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La volonté du conquérant

D'American Express à AID, Andrea Micheaux impose ses marques dans l'univers des bases de données marketing. Elle réfléchit en permanence au devenir de son métier pour mieux en maîtriser le présent.

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Les nerfs à vif. Tension immédiate du corps, raide d'angoisse ou de tract, devant la journaliste. Elle a beau tenir, Andrea Micheaux, s'ériger droite comme une danseuse, ses mains qui déchiquettent la carte de visite tendue disent, pour elle, le feu mal éteint sous le vernis sage d'une Anglaise à Versailles. Ce jour-là, derrière les vitraux d'une verrière art déco, la toute dernière associée d'AID, société spécialisée dans les bases de données marketing, souffle enfin. La veille, elle a bouclé un mémoire de DEA sur "L'empathie dans le marketing relationnel." Une longue recherche, plus de deux ans d'un travail acharné, pour, au final, s'interroger sur l'avenir de son métier. « J'avais fait le tour. Puis, les bases de données ont été happées par la "vision client." Mais le CRM n'est qu'un tuyau. Pour moi, les termes d'engagement ou de fidélité ne sont que des mots en l'air si on ne peut pas réellement les transposer à une communication à distance. » Elle s'emporte. Sa sincérité érigée comme autant de pare-feu quand tant d'autres voudraient croire à ce néo-discours amoureux. « Si on veut prendre le point de vue du client et entrer en empathie avec lui, il faut trouver des variables similaires aux RFM pour comprendre et pérenniser le sens de la relation que le client entretient avec le produit. » Elle s'attelle ainsi à l'élargissement des bases de données marketing. « On ne bricole pas. Il faut trouver de nouvelles catégories à intégrer aux data bases qui identifient et prédisent le comportement des consommateurs. » Sa vie tout entière se joue dans cette détermination. C'est cette volonté qui la pousse, jeune britannique du Sussex, à s'installer en France. « Je suis née à Brighton, dans une région du Sud de l'Angleterre fortement marquée par l'invasion normande de Guillaume le Conquérant. Les premiers cours d'histoire dont je me souvienne portaient sur la tapisserie de Bayeux. A 16 ans, je savais que je voulais vivre en France. » Elle, qui parfois se plaît à s'imaginer en descendante d'un preux chevalier normand, ne s'avoue jamais vaincue. Surtout pas quand il s'agit de réaliser ses rêves. Elle s'inscrit au Cesem de Reims. « Cette école possédait un double diplôme reconnu en France et en Angleterre : j'y suis allée. » Elle y rencontre d'ailleurs son mari avant de partir faire ses armes chez Gestetner, une marque de photocopieurs qu'elle quitte pour intégrer American Express et "bidouiller" sa première base de données. Une anecdote : « Je demandais souvent à un fournisseur des outils pour qualifier nos bases. Un jour il m'a répondu, agacé : "Mais ça, ce n'est pas de la gestion de fichiers que vous me demandez, c'est de l'épicerie !" J'étais juste un peu trop en avance. » Tenace, elle crée le premier programme de fidélisation pour les détenteurs de cartes Gold et Platine ex nihilo. Puis rejoint le groupe Amex à New York. Ses yeux, bleu translucide, s'égarent dans le vague. Une pointe de douleur parce qu'elle se souvient "des longs escalators" qui menaient au 41e étage de l'une des Twin Towers. Silence. Elle reprend l'écheveau de sa vie, marquée par la naissance de son deuxième enfant et son retour en France : « J'avais le mal du pays. » Elle intègre alors Apsen Direct, l'entreprise de David Simons. Un troisième enfant en route et un livre en gestation. Son essai, "Marketing de base de données" condense son expérience. « Jusqu'en 1993, j'ai eu l'impression de prêcher dans le désert. Les gens pensaient que les bases de données marketing étaient secondaires au regard de la construction des services informatiques. » Aujourd'hui, elle se plaît dans le conseil en organisation. « On a vite oublié que le marketing direct avait acquis ses lettres de noblesse : c'est nous qui avons vu que la relation client s'effectuait dans la durée. C'est cela que j'aide à construire. » C'est aussi pour ne pas s'enliser qu'elle choisit maintenant de privilégier ses fonctions d'enseignante : « J'ai grandi avec le marketing direct. Pénétrer la théorie me permet aussi de construire l'avenir de notre métier. » Andrea Micheaux fait avec la vie comme avec le marketing. Elle s'interroge pour lui donner un sens.

Parcours


42 ans, mariée 3 enfants. Double nationalité franco-britannique. Diplômée du Cesem de Reims et du Middlesex Polytechnic de Londres. Responsable marketing puis manager Business Developpement chez American Express (Paris, New York). Création et direction au sein du groupe Aspen Direct d'une activité de conseil, et de traitement en bases de données marketing. Publication, en 1994, du livre "Marketing et bases de données" (Editions Eyrolles). Aujourd'hui, associée chez AID. Intervient aussi comme enseignante depuis 1989 dans différentes formations dont le Celsa de Paris. Vient de terminer un DEA en Science de gestion à la Sorbonne. Et envisage de démarrer une thèse.

Muriel Rozelier

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