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La tentation de l'off-shore

Pression économique des actionnaires et des donneurs d'ordres, opportunités technologiques, politiques attractives des acteurs locaux… tout concourt à la délocalisation des call centers. Pour les activités francophones,les perspectives ont fini par se réduire à une alternative : les villes moyennes de métropole ou l'étranger. Avec un net mouvement vers le Maghreb.

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Où implanter son centre d'appels ? Où créer une activité qui repose à 70 % sur la masse salariale ? La question n'est pas nouvelle pour les responsables de call centers. Elle a même très tôt revêtu les attributs du casse-tête, mettant en jeu des paramètres de plus en plus nombreux et soulevant des interrogations toujours plus engageantes. Les critères présidant aux choix d'implantation n'ont pas changé. Jean-Louis Thévenard, directeur des centres de contacts d'Arvato pour la région Est, en distingue quatre : « D'abord le bassin d'emploi, si possible avec une forte tradition de relation au travail. Ensuite, une faible pénétration locale des centres d'appels. Troisièmement, une forte mobilisation des acteurs locaux, tant sur le plan des aides financières que sur la capacité d'accompagner l'entreprise dans ses démarches, recherches d'information et contacts auprès des interlocuteurs sur place. Puis, la disponibilité de l'infrastructure immobilière. » Et le responsable des sites d'Arvato, à Metz et Nancy, d'insister sur la nécessité de se projeter plus loin que l'horizon contractuel dessiné par les soutiens financiers. Car le potentiel de pérennité des activités de service clientèle fait toujours question : bassin d'emploi instable, mais aussi implication trop conditionnelle des acteurs locaux. « L'implantation en province ne peut se départir de la donne politique », confirme Philippe Fackler, consultant chez Ernst & Young. Selon lui, « un centre d'appels peut vivre trois ans de suite sur les seules subventions ». Mais le risque affleure en permanence : comment, au terme de ces trois ans, ne pas voir sa marge passer dans le solde négatif, faute de pouvoir compenser des prix compétitifs par la subvention ? Pour ouvrir, en mai 2003, son site de Grey (Haute-Saône), Eos Contact Center aura déboursé environ 450 000 euros. Pas de subvention au sens propre du terme, mais des aides locales. Un bâtiment de 800 m2 livré flambant neuf par la commune et facturé moins de 80 euros le mètre carré. Le conseil général apportant de son côté un mois de salaire chargé par salarié ce, durant la première année d'activité. Pour les besoins spécifiquement francophones, deux choix possibles : la métropole ou la délocalisation. Quelles sont aujourd'hui les opportunités sur l'Hexagone ? « Pour un centre conjuguant une certaine stabilité dans son activité et une dimension moyenne, de moins de 50 positions, les villes moyennes constituent les meilleures localisations », affirme Jean-François Hallouët, P-dg de Help Line. Les potentiels territoriaux du marché ont convaincu l'outsourcer Arvato de s'engager dans une stratégie de développement de structures réduites. « Ouvrir des centres de 400 postes, soit 750 équivalents temps plein, aujourd'hui, ça n'est plus possible. En revanche, il reste quelques opportunités pour des besoins de recrutement ne dépassant pas 350 équivalents temps plein », résume Jean-Louis Thévenard. Arvato, qui dispose aujourd'hui, dans le Nord et l'Est de la France, ainsi qu'à Malakoff, de cinq plateaux de 200 à 400 positions, prévoit d'ouvrir un nouveau site. Deux villes concourent en short list : Rouen et Le Havre. L'implantation en Normandie permettrait à l'outsourcer d'organiser son dispositif sur un triangle Est-Nord-Ouest. Mais, début octobre, Arvato attendait toujours de signer avec le donneur d'ordres qui justifierait l'ouverture d'un sixième site.

Paris reste la vitrine des activités


Si le développement du marché des call centers, en France, passe par la province et notamment par les villes moyennes, le modèle français ne se départit pas pour autant de son centralisme. « Le savoir-faire et les donneurs d'ordres sont à Paris. Il est donc important d'y avoir un laboratoire », affirme Charles-Emmanuel Berc. Le plan de développement d'Eos Contact Center repose sur la création, à l'horizon 2006, de 10 sites de moins de 100 équivalents temps plein, dans des villes moyennes et vierges de call centers. Après Grey, Eos Contact Center devrait lancer, fin 2003, la production de son deuxième site régional, en Vendée. La problématique des centres d'appels internalisés fait jouer d'autres ressorts. La société Otis a ainsi fait le choix de la “double proximité” : la proximité interne étant censée conforter la proximité externe. Avec ses 110 opérateurs, le service clients du leader mondial de l'ascenseur constitue un pivot de sa démarche commerciale. A ce titre, il doit être accessible et doit pouvoir être visité. L'entreprise a donc développé le service Otis Line dans les murs de son siège social, à Courbevoie. « Je reçois chaque jour un ou deux clients ou prospects sur le plateau, raconte Coralie Mulin, responsable d'Otis Line. La découverte de notre organisation de nos équipes, de nos processus administratifs et opérationnels constitue un plus pour la clientèle. Cette ouverture sur l'extérieur nous a d'ailleurs déjà valu d'emporter des contrats. » Un modèle adopté par l'ensemble des filiales de la société américaine. Le choix du siège social n'est pas propre aux grandes entreprises. Les PME préfèrent également installer leur call center dans leurs propres murs. Une option très largement partagée qui se ressent localement jusqu'aux instances chargées de promouvoir les atouts respectifs des collectivités locales et territoriales. Pour ces agences de développement économique en mal de centres de contacts, le marché des PME n'en est pas un. Mais la raréfaction des gros appels d'offres depuis deux ans sur le marché français a fini de saper les visées des institutionnels locaux en matière d'accueil de ces nouveaux métiers. Alors qu'ils concourraient, en 2000, à deux ou trois compétitions par trimestre, les bureaux de promotion les plus actifs, aujourd'hui, déploient tous leurs outils de veille, à l'affût du moindre projet significatif. Des projets de plus en plus lents dans leur mise en œuvre. « Un dossier dont la localisation nécessitait trois mois et l'installation trois autres mois, ne se solde que très rarement, aujourd'hui, avant 12 mois », résume Dominique Lemoine, responsable des implantations tertiaires à l'Agence de développement économique de l'agglomération rouennaise (Adear) et en charge de la commission “collectivités locales” au sein de l'Association française des centres de relation clientèle. Et pour cause. Les gros projets relèvent essentiellement d'outsourcers mis en compétition par des entreprises que la prudence, le pragmatisme et la pratique du jeu commercial poussent à l'attentisme… Dans ce contexte, l'apport régulier d'affaires pour les Agences de développement vient davantage des projets de moyenne dimension lancés par des outsourcers adeptes de l'exploitation multiclient.

L'off-shore pourrait compromettre la croissance hexagonale du marché


Selon le cabinet Cesmo, 24 % des entreprises ayant développé un call center disent réfléchir à la délocalisation : 60 % en France et 40 % en off-shore. « Les prévisions tablaient sur 20 000 emplois créés, par an, en France. L'off-shore pourrait bien venir compromettre ces projections », souligne Dominique Lemoine. Service 24 h/24 et tous les jours de l'année, prestations internationales délivrées en plusieurs langues… autant d'exigences qui, au regard de la législation française, plaident pour la délocalisation hors de nos frontières. Mais l'off-shore, c'est surtout une main d'œuvre à bon marché. PCCI s'est construit, il y a deux ans, sur un modèle de délocalisation complète de sa production. En l'occurrence, au Sénégal. Le cas PCCI était récemment décrypté par Capital, sur M6. Selon cette source, la paie plancher, proposée par l'outsourcer, est de 180 euros mensuels brut. C'est seulement 15 % de la rémunération en France, mais c'est trois fois le salaire moyen au Sénégal. Et encore, sans les variables : à Dakar, un chef d'équipe gagne 300 euros. Une rémunération fixe qu'il peut tripler voire quadrupler par le jeu des primes. Chaque semaine, PCCI récompenserait une trentaine d'opérateurs en dépassement d'objectifs : des primes qui varient de 20 à 400 euros (deux fois le salaire de base). Une opportunité réelle pour l'emploi dans une capitale où cohabitent 25 000 étudiants et un taux de chômage de près de 40 %. Deux ans après sa création, PCCI est en passe de devenir le premier employeur privé du Sénégal. L'entreprise, qui vise les 2 000 postes dans les deux ans, agit pour le compte de clients français dans des secteurs d'activité très divers : chaîne TV, opérateurs télécoms, presse spécialisée, FAI, lessiviers… Webhelp a pour sa part réalisé un chiffre d'affaires de 2,4 ME au premier semestre 2003 et vise entre 5,7 ME et 6,1ME pour l'ensemble de l'exercice, soit une croissance de 130 % par rapport à 2002. La société compte deux centres d'appels certifiés ISO 9001, emploie 450 personnes, et revendique un portefeuille de plus de 50 entreprises à l'image de Noos, Tiscali, Fnac, Casino, ainsi que de trois nouveaux clients : TF1, L'Oréal Division Produits Professionnels et Universal Telecoms. Présent en France depuis le début de l'année, l'opérateur suédois Universal Telecoms (dont le siège social se trouve à Madère), se développe, en Europe, avec une politique commerciale très agressive. La société a fait appel à Webhelp pour couvrir l'intégralité de ses besoins de relation client sur le marché français à travers plusieurs prestations : saisie et traitement de coupons promotionnels envoyés par courrier à environ 400 000 prospects, Numéro Vert en relai des publicités presse et TV (plusieurs milliers d'appels en quelques jours), émission d'appels à destination des nouveaux clients pour confirmer leur abonnement et recueillir leur niveau de satisfaction. « De tous les prestataires français que nous avons rencontrés, Webhelp offrait le meilleur rapport flexibilité-qualité-prix, avec une capacité de ses équipes à monter en charge très rapidement et accompagner nos plans de développement ambitieux sur le marché français », affirme Mark Hauschildt, P-dg d'Universal Telecoms. Le prestataire l'a emporté avec une proposition commerciale à 15 euros l'heure de production. Ce nouveau client devrait lui garantir un chiffre d'affaires de l'ordre de 10 000 euros par mois. Avec des prestations affichant des tarifs de - 20 % à - 50 % par rapport aux pratiques hexagonales, les donneurs d'ordres cèdent, un à un, aux sirènes de l'off-shore. Chez les grands vépécistes, on a dépassé le stade de la réflexion. La Redoute et Quelle sous-traitent des appels en Tunisie. « Nos activités sont des centres de coûts pour nos entreprises. A fortiori avec les 35 heures et l'effet de la loi Fillon sur la convergence des Smic. Lorsque l'on a déjà recours à de l'outsourcing en Belgique pour pouvoir traiter la production du dimanche et que l'on est dans une logique de recherche du meilleur rapport qualité-prix, on est obligé de regarder de l'autre côté de la Méditerranée », affirme ce responsable du service client au sein d'un groupe de VAD. Bref, sous-traiter ici ou ailleurs… Pour les outsourcers implantés en off-shore, les coûts de revient sont d'autant plus intéressants que les paramètres technologiques s'inscrivent aujourd'hui facilement dans un schéma d'économies d'échelle. Avec le satellite, la minute d'appel entre le Sénégal et la France coûte environ 1 euro. Pour de la production de masse, la fibre optique sous-marine s'avère nettement plus intéressante : un forfait locatif d'environ 50 000 euros par mois, pour un volume illimité de communications et un délai de transmission de la voix de moins de 150 millièmes de seconde.

Un à un, les freins tombent


« Le premier frein de l'off-shore concernait la pérennité des infrastructures techniques. Il est aujourd'hui levé. Le deuxième frein relève du savoir-faire. Il va tomber. Le troisième frein est culturel. Celui-là ne tombera pas. Avec l'off-shore, il y aura toujours un hiatus qualitatif. Ce qui explique les prix », argumente Charles-Emmanuel Berc. En activité, à Rabat, depuis septembre 2003, Eos Off-shore joue la clarté avec ses clients : ceux qui souhaitent bénéficier de prix de production minorés (- 35 % pour le site d'Eos, à Rabat) savent que la qualité de service à attendre n'est pas la même qu'en France. Certains outsourcers présents en France et de l'autre côté de la Méditerranée alignent leur proposition commerciale générale sur la moyenne des coûts de revient en France et au Maghreb. Soit un prix de base unique pour l'ensemble de la clientèle. Les prestations pouvant être indifféremment prises en charge d'un côté puis de l'autre des deux rives. Le prestataire fluidifie ainsi son activité sur ses différents sites. Le client bénéficie de tarifs forcément inférieurs aux coûts de production français. Reste pour lui à se garantir une possibilité de supervision permanente de la production et de ses sites d'origine, afin de ne pas surpayer une prestation qui serait exclusivement délivrée depuis les centres délocalisés. Quelle est aujourd'hui la part de l'off-shore sur le marché francophone de la relation client ? Si les chiffres concernant le tissu des call centers, en France, sont d'une fiabilité douteuse, il n'existe aucune synthèse quant au nombre de positions en délocalisation. En recoupant un certain nombre de données, on peut néanmoins se risquer à quelques estimations sur la force de production des outsourcers français ou des prestataires locaux desservant le marché français : entre 3 500 et 4 000 postes au Maroc, entre 1 500 et 1 800 en Tunisie, près de 500 au Sénégal, 400 postes en Roumanie et 500 postes tout au plus à l'île Maurice. Soit au total entre 6 000 et 7 000 positions de travail externalisées. « L'off-shore représente sans doute entre 3 et 6 % du marché global francophone des call centers. Mais il atteint sans doute aujourd'hui entre 20 et 25 % du marché en outsourcing », confirme Frédéric Jousset, coprésident de Webhelp. Une belle progression, en moins de deux années.Force est de reconnaître que l'off-shore attire avant tout les prestataires de services. Il n'est pas un outsourcer qui ne se pose la question de la délocalisation. Le premier d'entre eux, SR Teleperformance, n'aura pas attendu que ses challengers mettent un terme à leurs tergiversations pour faire ses choix. Il est parmi les premiers à miser clairement sur l'off-shore et s'installe en force en Tunisie. « SRT a un cran d'avance sur tous les autres », note Philippe Fackler. Webhelp et PCCI ont également franchi le pas très tôt. Aujourd'hui, un à un, les autres suivent. B2S en Tunisie, Eos Off-shore, au Maroc, Arvato qui devrait annoncer “dans les prochains mois” l'ouverture d'une activité en pays francophone.

Trois modèles économiques pour l'outsourcing off-shore


En termes de modèle économique, les candidats à l'off-shore se trouvent face à trois options stratégiques. Première configuration : l'outsourcer s'est développé sur le sol français et décide d'axer sa croissance sur une activité délocalisée. C'est, entre autres, le schéma choisi par le leader du marché, SR Teleperformance. Une formule d'ailleurs difficile à tenir, économiquement, pour des acteurs du middle market autour de 20 ME de chiffre d'affaires : assise financière insuffisante et management sous-dimensionné pour supporter de telles réorientations stratégiques. Deuxième cas de figure : une production exclusivement off-shore mais dirigée depuis Paris. Schéma développé par Webhelp et PCCI. « Nous avons pu le faire il y a trois ans parce que la conjoncture s'y prêtait. Aujourd'hui, nous aurions du mal à lever des fonds pour nous lancer dans l'aventure », reconnaît Frédéric Jousset. « Ceux qui misent tout sur l'off-shore se coupent d'emblée d'un marché qui va se développer de manière très forte dans les années à venir : celui des services publics, des entreprises semi-publiques et des services sociaux qui, nécessairement, finiront par filialiser et externaliser leurs services de relation avec le public mais qui refuseront la délocalisation », argumente Jean-Benoît de Mascarel, consultant chez Ernst & Young. Enfin, troisième modèle, le partenariat avec des acteurs locaux. Pas simple non plus. Beaucoup de tentatives, beaucoup de déconvenues. Il faut connaître le tissu et les pratiques locales, avoir un carnet d'adresses, être introduit. La solution du partenariat recèle des approches variées. Pour preuve l'option retenue par Eos Contact Center pour son activité de production en délocalisation commercialisée sous la marque Eos Off-shore. Fin septembre, l'outsourcer ouvrait, à Rabat, une structure de 80 positions. Une activité lancée en partenariat avec un acteur local, Acces Teleservices. La société marocaine fournit la main d'œuvre, Eos Off-shore apporte le savoir-faire et se donne trois mois pour s'assurer que tout se passe bien. « Rapidement, il y a un risque de transfert de compétences. Le protocole passé stipule donc qu'au terme d'une période donnée, si tous les objectifs sont atteints, les deux partenaires s'engagent dans un partenariat exclusif », explique Charles-Emmanuel Berc. Parmi les premiers clients de l'outsourcer à Rabat, l'Américain Culligan. Mais certaines entreprises décident d'ouvrir leur propre structure en délocalisation, sans avoir recours à l'externalisation. Dell pourrait bientôt ouvrir un centre de 400 postes au Maroc, AOL y est déjà présent avec 200 positions de travail. Mais ces deux entreprises préfèrent taire leur présence de l'autre côté de la Méditerranée. « Dans les axes de son plan d'orientation à horizon 2005, France Télécom a tout remis à plat et inclut désormais l'off-shore dans ses consultations », signale Frédéric Jousset. Cependant, pour les entreprises ayant fait le choix d'une exploitation en interne de la production, les ratios économiques s'avèrent moins tranchés. « Il faut trouver le bon rapport entre une main-d'œuvre moins chère et l'inévitable surcoût lié à la mise en œuvre des interfaces techniques et organisationnelles. On n'est vraiment gagnant que si l'on a un volume d'activité suffisant », résume Jean-François Hallouët. On peut situer le coût d'un centre internalisé de 50 postes entre 800 000 et 1,5 ME. Pour un temps d'installation difficilement inférieur à 12 mois. En deçà des 50 positions de travail, la délocalisation resserre considérablement les perspectives de rentabilité. Déplacements, conditions attractives pour les expatriés, formation des cadres à l'anglais…, le poste expatriation grèvera les projets, plaçant les entreprises face à un surdimensionnement des coûts de revient. Le discours “politiquement correct” voudrait que seules les activités à faible valeur ajoutée supportent la délocalisation. Qualité de service oblige. Jean-François Hallouët, P-dg de Help Line apporte un avis discordant : « Ce qui se délocalise le plus difficilement, c'est le contextuel. Or, plus on est dans l'expertise, moins on est dans le contextuel, car tout ce qui est lié au contexte a été filtré. Les services d'assistance technique sont sans doute les plus exportables. D'autant plus que, lorsque des experts parlent à des experts, le critère linguistique perd de sa valeur. »

La mésaventure des Taxis Bleus


La mésaventure des Taxis Bleus au Maroc semble abonder dans ce sens. Installé au siège social de l'entreprise à Sevran, le centre d'appels des Taxis Bleus emploie 104 opératrices et 7 superviseurs, pour un service délivré 7j/7 et 24h/24. En 2002, le plateau reçoit quelque 20 000 appels par jour. Cette même année, l'entreprise décide de délocaliser une partie de sa production de nuit et de week-end. Un certain nombre de sous-traitants installés au Maghreb postulent. En novembre, le prestataire choisi par Les Taxis Bleus, ADM Value, reçoit les premiers appels. Mais très vite, aléas et dysfonctionnements techniques viennent perturber la linéarité du service. La bande passante louée par le sous-traitant à France Télécom s'avère sous-dimensionnée. Le prestataire ne vit pas qu'avec les Taxis Bleus et doit émettre des appels vers la France pour le compte d'autres clients. Lorsque les flux se croisent, des bouchons se créent. Par deux fois, le trafic se trouve complètement stoppé. Autre facteur de souci, plus culturel celui-ci : la qualité de l'information fournie par les opérateurs. Erreurs et approximations se multiplient : « Quand on confond l'avenue de Versailles à Paris et la rue de Paris à Versailles, quand on ne précise pas le numéro des rues, les clients finissent par se plaindre », relate Christophe Beauvais, Dga. Les clients, pour les Taxis Bleus, ce sont aussi les 2 800 chauffeurs travaillant sous l'enseigne. Ces derniers comprennent vite qu'une partie des commandes de week-end et de nuit a été délocalisée. Une pétition circule. « Dès qu'il y a eu menace de grève, nous avons tout arrêté. » On est en janvier 2003, les Taxis Bleus n'auront goûté que trois mois à la délocalisation. Bilan négatif pour une opération même pas génératrice d'économies. Par rapport aux coûts de fonctionnement particulièrement faibles obtenus par la compagnie à Sevran, la baisse imputable à la délocalisation aurait été de moins de 15 %. Soit une économie nulle si l'on prend en compte la quasi-juxtaposition des phases de développement du projet et de rapatriement.Les déboires de la société de taxis sont surtout révélateurs d'une politique de délocalisation insuffisamment préparée et n'hypothèquent en rien, dans l'absolu, l'option off-shore. Il n'empêche, il est des secteurs d'activité qui s'accrochent solidement au sol national. Les banques constituent avec la sphère publique le bastion le plus réfractaire à l'off-shore. Pour Françoise Leroy, directrice du service clientèle du Crédit du Nord, pas question de délocaliser l'activité. « En appels entrants, les opérateurs ont à l'écran tous les comptes du client. L'obligation de confidentialité nous interdit déjà l'externalisation. Alors la délocalisation… » Quid des campagnes de télémarketing en appels sortants, pour lesquels le Crédit du Nord a déjà tâté de la sous-traitance ? « En France, pourquoi pas. Après, je pense que l'on se heurte à des questions culturelles », insiste Françoise Leroy. Et pour l'établissement bancaire, ce n'est pas faute de faire l'objet de sollicitations. « Je reçois même des propositions de la Jamaïque. »

L'off-shore, oui. Mais où ?


« L'off-shore requiert trois conditions. D'abord la francophonie, ce qui exclut une grande partie de la planète. Le français recule partout dans le monde, on ne le parle plus en Asie. Ensuite, un bon réseau télécom. Ce qui écarte la plupart des pays d'Afrique noire. Enfin, un faible coût salarial. Exit le Canada ou la Suisse. De même que les DOM-TOM, où on ne peut créer d'emplois du fait de minima salariaux surdimensionnés pour des environnements qui meurent du chômage », développe Frédéric Jousset, co-président de Webhelp. L'Algérie ? Trop dangereux. Le Liban ? Trop cher. L'Afrique noire ? Souvent trop instable. Reste Maurice et Madagascar, pour ceux que l'éloignement n'effraie pas. Quoique… Les observateurs sont de plus en plus nombreux, concernant Maurice, à faire part d'une main d'œuvre un peu limitée en nombre, doublée d'un fort turn-over.

Fréquence Plus Services se diversifie via la Tchéquie


w Fréquence Plus Services se diversifie via la Tchéquie Filiale d'Air France, Fréquence Plus Services (FPS) est connue comme exploitant du programme de fidélisation de la compagnie aérienne (300 équivalents temps plein, à Ivry-sur-Seine). Aujourd'hui, la société diversifie son activité en créant avec Europ Assistance une entreprise de sous-traitance dédiée à la gestion des programmes montés par d'autres transporteurs. Pour ce faire, FPSEA - nom de code provisoire de cette joint-venture encore naissante - regarde de près les opportunités de localisation de futurs centres de contacts susceptibles de conjuguer coûts de production moindres que dans l'Hexagone et qualité de service acceptable pour des donneurs d'ordres externalisant leurs actions de fidélisation. La société a d'ores et déjà choisi de s'installer en Tchéquie. Une production environ 25 % moins chère qu'en France. « Nous n'y traiterons que les litiges bagages », prévient Alain Nectoux, directeur des services clients de Fréquence Plus Services. Sous-entendu : pas question de brader la qualité des prestations à plus forte valeur ajoutée. Et si FPS lorgne aussi vers la Tunisie et le Maroc (discussions engagées avec Webhelp), c'est également dans l'hypothèse d'une éventuelle délocalisation de tâches basiques. « Ce que l'on gagnerait d'une main au niveau des coûts unitaires, on le perdrait de l'autre en coordination. » Une retenue qui s'explique également par le statut de FPS, filiale d'une entreprise au capital de laquelle l'Etat était encore majoritaire fin septembre.

Muriel Jaouën

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