Le touche-à-tout
Il est comme les chats : sept vies à se déchaîner et, toujours, l'instinct
du chasseur. Henri Kaufman croule sous les projets. Un livre à écrire, une expo
à diligenter, un voyage à organiser, une psychanalyse à terminer. Et même...
Une agence, BrannCommunider, à diriger. C'est une sorte de gourou, bracelet de
jade au poignet et collier indien au cou, disciple de la relation client, « de
la transgression et de tout ce qui change l'opinion ». Un homme qui ne connaît
que l'extrême sur la chaîne des valeurs. De l'Afrique où il a vagabondé, il dit
ainsi « qu'elle lui fait peur, qu'elle l'angoisse ». Du destin « terrible » de
Jean-Claude Romand, ce faux médecin, meurtrier des siens, dont il dévore la
biographie romancée, « qu'il l'effraie ». Des mots, il vénère particulièrement,
« ceux qui tuent ». Et des femmes, souvent aimées, ce "Don Juan malgré lui",
ainsi que le définit l'un de ses amis, affectionne, « les vibrations
extraordinaires de leur rencontre ». Eternel soupirant, il crée son agence
Communider, en 1988, pour les beaux yeux de l'une de ses douces captives : «
C'était un peu ma muse. Ce que j'ai fait, je l'ai fait pour elle. » Las, son
égérie s'en est allée. Le laissant, seul, monter une entreprise qui compte
aujourd'hui une quarantaine de collaborateurs. Pas de regrets ici. « J'aime
entreprendre. » Juste un constat. « Je me croyais prêt. Je ne l'étais pas. » Et
d'expliquer : « Le MD est un milieu de compétition. Parfois, je ne comprenais
pas pourquoi on refusait mon offre. » Dans son livre, une anecdote : en
compétition pour la marque Hermès, il perd au profit de Sophie de Menton,
Multilignes Conseil, parce que, il ne le sut que plus tard, son client « ne
pouvait décemment pas confier sa (petite) opération à "quelqu'un qui s'habille
chez Kenzo" ». Mais des aléas de la vie, Henri Kaufman n'en a cure. C'est,
peut-être, dû à son inaltérable curiosité. Une force de résistance qui fait de
lui, dans sa vie professionnelle ou privée, un hédoniste hors pair. Du temps où
il travaillait aux éditions Rombaldi, il s'est ainsi enamouré de graphologie. «
J'ai même envisagé d'en faire mon métier. » Plus tard, ce sont les sonorités de
la clarinette qui l'ont porté. « Je répétais tous les soirs. » Et, s'il a
collectionné les motos, il s'amourache aujourd'hui de la photo. En fait, c'est,
d'abord, le matériel qui l'attire. « On met souvent plusieurs mois à bien
sentir son boîtier. Après, on espère immortaliser un instant. Un peu comme un
peintre. » Il se veut « mangeur de visages », révélateur d'humanité. Son Contax
G2 en bandoulière, il parcourt le monde. « C'est mon amie qui m'entraîne dans
des périples façon routard. Juste compromis, elle accepte aussi parfois le luxe
d'un grand hôtel. » L'Amérique latine, Cuba, mais surtout l'Asie l'attirent. Il
en revient, chargé d'images, qu'il utilise ensuite pour son agence. « Pour
différencier le travail de BrannCommunider des autres agences, j'ai voulu
réaliser un carnet, Voyage au coeur de la relation client. Ce sont les photos
de mes voyages qui illustrent les temps forts de la relation client. » Mais sa
terre d'élection, c'est l'Amérique du Nord, l'Arizona dont il vante les espaces
démesurés. Et surtout New York. Dans ce cas, ce n'est plus un voyage, c'est un
« pèlerinage ». Avec pour épicentre, le Flat Iron Building. Cet immeuble de
Broadway, construit en 1902, transcription architecturale d'un fer à repasser,
le fascine : « Je retourne le voir à chaque séjour et, chaque fois, je le
photographie. » Et le marketing dans tout ça ? Une correspondance lui vient
vite, « la répétition du message ». Car Henri Kaufman pose la création comme
l'art de la variation. Une façon de dire que toute oeuvre se construit sur une
autre, plus ancienne, et s'enrichit du contexte. Une façon également de
justifier son éclectisme et de revenir, qui sait, à une forme de modestie.
Parcours
61 ans, 5 enfants. Ecole Centrale. Féru de mathématiques. Il entre aux éditions Rombaldi, spécialiste de la vente par correspondance de livres, en tant que directeur informatique. Il y reste 19 ans comme directeur du département VAD, puis comme directeur général. Il s'intéresse en particulier à l'édition de BD. Son plus beau "coup" ? Sans doute, les oeuvres complètes d'Hergé. En 1988, il crée son agence de marketing relationnel, Communider. En 1992, il écrit "Confidences en direct", le récit de sa vie professionnelle. Son agence, d'abord adossée au groupe Havas, s'associe, courant 2000, avec Brann Worldwide. Et forme maintenant BrannCommunider.