Le catalogue, de la promotion à la relation
Avec la montée en puissance du numérique, le catalogue doit trouver sa place dans le mix markeing. Si la nécéssité pour les annonceurs de conserver ce canal n'est plus à prouver, ils le réinventent pour en faire un vrai vecteur de la relation client
Les catalogues se mettent sur leur 31
« Le volume des catalogues n'a pas baissé: les Français sont toujours accros au papier », remarque Bérangère Lamboley, directrice générale marketing et communication de But. Le catalogue papier représentait 54 % des investissements de communication des enseignes alimentaires en 2011, soit 2 % de plus qu'en 2010
« Aujourd'hui, pour les entreprises, l'objectif n'est pas uniquement d'augmenter les ventes. Elles veulent véhiculer leur positionnement, renforcer leur notoriété, travailler leur image de marque... », explique Patrick Simon, maître de conférences à l'université Paris Ouest et consultant en marketing. « C'est un support qui permet d'exprimer ses valeurs, ses différences », complète Stéphane Claret directeur général de PageOnDemand, société qui propose une solution de design de catalogues en ligne.
LE CATALOGUE DEVIENT LE «MAGALOGUE»!
Les annonceurs font désormais plus attention au choix du papier, des couleurs, des photos et des produits présentés pour transformer cet outil en un support de communication à part entière. Et, petit à petit, le catalogue devient un «magalogue», mi-catalogue, mi-magazine. « Le catalogue reprend les codes graphiques et rédactionnels d'autres secteurs tels que la presse féminine ou déco pour captiver ses lecteurs et donner envie d'acheter », souligne Marie Burger, dga marketing et communication de Mediapost. Ainsi, le catalogue de la marque de linge de maison Linvosges met ses produits en scène à la façon de Côté Maison, et celui du traiteur Fauchon à la manière de Cuisine et Vins. « Notre catalogue sert à montrer le savoir-faire de l'enseigne, rapporte Bérangère Lamboley (But). Il est présenté comme un magazine séduisant avec de belles photos. »
Les catalogues des voyagistes, eux, se transforment en magazines de voyage dont l'unique objectif est de faire rêver: les ventes ont lieu en grande majorité sur Internet, il n'est plus besoin de décrire en détail chaque offre. Même les supports B to B, celui de Staples, distributeur de fournitures et mobilier de bureau, en tête, osent mettre leurs produits en scène sur des doubles-pages.
La transformation des supports ne se limite pas à des photos avantageuses. Le fond a également évolué. Place à du véritable contenu éditorial à travers des guides et des conseils d'experts. L'enseigne de jardinage Botanic consacre ainsi une page entière de son catalogue à expliquer comment réaliser un beau massif de fleurs. Leroy Merlin publie de grands guides où les produits sont mis en scène au milieu de conseils pratiques: comment «sécuriser son installation électrique» par exemple. Enfin, les guides d'achat de la Fnac peuvent sans rougir rivaliser avec ceux de magazines spécialisés tels que Micro Hebdo. « Les catalogues ne doivent pas contenir que des promotions, ils doivent proposer des conseils et, pourquoi pas, les coulisses de la marque... En fait, tout ce qui peut créer de la relation », conclut Audrey Abergel, responsable marketing au sein de l'agence CMM Consulting. Ces contenus visent à renforcer le lien entre l'enseigne et les consommateurs en leur rendant de réels services. « S'il est trop commercial, le catalogue n'apporte pas de valeur ajoutée », avertit le consultant Patrick Simon.
Ces services passent également par l'insertion de QR codes, ou flashcodes, ces pictogrammes qui, photographiés à l'aide d'un smartphone, permettent d'accéder à du contenu supplémentaire. Aujourd'hui, selon la société de solutions marketing à base de tags mobiles Mobiletag, plus de la moitié des catalogues intègrent des QR codes. Ces derniers proposent de nombreux services au consommateur: accéder à des guides d'achat, des comparateurs ou à des descriptions de produits, mais aussi géolocaliser un magasin, accéder au service client...
ENGAGER UN DIALOGUE AVEC LE CLIENT
Pour Alexis Helcmanocki, p-dg de Mobiletag, les QR codes intégrés aux catalogues servent d'abord à mémoriser les produits qui plaisent pour les acheter ultérieurement. « On simplifie la vie du consommateur en raccourcissant le parcours client », lance-t-il. Plus besoin d'aller chercher sur le site le produit repéré sur la version papier: en deux clics sur son téléphone, on peut le commander.
Au-delà des services, les contenus auxquels renvoient les QR codes peuvent être des interviews, des making-of... Autant de bonus qui dévoilent les coulisses de l'entreprise, toujours dans l'idée de créer du lien avec le consommateur. « Connecté grâce à l'insertion de QR codes, le catalogue permet d'engager la conversation entre la marque et ses clients », indique Marie Burger (Mediapost).
Afin de devenir de vrais supports relationnels, les catalogues jouent aussi de plus en plus la carte de la personnalisation. « Ils vont vers du «one to few» en s'orientant vers davantage de spécialisation », note Stéphane Claret (Page OnDemand). Les 3 Suisses éditent ainsi des catalogues dédiés aux jeunes mamans, Intersport s'adresse aux passionnés de ski et Truffaut aux aquariophiles. Les annonceurs ciblent la clientèle en fonction du type de population, mais aussi en fonction des comportements. Une évolution rendue possible par l'impression numérique: « Elle permet de faire des tirages plus faibles et de personnaliser les images et les données, explique Amélie Dulong de Rosnay, responsable marketing et communication d'Antalis, spécialiste de la distribution de papier et de supports de communication. Elle n'est pas encore pleinement exploitée mais, à terme, elle va révolutionner le monde du print. »
DE LA THEMATISATION A LA PERSONNALISATION
Certaines enseignes sont allées plus loin que le simple ciblage et ont abandonné leurs catalogues généralistes de plusieurs centaines de pages au profit de supports personnalisés de quelques pages. Ces catalogues de nouvelle génération appellent le consommateur par son nom, s'habillent de couleurs qui lui plaisent et, surtout, contiennent des produits déterminés en fonction de ses derniers achats, de son âge, de sa situation familiale. Ou de sa fonction quand il s'agit de supports B to B. Dans ces derniers, les prix affichés dans le catalogue peuvent même varier d'un client à l'autre! « De tels catalogues proposent des offres plus pertinentes, l'impact est plus fort », témoigne Guillaume Chollet, p-dg de l'agence de marketing Loyalty Expert. Evidemment, de tels procédés nécessitent de bien connaître ses clients et de disposer de bases de données très bien alimentées.
MARIE BURGER/MEDIAPOST
LE CATALOGUE REPREND LES CODES GRAPHIQUES ET REDACTIONNELS DE LA PRESSE POUR CAPTIVER
ZOOM. Ikéa se dote d'une appli interactive
Cette année, le catalogue d'Ikéa a fait sa révolution numérique. Après avoir téléchargé une application spécifique sur son téléphone, le mobinaute peut scanner de petits smartphones dessinés sur les pages, et ainsi obtenir des informations supplémentaires et des services inédits: changer les portes d'une armoire, habiller une pièce de différents textiles, visualiser des tables en 3D, ou encore voir à travers les portes d'une étagère pour comprendre l'organisation de son intérieur... Cette application permet aussi d'accéder à des vidéos: interviews de stylistes, réalisation d'une photo du catalogue, etc. Au total, 46 bonus s'offrent aux lecteurs. « Cette application donne plus d'inspiration à nos clients et nous permet de montrer comment on travaille », se réjouit Elodie Castillo, responsable de la production et de la distribution du catalogue pour Ikéa France. L'application séduit. Dix jours à peine après la diffusion du catalogue, elle avait déjà été téléchargée 32 000 fois en France. Prochaine étape pour Ikéa? Développer la réalité augmentée pour montrer ses meubles en relief.
ZOOM. Haléco met en scène le conseil client
Ce fournisseur de produits professionnels pour l'environnement et la sécurité du groupe Haladjian a toujours souhaité apporter le meilleur conseil possible à ses clients. Cette philosophie transparaît dans la conception de ses catalogues. Le support général, une somme d'environ 400 pages, est ponctué d'avis d'experts sur les produits à acheter, mais aussi sur leur utilisation. Des QR codes renvoient à des vidéos de démonstration ou à des tableaux de comparaison des produits. Outre ce catalogue annuel, Haléco a développé d'autres supports thématiques qui présentent les produits par problématiques métiers (maîtriser les risques dans l'atelier, par exemple), et non par familles de produits. « Sur le fond, nos catalogues sont très orientés conseil client, mais dans leur forme, ils le sont aussi. Nous mettons nos produits en scène pour aider le client à choisir, explique Véronique Le Gallo, chef de groupe catalogues chez Haléco. Au-delà de photos de mises en situation, montrant comment les produits peuvent être utilisés, les argumentaires ont été travaillés. Ils décrivent le produit, ses fonctionnalités et expliquent à quoi il sert et comment on l'utilise. »
STEPHANE CLARET / PAGEONDEMAND
LES CATALOGUES VONT VERS DU «ONE TO FEW»
84%
DES DESTINATAIRES LISENT LES CATALOGUES QU'ILS RECOIVENT
SOURCE: «LES FRANCAIS ET LE COURRIER PUBLICITAIRE». ETUDE TNS SOFRES, 2011
ZOOM Manutan cible les métiers par fonctions
La société de vente à distance d'équipements et de fournitures pour les entreprises accorde une grande importance à la personnalisation des offres dans ses catalogues. « Nous proposons des conseils d'experts, des guides d'achat et de l'information liée là l'actualité des produits. Il ne s'agit pas d'une accumulation d'offres et de promotions, mais bien d'un catalogue traitant directement du métier de notre client », décrit Morgane Criou, responsable marketing direct chez Manutan. Ainsi, les promotions et autres mises en avant de produits sont élaborées tout au long de l'année pour coller au plus près des attentes des clients: besoins métiers, saisonniers, relatifs à leur consommation... Et, pour permettre une personnalisation optimale de l'offre, le style de communication varie en fonction du métier du destinataire. « Nous ne nous adresserons pas de la même manière à un client qui exerce dans un bureau et à un autre qui travaille dans un entrepôt », assure Morgane Criou.
Essentiel, ce ciblage concerne aussi la fonction des clients: les acheteurs se montrent particulièrement sensibles aux prix, tandis que les experts métier cherchent d'abord un fournisseur capable de répondre à toutes leurs attentes.
MORGANE CRIOU / RESPONSABLE MARKETING DIRECT CHEZ MANUTAN
« Nos supports ne s'adressent pas de la même manière au client qui exerce dans un bureau et à celui qui travaille dans un entrepôt. »