Liliane Manent France Loisirs
Plus que trentenaire, le Club a redéfini il y a un an son positionnement, relayé par une nouvelle campagne de publicité. Il a fallu aussi l'installer au sein des différents canaux (catalogues, boutiques, centre d'appels, site internet…). Le point sur ces changements en profondeur avec Liliane Manent, son directeur marketing.
Je m'abonneQuelle était la situation de France Loisirs lors de votre arrivée, en 2001 ?
Disposant d'une très grosse puissance de
marque mais faisant figure de “belle endormie”. Il y avait un flou énorme à
propos de la mission de France Loisirs. Il existait entre l'entreprise et ses
adhérents un désamour, un dépit amoureux. Les adhérents aimaient France
Loisirs, mais avaient le sentiment que l'entreprise les aimait moins. Il y
avait clairement un besoin de reprendre la parole. Dans ce contexte, la
volonté du président Marc Olivier Sommer était de mettre l'adhérent au cœur de
l'entreprise. Pour cela, il fallait redéfinir notre positionnement, savoir qui
on voulait être. Il fallait connaître quels étaient nos points les plus
crédibles. A l'issue d'études, de tests de concept, il est apparu que ce qui
était le plus fort, le plus convivial, c'était la notion de découverte. France
Loisirs pouvait promettre à ses adhérents de faire de nouvelles découvertes.
D'où la signature : “Vous n'êtes pas au bout de vos découvertes”. On promet à
l'adhérent de découvrir des articles auxquels il n'aurait pas pensé.
Ce qui a débouché sur une campagne de publicité au printemps 2003…
Oui, cette campagne était importante. C'était notre première
vraie campagne d'image, mais il fallait l'enrichir, lui donner des preuves. Ce
nouveau positionnement s'est décliné dans le catalogue : nous annonçons nos
partis pris éditoriaux. L'adhérent doit comprendre pourquoi on choisit tel ou
tel ouvrage. Nous avons travaillé sur toutes les communications envoyées à
l'adhérent, que ce soit par courrier, par téléphone et en boutique. Tous les
points de contact ont été travaillés pour traduire ce nouveau positionnement.
Vous venez de revoir votre politique de fidélisation. Quelle en est la teneur ?
Nous avons lancé un nouveau programme de
fidélisation, depuis le 15 mars dernier, qui remplace le précédent. 40 % de nos
adhérents n'achètent pas de livres ailleurs que chez nous, et 60 % achètent
ailleurs. Ceux-là, nous souhaitons qu'ils redeviennent plus “amoureux”, pour
venir dépenser davantage chez France Loisirs. Nous voulons augmenter le panier
moyen de l'adhérent et renforcer sa fidélité en déplaçant ses dépenses vers
France Loisirs. Autre impératif : nous voulions que le programme soit simple
et compréhensible. Auparavant, l'offre fidélité portait sur le premier article
acheté. Or, l'adhérent a l'engagement d'acheter un livre tous les trimestres.
Il fallait une mécanique, qui l'incite à un deuxième achat. Désormais, dès le
deuxième produit acheté, l'adhérent, se voit proposer des réductions, s'il est
porteur de la carte Argent (trois ans d'ancienneté au Club) ou de la carte Or
(cinq ans d'ancienneté au Club). L'ancienneté est le critère officiel pour
passer d'un stade à l'autre. Dans ce nouveau programme, il fallait garder la
notion d'ancienneté et introduire une “valeur client”. Ce critère est utilisé
en one-to-one. Par ailleurs, dès le deuxième article acheté, des réductions
sont proposées sur une cinquantaine de produits par trimestre. Puis des offres
différenciées autour de la saison ainsi que des offres de services
(emplacements privilégiés pour des spectacles, offres spécifiques dans
l'univers de la photo, du voyage…). Nous créons des offres tous les trimestres,
avec des pages dédiées dans le catalogue.
Y a-t-il d'autres nouveautés ?
Le “coffret anniversaire” constitue une autre action
mise en place pour récompenser la fidélité Il doit être adressé à l'adhérent à
l'occasion du 10e, 20e ou 30e anniversaire de son entrée chez France Loisirs.
200 000 envois sont prévus en plusieurs vagues. Principe de l'opération : un
mailing est envoyé à l'adhérent en fonction de son canal d'achat (vente à
distance ou magasins). Il attribue “un certificat d'appartenance au Club” et un
bon pour un cadeau de fidélité. Quand l'adhérent se présente dans un magasin,
le vendeur lui demande s'il souhaite un coffret avec un livre (extraits de
textes sur l'amour et la fidélité) ou un CD (titres des années 70/80/90). Pour
l'instant, c'est le CD qui marche le mieux. Figurent également dans le coffret
: une brochure avec les grands moments de France Loisirs au cours des trente
dernières années et un pin's, dessiné par Arthus-Bertrand.
Avez-vous déjà des retours sur ce nouveau programme ?
Au bout de
quinze jours, nous avons eu les premières remontées du terrain, des boutiques
et du call center. Il constitue une très forte aide à la vente additionnelle et
une gratification. D'autant qu'une nouvelle carte a été envoyée sur une partie
du fichier, vers ceux qui devaient être upgradés, quelle que soit la
catégorie.
Comment s'articule le dispositif des cartes de fidélité ?
Tout adhérent qui rejoint le Club se voit remettre une
carte de couleur bleue, qui est gratuite. Puis, c'est le passage à la Carte
Argent, ensuite à la Carte Or et enfin à la Carte Platine, au bout de quatorze
ans d'ancienneté. Celle-ci est adressée à 4 % de nos adhérents, qui réalisent
16 % du chiffre d'affaires. Nous ne communiquons jamais dessus dans le
catalogue ; il s'agit uniquement d'une communication one-to-one. Elle offre des
avantages supérieurs et différents de ceux de la Carte Or. C'est cette dernière
qui est possédée par le plus grand nombre d'adhérents (2 millions) car la
moyenne d'ancienneté chez France Loisirs est de huit ans.
La fidélisation est à l'honneur chez France Loisirs, mais qu'en est-il de la prospection ?
Nous utilisons plusieurs médias de recrutement. Le
porte à porte, qui est le média roi, mais aussi le mailing couponning, pour
lequel nous louons des fichiers de vépécistes, qui travaillent la même cible
féminine que nous ; l'annonce en presse féminine et télévision, qui est un
média très coûteux ; le parrainage et, bien évidemment, le recrutement en
boutique. Depuis trois ans, nous avons stabilisé notre fichier : nous perdons
et gagnons environ 700 000 adhérents par an. Nous n'allons pas vers un
recrutement massif, notre volonté est plutôt de fidéliser et de rester autour
des 4 millions d'adhérents.
Comment segmentez-vous vos actions de communication ?
100 % de notre cible (catalogue et magasins)
reçoit le catalogue. Quatre catalogues principaux sont envoyés par an auxquels
il faut ajouter des hors-séries adressés chaque année à nos meilleurs clients
(Noël, rentrée, beaux jours…). Nous avons fait un gros travail par canal
d'achat. Nous avons segmenté nos communications en fonction des comportements
qui sont très différents selon que l'on est acheteur magasins ou acheteur vente
à distance. Au maximum, nous avons 5,6 packages différents pour l'envoi du
catalogue, plus trois, quatre relances à la mi-trimestre. Le principe est de ne
pas faire de sous-segmentation, ni de micro niches.
Quel est le profil de votre adhérent ?
C'est une adhérente, âgée de quarante
ans en moyenne, avec une surreprésentation dans les moyennes et petites
villes. France Loisirs est présent dans un foyer français sur cinq.
Où est gérée votre base de données ?
Notre base de
données est gérée en interne, une équipe travaille sur la segmentation et
l'analyse des données. Notre fichier est très bien renseigné, mais nous devons
mieux exploiter les données pour mieux allouer les ressources.
Faites-vous appel à une agence ?
Oui, à MRM Partners, choisie
après compétition en 2002. Pour nous, c'est une agence très “partenaire”, elle
a travaillé presque un an sur le concept et le nouveau positionnement lancé en
juin 2003. Elle vient, par exemple, de “relooker” les cartes, sous forme de
puzzle dans le respect de la charte.
Vous avez développé des catalogues spécialisés tels que Juniors Loisirs ou Kiosque à Idées. Envisagez-vous de concevoir d'autres produits similaires ?
Kiosque à Idées est spécialisé dans les loisirs créatifs. Il comprend une
petite centaine de milliers d'adhérents et vient d'être repositionné. Quant à
Junior Loisirs, nous allons également le repositionner. Mais nous ne souhaitons
pas en développer d'autres. En revanche, nous souhaitons mettre l'accent sur de
nouvelles gammes de services, telles qu'une ligne spécifique téléphonique,
Eveil Lecture, pour des conseils en choix de lecture pour les jeunes.
Vous êtes très “multicanal”. Quel est le rôle assigné au téléphone et à Internet ?
C'est nous qui gérons notre call center, à Lens,
qui fait de l'émission et de la réception d'appels. Quant à notre site, il
enregistre un des meilleurs taux de satisfaction. On peut y consulter le
catalogue en ligne, trouver des informations supplémentaires sur des auteurs,
des extraits de livres, des offres commerciales et passer commande. Si 70 %
des adhérents vont acheter en point de vente, en vente à distance, 11 % des
commandes se font par Internet, 10 % par téléphone et le reste par courrier.
Le taux de croissance de l'Internet est de 50 % par an. Nous allons faire
évoluer notre plate-forme technologique sur Internet, afin de mieux utiliser
l'historique des achats pour être plus proactif. Nous avons lancé un appel
d'offres pour nous doter d'un outil du marché allant dans ce sens.
Quelle est votre pratique de l'e-mailing ?
Nous
envoyons des campagnes d'e-mailing de manière segmentée. Nous nous servons de
l'e-mailing pour faire de la création de trafic : on essaie de ramener
l'acheteur en point de vente vers le réseau et de prendre la commande en ligne
de l'acheteur VPC. L'avantage de l'e-mailing, c'est qu'il est peu coûteux. Il
permet d'annoncer l'arrivée du catalogue, d'effectuer des relances sur le
catalogue et constitue un outil d'animation. Nous envoyons 7 millions d'e-mails
par an avec notre prestataire routeur Double Click.
Et en matière de SMS ?
Nous utilisons les SMS avec les adhérents, qui
nous ont donné leur numéro de portable, soit au moment du recrutement, soit par
téléphone. France Loisirs dispose d'une base SMS de 400 000 adhérents. Nous
communiquons avec eux, soit pour annoncer la sortie d'un article, soit une
offre commerciale ou encore le rappel de leur date limite d'engagement
d'achat.
Quels enseignements tirez-vous de cette stratégie multicanal ?
L'intérêt est de pouvoir faire jouer cette synergie
entre les différents médias. Cela peut être soit de l'e-mail tout seul, soit
courrier plus e-mail, la combinaison peut être sophistiquée. Je préfère que
l'on passe du temps à optimiser cette combinaison plutôt qu'à trouver des micro
niches…
L'entreprise
Créée en 1970. Filiale à 100 % du groupe Bertelsmann, depuis 1999. 2 608 collaborateurs en France et 3 061 dans le groupe. Chiffre d'affaires France : 395 millions d'euros en 2003 (+ 1,55 % par rapport à 2002). Chiffre d'affaires du groupe France Loisirs (Clubs et filiales francophones) : 440 millions d'euros en 2003. Le livre représente 70 % de l'activité du groupe. 3,8 millions d'adhérents. 201 boutiques en France.
Biographie
De formation littéraire, Liliane Manent débute sa carrière comme professeur de lettres. En 1975, elle rentre chez Educatel, entreprise de vente par correspondance de formation professionnelle pour adultes, comme rédacteur en chef des brochures. Au bout de deux ans, elle en devient directeur marketing. En 1990, elle rejoint OgilvyOne comme vice-président en charge de budgets tels qu'Unicef, Nestlé, Center Parcs, Croix-Rouge, Ligue Nationale contre le Cancer, France Loisirs… Depuis 2001, elle est directeur marketing de France Loisirs, à la tête d'une équipe d'une cinquantaine de personnes.