Le poids croissant du marketing identitaire
Ces dernières années, de nouvelles niches de consommateurs ont émergé, notamment en raison du développement du communautarisme. La niche gay ressortant comme la principale nouveauté en termes de cibles. A côté, d'autres segments se sont renforcés, en particulier autour des grandes étapes de la vie (naissance et retraite).
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S'il n'y a pas eu, ces dernières années, de grande révolution en termes de
cibles marketing, des niches nouvelles sont apparues ou ont pris de
l'importance au point de constituer une population spécifique qui intéresse les
annonceurs. La plus grande nouveauté est, sans conteste, l'arrivée du gay
marketing, le marketing identitaire se développant en effet peu à peu en
France. « Il s'agit de niches liées à des similitudes, des valeurs partagées,
un certain âge… », explique Claire Lecouturier, responsable département conseil
chez ETO. En ce sens, la cible des gays est en pleine mutation. Les avancées,
en matière de reconnaissance des droits des homosexuels, sont relativement
récentes : dépénalisation de l'homosexualité en 1982, sortie du magazine Têtu
en 1995, instauration du PACS en 1999, création de Pink TV l'an dernier, etc.
Les annonceurs commencent à peine à communiquer directement avec cette cible
qui souffre d'un manque évident de considération. La communauté homosexuelle
représente pourtant entre 7 et 10 % de la population française. Il faut dire
qu'il existe des barrières législatives, liées à la protection de la vie
privée, qui interdisent de faire apparaître les orientations sexuelles comme
critère dans les bases de données et qui freinent le développement des
fichiers dits gays. Cet obstacle est contourné, comme pour les communautés
religieuses, en obtenant les adresses d'abonnés aux médias correspondants. Sur
le Web, les choses sont différentes et les adresses e-mails plus faciles à
obtenir. « Il y a une plus grande tolérance avec Internet, car il n'est pas
possible de retrouver une personne par son e-mail », indique Edouard Simon,
directeur associé de Worldlist. Sa société commercialise le fichier
citegay.com, premier portail gay généraliste francophone, qui compte 165 000
adresses e-mails, ainsi que gayvox.com (95 000 adresses e-mails). Jean-Laurent
Juliéno, directeur marketing de citegay.com, explique : « Pour cette cible,
l'important est de mettre en avant le produit et d'adapter les visuels. Par
exemple, pour les produits de luxe, il faut mettre un homme si le message est à
destination d'un homme. » Friands de nouvelles technologies, adeptes d'Internet
et du haut débit, les homosexuels sont tout particulièrement attentifs aux
marques. Ils sont “early adopters”, c'est-à-dire qu'ils aiment être les
premiers à avoir un nouveau produit et représentent en ce sens une cible idéale
pour tester des nouveautés. Ils sont également très réactifs à la publicité et
demandent que l'on s'adresse à eux de façon spécifique. Leur pouvoir d'achat et
leur forte propension à consommer font d'eux une cible très consommatrice. Ils
sont d'ailleurs qualifiés de “Dink”, pour “Double Income, No Kid”, car ils
vivent le plus souvent en couple et sans enfants. « Nous entrons dans une ère
où l'on va cibler de plus en plus les tribus, les communautés », avance
Jean-Laurent Juliéno. Un avis que partage Edouard Simon : « Internet offre des
possibilités de segmentation plus importantes et héberge beaucoup de sites
communautaires. » Malgré tout, la France est encore loin des Etats-Unis, où le
marketing identitaire, et ethnique, y est monnaie courante. Fichiers gays,
latinos, noirs, blancs, catholiques, protestants… Les données y sont
hypersegmentées. « La spécialisation par univers dans le milieu du
list-broking, amorcée aux Etats-Unis il y a une dizaine d'années, arrive en
force en France », explique Paul Adam, P-dg d'ITL, spécialiste de la location
d'adresses sur les marchés de niche. Le marketing direct à destination des gays
n'en est qu'à son commencement. Renault, par exemple, communique vers cette
cible à l'étranger mais pas en France, preuve que le gay marketing est loin
d'être rentré dans les mœurs. En revanche, Mercedes Benz a franchi le pas en
diffusant une campagne d'e-mailing auprès de cette cible, via le site
gayvox.com, pour sa Classe A. Toujours en termes de marketing identitaire, les
catégories des juniors et des seniors ont changé ces derniers temps. Les
premiers, quel que soit leur âge, sont très familiers avec Internet, le
téléphone mobile, la console de jeux… et sont donc particulièrement touchés par
ces médias-là. Malgré tout, cette cible est difficile à saisir compte tenu de
la législation sur les mineurs qui nécessite un accord parental.
Bien-être, nature, sport…
D'après une étude menée par
le site thalasso.com, 75 % des Français se disent stressés à leur travail !
D'où le recours croissant à des activités qui tournent autour du bien-être et
de la nature. « Notre cœur de cible est essentiellement féminin, mais nous
avons de plus en plus d'hommes qui achètent des séjours, surtout en couple »,
explique Olivier Guillou, directeur marketing et développement de thalasso.com.
« Les listes de type Nature et Environnement se développent sur le marché »,
constate également Paul Adam. Françoise Vernet, directrice marketing de la
chaîne de magasins Nature & Découvertes, note une nouvelle cible identifiée il
y a cinq ans : « Il s'agit d'une population féminine, âgée de plus de 35 ans,
et très évolutive. Avant, le bien-être était offert à des proches. Aujourd'hui,
c'est devenu quelque chose que l'on s'offre. Le comportement de consommation
de cette cible a changé : les clients demandent des produits plus complexes,
comme l'aromathérapie, et veulent plus de conseils et suggestions. » En ce
sens, le marketing direct permet d'apporter aux clients une information
détaillée sur les produits disponibles. Nature & Découvertes dispose d'un club
qui regroupe 15 000 adhérents. Tous les deux mois, les abonnés reçoivent le
consumer magazine qui propose des avant-premières, des offres spécifiques, des
sorties… Le club organise aussi des conférences sur un thème particulier dont
la dernière, sur l'aromathérapie, a eu lieu le 25 janvier. La cible des
sportifs, si elle n'est pas nouvelle, a évolué ces dernières années. « Les
sportifs ne sont réellement considérés comme des consommateurs que depuis peu
de temps », note Odile Ballière, directrice de Mediatype, société qui
commercialise la base Sportype, qui regroupe plus de 7 millions de licenciés
sportifs. Mediatype segmente la cible en quatre catégories : sport bien-être,
sport esthétique (pour l'apparence, la beauté, la minceur), sport social (pour
voir des amis et être reconnu) et sport évasion (découverte de nouveaux
horizons).
Marketing lié aux étapes de la vie
Claire
Lecouturier repère de nouvelles niches, liées aux étapes de la vie (naissance,
mariage, déménagement, retraite) et explique : « Grâce au marketing direct, il
est possible de communiquer avec ces cibles au moment où l'événement arrive, en
utilisant des supports comme l'e-mailing, le mailing, l'asile colis… » La
retraite constitue une de ces étapes. Près de 3 % de la population française
partent à la retraite chaque année. La donne a considérablement évolué, avec le
vieillissement de la population. Les jeunes seniors sont de plus en plus
nombreux et disposent d'un pouvoir d'achat élevé. Cette cible est à
différencier de celle des grands seniors, plus âgés, avec une mobilité réduite.
« Le secteur des personnes du 4e âge se développe très fortement. L'approche de
cette cible est très délicate et doit être faite avec beaucoup de rigueur et de
respect », prévient Paul Adam. La naissance d'un bébé entraîne aussi un
changement dans les comportements de consommation. La façon de toucher les
jeunes mamans s'est élargie, avec une tendance à communiquer dès les premières
semaines de grossesse. Les paniers naissances, avec des échantillons et bons de
réductions, constituent alors l'élément central en matière de marketing direct.