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Laissez parler les petits papiers !

Choisir un support particulier permet d'éveiller la curiosité du consommateur. C'est un moyen, parmi d'autres, pour l'inciter à ouvrir un mailing, acheter le produit ou le service ainsi valorisés. Conscientes, les agences cherchent une correspondance entre le produit, le concept de création marketing et le papier choisi. Mais leurs décisions dépendent souvent de la volonté des annonceurs qui tendent à toujours réduire leurs coûts.

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« Quand on réfléchit à ce que signifie le terme même de support de création, on s'aperçoit que c'est un élément qui “supporte” ou qui “aide à tenir” la création. On doit y penser car le choix du support peut influencer le concept créatif. Il peut même déclencher l'idée artistique », affirme Christophe Balaresque, directeur général de Thibierge & Comar. Excessive cette opinion ? Peut-être. Mais ce qui est sûr, c'est que le choix des supports est pris, aujourd'hui, entre deux tendances très contradictoires. D'une part, l'émer-gence de nouveaux procédés d'impression qui permettent d'utiliser au mieux de très nombreuses matières. Et, d'autre part, des impératifs financiers qui, toujours, contraignent les agences à orienter leurs décisions en fonction de ce seul critère. « Certains supports, on n'y songe pas au premier abord. Mais aujourd'hui, avec les différents procédés d'impression, tout peut devenir un vecteur de la création. Le tissu - que nous avons utilisé pour l'opération Nuits Blanches de Nokia -, le métal pour des classeurs, le mica pour des cartes d'invitation… », avance Michèle Désieux, chef de fabrication de l'agence de marketing services Grrrey ! Son métier ? « Etre à l'affût ! » Et savoir avec quelle matière réaliser l'idée d'un directeur artistique aux talents inventifs. Car, qu'il s'agisse de promotion, de marketing direct ou d'édition, le choix du support est d'abord déterminé par le produit. Au luxe, et d'une manière générale, à toutes les opérations haut de gamme, revient les papiers de créations. Aux autres, le bon vieil offset ou le papier couché. « Ce sont des données économiques qui justifient cette répartition », complète Michèle Désieux. Mais rien n'empêche l'annonceur de sélectionner un support original pour, par exemple, une opération de promotion. « On cherche toujours à démarquer le produit de ses concurrents. Un choix créatif original peut faciliter cette approche », reprend-elle. Reste qu'il faut toujours tenir compte du prix de revient. Et s'inscrire dans un rapport qualité - prix serré. Dans le cas des mailings, en particulier, la contrainte d'un poids limite, pour l'affranchissement postal, joue également. Ce qui explique que, souvent, les agences se trouvent dans l'obligation de revenir à l'offset et au papier couché. « Nous proposons souvent deux options à notre client. Dans 50 % des cas, le choix créatif est refusé car le poste “dépense papier “est jugé trop lourd », déplore Géraldine Godet, chef de fabrication chez Everest, agence spécialisée dans les opérations de stimulation des forces de ventes et d'animation de réseaux commerciaux. Inutile de se leurrer, en effet : le choix d'une matière tombe vite sous le coup des arbitrages budgétaires de l'annonceur. « L'annonceur nous donne un budget et des quantités. Avec ça, on se débrouille. S'il y a un élément de la recommandation à supprimer ou réduire, c'est très souvent sur le poste fabrication. Et, en premier lieu, sur le choix du support. En fait, c'est un peu la dernière roue du carrosse. L'important, c'est d'abord l'idée conceptuelle », fait valoir Franck Pralong, directeur de création de l'agence Tequila\, qui poursuit : « Je crois qu'il n'existe pas en France une “culture papier”, contrairement à nos confrères anglo-saxons, qui font montre de critères, peut-être, plus osés ou plus sophistiqués. A titre personnel, d'ailleurs, je préfère privilégier l'achat d'art, une production de photographies par exemple, plutôt que l'acquisition d'un papier spécifique. »

Rogner sur les coûts de fabrication


Mais quand, miracle, le prix est accepté par l'annonceur, le support sélectionné peut, aussi, ne pas être disponible. Les fabricants de papier n'ont pas forcément les créations les plus originales en stock. Surtout, ils demandent des délais de fabrication pour réaliser de grandes séries. C'est pourquoi, plutôt que d'attendre, les agences trouvent des moyens pour y suppléer. « Souvent je m'intéresse à un papier spécifique. Mais, soit son prix soit sa disponibilité rendent impossible son achat. Comme je ne peux pas attendre, je demande à mon imprimeur de rechercher une matière la plus proche possible. Lui pourra la trouver. Il aura, par exemple, réalisé un ouvrage l'édition peu de temps auparavant. On récupèrera alors les rouleaux encore en stock pour notre propre compte », avance Valérie Broux, directrice artistique chez Proximity BBDO. Les agences ne rusent pas seulement sur les disponibilités. Elles ont développé toute une série d'astuces pour inventer, ainsi que le dit Valérie Broux, « une impression de matière sans vraie matière. » Un moyen de rogner sur les coûts de fabrication. Un exemple : au lieu de s'offrir un kraft magnifique mais cher, les créatifs des agences vont le scanner. Et s'en servent ensuite pour créer une base de document qui rappellera le kraft rêvé. De la même manière, les fonds légèrement floutés, les images travaillées en surimpression agrémentent le couché blanc. « Cela ne remplace pas le vrai papier de création. C'est juste un moyen de contourner le fait que nous ne pouvons pas souvent l'utiliser », se défend-elle. Pourtant, le choix d'un support spécifique peut devenir crucial. Du moins, si l'on considère qu'il participe à l'impact visuel du mailing. Lui permettant d'émerger et de se démarquer des autres sollicitations commerciales, présentes dans la boîte aux lettres du consommateur. Ultra sollicité, celui-ci doit donc pouvoir être surpris si l'on veut, immédiatement, captiver son attention. « L'annonceur est assez friand de tout ce qui peut le surprendre… Et donc étonner son prospect », affirme Géraldine Godet. Valérie Broux a décidément ses petits trucs. Pour présenter les créations de mailings à ses clients, elle choisit justement, toujours, de le faire sur de beaux papiers de création. « Cela peut l'inciter à passer le cap », dit-elle, amusée. Elle estime, par ailleurs, que le choix d'un papier, d'une texture particulière ou d'un plus lourd grammage, peut améliorer, de façon notable, les chances de conservation du mailing. « Le consommateur a tendance à le considérer quasi comme un ouvrage d'édition », affirme-t-elle. Mais le but final, c'est tout de même de faciliter l'ouverture du mailing et, éventuellement, l'acte d'achat. D'où, chez les fabricants de papier, des gammes de couché, légèrement plus lourdes que le traditionnel 90 g. « Un modèle marche vraiment quand il est standardisé. Le modèle de base du couché mat, par exemple, est un papier très mou. Nos efforts ont porté sur l'industrialisation de la fabrication du couché mat 115 grammes. Les enveloppes du mailing gagnent ainsi en tenue », avance Olivier Baptiste, directeur des ventes chez Envel'offset, filiale française du groupe espagnol Unipapel.

Corréler le choix du papier aux types d'opérations


Mais ce qui, dans les faits, détermine le choix d'un papier, c'est avant tout le type d'opérations que l'annonceur souhaite réaliser. De gros volumes ? L'agence restera sur un papier “grande consommation”, peu onéreux. De petits volumes ? Il pourra alors miser sur un papier de création plus original. Sophie Fily, directrice de la communication et de la prescription chez M-Real, papetier finlandais implanté en France, pense que les techniques de ciblage et de segmentation des bases de données entraînent le marketing direct vers plus d'aspect qualitatif. En clair, pour elle, en réduisant les volumes, en affinant son cœur de cible, l'annonceur gagne en impact et réduit ses coûts. Il pourra alors miser, sur des supports à forte valeur ajoutée, susceptibles de lui apporter une plus-value en matière d'image de marque. « Si l'annonceur décide d'arroser large, il est logique qu'il reste sur les papiers les moins onéreux, sachant que ces retours seront peu importants. En ciblant mieux, et pour un budget plus restreint, l'annonceur peut travailler sur la création. Bien sûr, ce n'est pas seulement le papier qui contribue à l'image. Le nom de la marque, la qualité créative du mailing en sont également des vecteurs », poursuit-elle. Pour se singulariser des productions concurrentes, agences et annonceurs restent à l'affût de matières. Mais ce sont surtout les produits de luxe qui sont ici concernés. L'exemple des constructeurs automobiles, haut de gamme, est emblématique. Dans son mailing de lancement de la nouvelle série 7, envoyé à 10 000 exemplaires et réalisé par l'agence Tequila\, BMW n'a pas hésité à jouer avec des calques perlés. Ces papiers venaient s'intercaler entre les différentes présentations techniques. « Le calque se justifie parce que le concept valorise la révélation successive des spécificités de la série 7 », justifie le directeur de création de l'agence Tequila\. On retrouve le même principe de lancement avec la Limousine 760 de BMW. A cette occasion, Tequila a fait éditer un coffret de deux ouvrages, respectivement intitulés “Hôtel design” et “Hôtel particulier”, aux finitions ultra-luxueuses. Ce mailing était distribué à seulement quelques clients, très VIP. La majeure partie était, en fait, remise en mains propres aux prospects, lorsque ceux-ci se rendaient en concession pour un essai sur route. « BMW communique en tant que marque de luxe plutôt que comme une marque automobile haut de gamme. La forme est ici capitale. Plus qu'une opération de marketing, le lancement de la 760 s'apparentait à un vrai travail d'édition dont le coût, pour l'annonceur, revenait à 140 euros », signale Franck Pralong. De même, l'agence Proximity BBDO, lorsqu'elle a été choisie pour reprendre la communication de Sheba, la marque d'aliments pour animaux domestiques, a souhaité frapper un grand coup. Son choix s'est porté sur une enveloppe calque carrée d'un bleu nuit, sur lequel avait été imprimée l'image de fleurs ainsi que, en arrière plan, l'ombre d'un chat. L'enveloppe s'ornait en plus de mots mystérieux. A l'intérieur, une brochure, dans les mêmes tonalités, utilisait un papier lourd, tramé. S'y intercalaient encore des images sur calques transparents. « Nous voulions nous différencier, travailler sur des matières singulières et assurer, via le choix du papier, des correspondances instinctives entre le chat et, ici, la femme à qui il appartient », justifie Valérie Broux.

Illustration ou photo ?


Mais, pour le bon vieux mailing, on reste dans le tout venant. Et le familier. Pas question ici de prendre des risques. Les agences travaillent sur la reconnaissance du message de la marque. De toutes les façons, cela coûterait trop cher. C'est pourquoi les directions artistiques des agences de marketing relationnel n'ont d'autres choix que l'éternel papier offset ou le couché traditionnel, avec, éventuellement, luxe suprême, un pelliculage brillant. Mais ces papiers, in fine, conditionnent l'invention graphique des directions artistiques : « Ce genre de papier demande une impression en continu. Il n'y a pas, du coup, beaucoup de gammes. On privilégie d'ailleurs l'illustration sur la photo, car ce sont de vrais buvards », avance Michèle Désieux. Sauf lorsque l'on prend soin d'acheter des papiers de qualité. « Plus vous avez de couches sur le papier, plus l'impression est bonne. Pour imprimer des photos, c'est indispensable », explique Sophie Fily.

Adapter la création graphique au support


Vouloir prendre des risques, imposer ou accepter le prix d'un papier rare est une chose. Encore faut-il, ensuite, songer à son adéquation avec la création graphique. « Je pense que ce genre de matière peut se suffire à elle-même. Il faut savoir lui associer un concept simple qui la valorise », avance ainsi Géraldine Godet. « Ce qui peut même se révéler frustrant pour un DA », s'amuse- t-elle. Sophie Fily pense, même, que dans ce cas, « le papier est en lui-même le message ». Quant à Christophe Balaresque, il y voit, lui, une combinaison de plusieurs facteurs : « Le papier apporte à la création une autre dimension. Qu'il s'agisse d'un toucher, d'une couleur, d'une matière, il permet d'aller plus loin. Et pour cela, il faut que le concepteur se saisisse de la personnalité du papier. » Une opinion que nuance, toutefois, Franck Pralong qui considère que doit exister une correspondance entre la forme, la matière et l'idée conceptrice. « L'idée doit être indissociable de la forme. Elle la justifie. Le calque signifie l'idée de transparence : derrière, se révèle l'objet, ses caractéristiques techniques. Parfois même la forme est en elle-même l'idée créatrice. » C'est pourquoi, sans doute, les papetiers forment des collections qui reprennent des tendances de consommation actuelles. « Les papetiers n'inventent rien. Nous travaillons sur des univers proches comme la mode, la cosmétique ou le design », ajoute Sophie Fily. D'où l'émergence de concepts visuels, en phase avec les attentes des consommateurs : « La société recherche des bénéfices sensoriels », résume-t-elle. Pour Christophe Balaresque, l'idée de transparence est une tendance de fond de la société. « Le calque existe depuis 1807, mais c'est seulement à la toute fin du XXe siècle qu'il est devenu réellement un support créatif. » Chez Thibierge & Comar, la gamme Cromático, une collection de calques colorés en masse est devenue, en quatre ans, un succès mondial. « Il y a trente ans, apparaissaient les papiers de couleurs. C'est aujourd'hui un standard. Le calque, je pense, va prendre le même chemin », considère Christophe Balaresque. Aujourd'hui, ce designer lance quatre nouvelles teintes : un rose vif éclatant, un vert printemps tonique, un lavande délicat et un violet profond. Ces teintes étant censées s'accorder avec l'air du temps, « tonique et frais », selon Christophe Balaresque. Chez M-Real, la gamme Chromolux se décline en quatre ambiances de couleurs : monochrome, instinct, énergie et Soft Tech. Chacune joue sur différentes sensations comme l'effet lumière, marqué par une irisation métallisée. « Le calque et le jeu sur les matières métalliques restent de grands succès pour l'année 2004 », avance Sophie Fily. Si l'on en croit Christophe Balaresque, une nouvelle tendance émerge depuis peu : les agences chercheraient des supports moins ostentatoires que le brillant, pour aller vers plus de simplicité. « On ne peut pas tout écrire sur du papier qui brille. Il faut pouvoir fournir aussi une palette de papiers plus discrets mais raffinés. Des mats qui jouent sur des valeurs comme la douceur ou le naturel. Chez nous, cela se traduit par la gamme Nantucket que nous avons lancée il y a un an. Ce sont des blancs colorés, des pastels frais et clairs, coordonnés avec une structure de papier faites de larges rayures. Ou bien encore la nouvelle finition de notre gamme Evanescent : un papier léger et poudré, qui possède un aspect doux, légèrement iridescent et doré. Il vient d'ailleurs d'être récompensé par l'APCI (Agence pour la promotion de la création industrielle) pour ses qualités d'innovation. » Les recherches menées par les papetiers semblent porter leurs fruits. Les agences sont de plus en plus nombreuses à vouloir aussi se démarquer en utilisant des matières à forte personnalité. Reste que les annonceurs, eux, cherchent toujours à réduire leurs coûts.

Jouer son va-tout sur l'enveloppe


L'enveloppe est, dit-on, le premier vecteur de la communication opérationnelle. Au premier regard, le consommateur peut la jeter ou décider de l'ouvrir. Pour y parvenir, rien n'est trop beau. « Nous mettons souvent plus d'argent sur l'enveloppe que sur la brochure explicative à l'intérieur du mailing », fait ainsi valoir Valérie Broux (Proximity BBDO). Pour Olivier Baptiste, directeur des ventes d'Envel'offset, « les grands professionnels du marketing direct ont réellement pris conscience de l'importance de l'enveloppe pour l'ouverture de leur message. » Antoine Fabre, directeur commercial du groupe La Couronne, date cette évolution d'une dizaine d'années. « Les chiffres montrent que le choix d'une enveloppe peut influencer l'ouverture du mailing : selon les cas, on peut avoir un taux d'ouverture 50 % plus important. » L'enveloppe s'est en même temps enrichie de textes, de couleurs ou de photos notamment sur le recto. «Le principe du message - explicatif, énigmatique, promotionnel ou juste ludique – que l'on inscrit sur l'enveloppe est monnaie courante, désormais », avance Michèle Désieux (Grrrey !). La recherche de formats différents, de formes surprenantes y participent également. « L'enveloppe s'accorde de plus en plus au mailing. Le même papier, le même grammage souvent, voire un gimmick identique que l'on retrouve ensuite à l'intérieur. On travaille sur un “esprit graphique” qui identifie l'annonceur et son mailing globalement », décrit Franck Pralong (Tequila\). La Couronne commercialise environ 75 % d'enveloppes blanches basiques. Et 25 % seulement à partir de papiers de création.

Comme tous les fabricants, La Couronne a été confrontée à des demandes de plus en plus originales. « Sur les produits de base, nous pouvons réaliser des commandes allant jusqu'à 6 millions d'enveloppes d'un coup. Sur des papiers de création, les commandes tournent entre 5 000 et 10 000 exemplaires », fait valoir Antoine Fabre. Outre des textures particulières, le fabricant mise sur sa recherche de formes originales. « Nous avons 6 500 couteaux - des formes pour découper le modèle - qui permettent de répondre aux demandes spéciales. Ces produits, nous pouvons les fabriquer et les imprimer, dans un délai moyen de deux semaines. Par ailleurs, notre catalogue référence 3 300 produits disponibles sans aucune attente », reprend-il. La Couronne a élaboré des enveloppes à fermeture en demi-lune, asymétrique ou même en rosace.

Muriel Rozelier

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