aval en intégrant la gestion des commandes et des retours. Réaliser du «sur mesure» avec des processus industriels, c'est tout le challenge de ces nouveaux prestataires qui doivent en prime répondre à des contraintes de coûts et de timing. Aujourd'hui, le secteur subit encore des changements qui transforment en profondeur l'activité. Parmi ces bouleversements figurent la dématérialisation du routage, le mailing personnalisé et, bien entendu, l'ouverture à la concurrence européenne du marché postal. Au moment de la bulle Internet, de nombreux experts avaient prédit une chute brutale de l'utilisation du papier, voire l'arrivée du zéro papier. Ils se sont trompés.
La dématérialisation du routage
Qu'il s'agisse de courriers ou de catalogues, ces derniers continuent à être édités et distribués.
Cependant, Xavier Moreau, directeur général d'Arvato Services, observe une diminution des envois par courrier. «Certes, nous avons perdu en volume, mais la qualité prime désormais sur la quantité. Nos clients souhaitent une communication de proximité, personnalisée. Et, concrètement, cela se traduit par une plus forte segmentation.» Même constat chez Diffusion Plus: «L'époque où les clients nous confiaient de volumineux catalogues par centaines de milliers d'exemplaires est révolue. Aujourd'hui, ce n'est plus pensable. Les fichiers sont mieux qualifiés et la qualité du document nettement améliorée», déclare Frédéric Goy, directeur général adjoint. Même si les campagnes d'e-mailings ont le vent en poupe, le document papier n'a pas dit son dernier mot. Les prestataires se mobilisent ainsi pour trouver de nouvelles idées destinées à marier papier et développement durable. L'agence Excel, par exemple, propose le «Mailing vert», basé sur des emballages biodégradables. D'autres misent sur une synergie on line/off line. «A moyen terme, nous imaginons une offre combinant nouvelles technologies et papier avec, pourquoi pas, un e-mail qui annoncera un mailing papier dans la boîte aux lettres du consommateur!», remarque Philippe Grenier, p-dg de DHL Global Services.
Chez Beecom, filiale d'Actimail Group, la tendance se précise. «Le marketing direct devient de plus en plus interactif Les agences de notre groupe, spécialisées dans la fabrication et la logistique de campagnes offline, élargissent leurs domaines d'intervention en proposant désormais un large éventail de prestations relevant de l'e-marketing», note Michel Bruyr, directeur général d'Actimail Groupe. Et d'ajouter: «Internet n'a pas tué le papier. Simplement, le mailing papier a évolué, le consommateur appréciant de plus en plus les messages personnalisés.»
Le second axe de changement porte sur le développement de la personnalisation des mailings et son application dans les campagnes de marketing «one-to-one». Les grands donneurs d'ordres souhaitent des mailings pertinents pour être les plus efficaces possible.
Le coût du mailing personnalisé
Mais la personnalisation implique aussi de gros investissements en matière de base de données. «Plus la segmentation est fine, plus il faut investir dans du matériel adapté et des investissements lourds. Nous ne produisons pas à la même vitesse un mailing de 1000 plis et un autre de un million de plis», explique Philippe Grenier. D'autres choisissent des modèles économiques différents, c'est le cas de Beecom. «Nous sommes des spécialistes et, à ce titre, nous ne possédons pas de parc machine. Nous faisons appel aux meilleurs sous-traitants en fonction des besoins de nos clients», précise Michel Bruyr. Pour aller plus loin dans la personnalisation, certains prestataires misent sur le marketing direct géolocalisé. C'est le cas de Cifea DMK qui a travaillé pour un constructeur automobile ayant décidé de faire entrer le marketing direct dans tout son réseau de concessions, pour harmoniser le discours et la charte marketing. «Nous avons développé des opérations locales pour les concessionnaires qui découvrent le marketing direct via des mailings adressés (assistés ou libres) et qui laissent une autonomie au réseau», indique Bruno Chevalier, directeur du développement chez Cifea DMK. Reste que les prestataires de la logistique doivent aussi faire le grand écart entre la personnalisation et les coûts. «La personnalisation doit être conçue dans le cadre d'un processus industriel, pour être corrélée au meilleur rapport qualité/prix», remarque Bruno Chevalier. Un objectif possible grâce à la technologie numérique. Les envois sont personnalisés et imprimés individuellement sur une presse numérique haute cadence alliant des possibilités de personnalisation poussées et une grande fluidité de production.
Michel Bruyr (Actimail Groupe):
«Internet n'a pas tué le papier.»
L'ouverture à la concurrence du marché postal
Pour anticiper la libéralisation du marché du courrier en France, La Poste a fait le choix de l'offensive commerciale avec Cap Qualité Courrier (CQC). A l'origine de CQC, un constat simple: les entreprises recherchent une qualité et une fiabilité irréprochables, un courrier simple d'un bon rapport qualité/prix et des solutions globales. Celles-ci devant permettre de renforcer l'efficacité de leurs campagnes de marketing direct et d'optimiser l'ensemble des processus de gestion de leurs documents et de leur courrier. Du côté des prestataires de la logistique, les choses ne sont pas aussi simples. Parmi les changements, il y a le remplacement des sacs postaux par des contenants rigides. «C'est une nouvelle façon de travailler. Avec les contenants, La Poste amène des perspectives industrielles qui bouleversent notre façon de travailler: le tri postal n'a plus rien à voir. En effet, le montant de l'affranchissement sera déterminé par notre capacité à trier le plus finement possible les plis en fonction du regroupement défini par La Poste», indique Frédéric Goy. Un changement des processus qui impacte la façon de travailler, mais aussi le système d'information des entreprises prestataires qui doivent désormais s'équiper en solutions RNVP. «Cela fait deux ans que nous testons les nouveaux conteneurs postaux et la mise en place des processus industriels. Les investissements sont lourds. Il faut plus de 1,2 million d'euros pour adopter nos outils. Mais, à l'issue de cela, nous pourrons calculer exactement le budget d'affranchissement et proposer à nos clients une offre plus précise», constate Xavier Moreau. En outre, l'arrivée de nouveaux opérateurs ne va pas nécessairement simplifier la tâche des routeurs car chaque distributeur aura probablement une logique différente dans la présentation des adresses, dans la logistique, et de fait imposera aux prestataires de préparer différemment les fichiers clients. A ce niveau, les conseils et l'accompagnement des clients sont impératifs. «Nous allons vers une efficacité plus pointue. Notre rôle est d'accompagner nos clients dans cette démarche pour lever un certain nombre de contraintes lourdes en matière de préparation», précise Michel Bruyr. Les prestataires logistiques se montrent adaptables face aux contraintes techniques, aux nouveaux processus postaux, aux délais de plus en plus courts imposés par les clients... Leur champ d'intervention ne cesse de croître. Aujourd'hui, ils se positionnent plus comme des partenaires de leurs entreprises clientes que des prestataires. Parions sur l'avenir qui leur donnera l'occasion de le prouver une fois de plus.
Bruno Chevalier (Cifea DMK):
«La personnalisation doit être conçue dans un processus industriel.»
Igor Chauvelot (Danone):
«Nos prestataires sont des partenaires capables de nous accompagner dans notre prospection.»
Danone mise sur la qualité du service et l'accompagnement
Pour le numéro un mondial des produits frais, qui effectue plusieurs millions d'envois par an, les prestataires logistiques doivent fournir un service de qualité irréprochable et accompagner le groupe sur l'évolution de plus en plus complexe de la segmentation.
En janvier 2006, Danone a lancé «Danone et vous». Ce programme, présent sur les canaux print et Web, est destiné à accompagner les consommateurs sur les marques du Groupe. Le programme print comprend l'envoi d'un Guide Annuel (en janvier) sur l'alimentation et la santé, de trois magazines (en janvier, mai et septembre) ainsi que des opérations promotionnelles. L'objectif de la campagne est de générer des revenus supplémentaires en exposant au programme des foyers sélectionnés pour leur réactivité probable. Pour le groupe, cela signifie l'envoi de plusieurs millions de plis par an. «Les volumes print ont baissé au profit du Web, désormais, nous développons au maximum la personnalisation», déclare Igor Chauvelot, responsable achat CRM Unit chez Danone. Pour répondre à cette problématique, les prestataires logistiques ont dû s'adapter. «Ils sont le dernier maillon de la chaîne avant le dépôt Poste. Nous investissons lourdement dans nos campagnes au niveau de la conception, de l'impression, etc. Nous travaillons quotidiennement à limiter les pertes liées à l'ensemble de la chaîne logistique. La qualité de service de nos prestataires doit être irréprochable», résume Igor Chauvelot. Arvato Services, l'un des prestataires logistiques de Danone (le second étant le groupe Diffusion Plus), a dû s'adapter à l'exigence de qualité concernant la base de données consommateurs du groupe. La qualité portant sur deux points essentiels: la rigueur dans le traitement de dossiers complexes et la satisfaction client. Le dépôt Poste effectué, l'opération est close et irréversible. La moindre erreur est irréparable. «Le prestataire doit pouvoir réaliser un tri pour La Poste, en fonction des clients, dans le cadre de mailings différenciés d'un consommateur à l'autre. Cela impose une expertise sur le traitement de la donnée», résume le responsable achat CRM.
Prestataire logistique: un véritable partenaire
Pour Igor Chauvelot, le métier de la logistique est en train d'évoluer
«Aujourd'hui, nos prestataires sont des partenaires capables de nous accompagner dans notre prospection. Nous travaillons ensemble pour mieux anticiper les problèmes et nous leur demandons d'apporter des solutions.» Un exemple? Le prestataire a un rôle de conseil à jouer auprès du client, en particulier pour éviter qu'il ne soit pénalisé par des tarifs postaux peu avantageux. Chez Danone, il conseille également sur le format de présentation des envois, avant que le service marketing de Danone ne valide les spécifications techniques des différents supports imprimés.
«Avec le programme «Danone et vous», il s'agit de travailler sur des bases de plusieurs millions de personnes. Les prestataires doivent alors faire le grand écart entre la solution la plus sûre et la plus efficace. Pour réaliser cette gymnastique, ils vont nous accompagner dans la traduction technique des demandes de notre marketing (insertion d'un code de sélectivité...)», précise Igor Chauvelot. Créativité, flexibilité et rapidité: trois critères indispensables pour travailler avec Danone. «La rapidité est indispensable. Elle est un facteur de compétitivité. Lorsque nous décidons d'activer une de nos cinquante marques, le prestataire doit assurer et répondre dans les meilleurs délais.» A terme, le responsable prédit une tendance lourde vers la dématérialisation liée aux nouvelles technologies et au développement durable. «Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à la qualité de leur environnement. Le Web monte en puissance, et devrait, avec le temps, continuer à prendre de l'importance. Mais, le print, pour des raisons historiques, devrait continuer à se développer avec des messages très ciblés, plus personnalisés et dans des délais de plus en plus courts», conclut Igor Chauvelot.
François Couignoux (Excel):
«Une démarche experte est seule garante de l'efficacité des résultats.»
Excel, très attentive aux coûts et à la réactivité
Agence spécialisée en fundraising, Excel met en oeuvre des centaines de campagnes pour les secteurs associatifs. Le choix de ses prestataires s'est établit en fonction de critères économiques et de leur forte réactivité.
Depuis 20 ans, Excel conseille et met en oeuvre des stratégies de communication et de développement des ressources pour le secteur non-marchand. «La collecte de fonds représente un objectif majeur de communication pour les ONG; cette activité étant vitale pour bon nombre d'entre elles», constate François Couignoux, directeur général de l'agence. Pour recruter de nouveaux donateurs, les ONG recourent à de nouvelles techniques comme le street marketing (proposition de souscrire un prélèvement automatique pour une ONG dans la rue), ou diversifient leurs moyens de collecte en proposant des produits de partage, les dons en ligne, les cadeaux solidaires, etc. «Nous réalisons plus de 300 campagnes par an, soit plus de 26 millions de messages déposés», résume le directeur général, qui ajoute: «Le marketing direct associatif est devenu une discipline très pointue. De la création à la segmentation des bases de données, en prospection comme en fidélisation des donateurs, une démarche experte est seule garante de l'efficacité des résultats.» Si l'expertise est un critère indispensable, la réactivité est incontournable. «En effet, lors d'une catastrophe naturelle, l'émotion est grande. Face à la concurrence des ONG, c'est la première qui sera présente dans la boîte aux lettres du donateur qui va récolter les fonds. La réactivité de notre prestataire est donc primordiale», explique François Couignoux. Pour répondre à ses objectifs, Excel fait appel à différents routeurs, dont le groupe Diffusion Plus. «Nous créons le message. Diffusion Plus reçoit tous les éléments, personnalise le message, réalise la mise sous pli et le routage.» Le marketing associatif exige une personnalisation pointue. Comme le définit François Couignoux, «le don, c'est le marketing de l'émotion. Nous ne pouvons pas donner l'impression d'avoir réalisé des mailings de masse et travaillons donc au maximum l'individualisation du message. Concrètement, cela se traduit par une forte segmentation et de la personnalisation fine.» Un troisième critère vient s'ajouter pour le prestataire: les coûts. «Les associations sont très attentives aux coûts, même si le principal, l'affranchissement, peut difficilement être concurrencé. Nous attendons de tous nos prestataires qu'ils nous apportent la meilleure solution au moindre coût», remarque le directeur général. Depuis quelques mois, l'agence propose en partenariat avec son prestataire, le «Mailing vert», un concept qui séduit de plus en plus les associations.
Le «Mailing vert»
«La collecte de fonds par mailing a un impact non négligeable sur l'environnement, impact dont sont conscients les donateurs, les associations... et nous aussi! Il était donc temps de proposer une réelle alternative, qui ne soit pas faite uniquement de papier recyclé...» L'agence propose désormais le Mailing vert, un mailing éco-conçu et éco-réalisé. Avec cette offre, c'est sur l'ensemble de la chaîne de production qu'Excel et ses partenaires s'engagent à protéger l'environnement, par exemple en utilisant des emballages de film biodégradables ou des substituts qui respectent l'environnement. «Ces engagements seront garantis par un respect de normes et labels européens et internationaux les plus stricts», ajoute François Couignoux. A la question: n'est-il pas plus simple de passer à l'e-mailing? la direction de l'agence est formelle. «Si Internet est incontournable pour les associations, le mailing papier demeure le canal traditionnel de collecte. Le Web reste aujourd'hui un média relationnel voire transactionnel, mais encore peu déclencheur de don dans des grands volumes (hors périodes d'urgence médiatisée).» Mais, l'agence estime que les «nouveaux» donateurs (plus jeunes), seront de plus en en nombreux, lorsqu'ils recevront une demande de don, à aller voir le site en ligne pour mieux connaître l'association et y faire un don. «Ceci se fera progressivement, car il ne faut pas oublier que la cible privilégiée des ONG demeure les seniors, même si ces derniers se mettent de plus en plus à Internet», conclut François Couignoux.
Avis d'expert
Chaque campagne est unique
Par François Varin, directeur de Beecom Paris (Actimail Group), membre du SNCD
«En choisissant des plans raisonnables, en s'y tenant avec fermeté, en respectant la logistique, le général Eisenhower mena à la victoire la machinerie compliquée et passionnée des armées du monde libre.» (De Gaulle, Mémoires de guerre, 1946, p. 118).
Cette évocation du mot logistique illustre bien les fondamentaux et les enjeux de cette discipline appliquée aux métiers du marketing direct. Il ne faut pas oublier qu'un mailing, en plus de la matière grise nécessaire à son élaboration, c'est aussi plusieurs tonnes de papier et une quantité considérable d'informations et de données à gérer. La maîtrise de la logistique peut se résumer en trois grands thèmes: l'organisation, la planification et la gestion des flux.
L'organisation de la chaîne logistique en marketing direct nécessite d'avoir une vue d'ensemble. En effet, prendre de la hauteur permet d'envisager une opération dans son entier, et non pas seulement comme une succession de tâches et ce, afin de mieux intégrer les contraintes de chacun des métiers de la production, de l'adresse au dépôt Poste. Cette vision permet notamment d'identifier les zones de risques, les points de blocage ou les goulets d'étranglement pour permettre d'organiser des voies de délestage, des solutions de back-up, des zones de sécurité afin que l'ensemble fonctionne avec une garantie de bonne fin maximale.
Le marketing direct, c'est aussi une question de timing: la bonne communication vers la bonne cible, au bon moment. La planification est donc fondamentale pour mener à bien une campagne; que ce soit dans l'urgence ou dans une configuration classique (donc tendue), elle doit permettre la réalisation et l'enchaînement des tâches dans la plus grande fluidité tout en ménageant impérativement des points de contrôle à chaque étape de la production.
Enfin, la gestion des flux de papier et de données a elle aussi son importance. Les notions de tri, de stockage, de mise à disposition des adresses ou des documents doivent être maîtrisées et anticipées pour éviter les ruptures de charge et respecter les plannings. Chaque campagne est unique et sa logistique sur mesure.