La standardisation forcée
Délais de commande de plus en plus resserrés, fluctuations imprévisibles du prix du papier, contraintes postales, image encore floue de la puissance incitative du produit : l'enveloppe marketing direct souffre de la convergence de ces différents facteurs. Avec pour effet dommageable une standardisation des formats et des matières.
Les chiffres publiés par les organismes spécialisés le montrent : depuis un
certain nombre d'années, le taux de retour moyen du média mailing ne cesse de
diminuer. Certes, ce type de moyenne n'a guère de valeur analytique. Mais elle
peut au moins être indicative : l'efficacité des messages adressés n'est en
rien absolue, elle est même fragile. Face à cet étiolement croissant des taux
de remontées, les annonceurs doivent favoriser tous les moyens d'optimisation
de leur communication. Et, comme le soutiennent à l'envi les fabricants,
l'enveloppe est le premier élément discriminant dans l'efficacité d'un
mailing. Le fait semble acquis et l'argument revient comme une litanie
commerciale. Pourtant, force est de constater qu'en la matière, aucune étude
n'existe qui soit réellement parlante sur la puissance de l'enveloppe. La seule
analyse publiée est un rapport commandité par le Syndicat général des
fabricants d'enveloppes, pochettes et papiers à lettres auprès de la Sofres,
datant de 1998, qui insiste sur le fait que l'enveloppe papier bénéficie auprès
du public d'une meilleure image que le film plastique. Rien de bien
transcendant donc.
PLAISIR D'OUVRIR
« Les quelques
données que nous détenons sur la perception de l'enveloppe sont assez
convergentes, souligne Bernard Bonneton, directeur du courrier de La Poste.
Nous savons que l'enveloppe est jugée comme un média attractif et original par
les trois quarts des Français, et que 80 % d'entre eux préfèrent les messages
personnalisés. » Rien de bien exaltant non plus. La Poste, si gourmande
d'études, n'aurait-elle rien initié de plus roboratif ? « Il faut reconnaître,
c'est d'ailleurs dommage, que nous ne nous sommes pas penchés sur l'enveloppe
en tant que telle », constate Bernard Bonneton. A la décharge de La Poste, il
est connu et confirmé qu'à une très écrasante majorité, les destinataires de
mailings continuent d'ouvrir les enveloppes et y prennent même du plaisir.
Alors, si, comme l'affirme La Poste, 96 % des Français ouvrent leur courrier,
pourquoi épiloguer sur la puissance incitative du média enveloppe ? Le discours
des fabricants, qui encore une fois, ne repose sur aucune étude, ne serait-il
pas un tantinet caduc ? Sans aller jusqu'à imaginer que la timidité des
transformateurs de papier à commander une bonne fois pour toutes une étude
sérieuse sur la force de l'enveloppe pourrait s'expliquer par leur crainte de
mettre à jour la neutralité de l'enveloppe dans le processus d'ouverture puis
de lecture du mailing, on peut en tous les cas s'accorder sur le fait que, tant
que la force d'incitation de l'enveloppe n'aura pas été démontrée, elle n'aura
pas lieu d'être vantée. Et Bernard Bonneton d'avancer avec justesse : « Il faut
être réaliste en l'état de nos connaissances : je pense que l'enveloppe est
plus un vecteur d'image pour l'émetteur et de valorisation pour le destinataire
qu'un facteur d'efficacité dans le succès d'un mailing en termes de remontées.
»
ANTÉRIORITÉ DU GESTE ET COHÉRENCE DE L'IMAGE
Vecteur
d'image, mais aussi d'antériorité. Si La Poste dit vrai, si 96 % des enveloppes
sont ouvertes, elle ne dit pas quand, ne précise pas le temps de latence moyen
entre le moment où l'on reçoit son courrier et le moment où on l'ouvre. Or, il
est parfois important pour les annonceurs d'être lus avant les autres ; il est
toujours important pour eux d'être lus rapidement. Autre dimension véhiculée
par l'enveloppe : la cohérence. Si nul ne connaît la puissance incitative de
l'enveloppe sur les retours, on peut aisément imaginer que le contenu du
mailing sera mieux perçu s'il s'inscrit dans un tout contenant/contenu en
termes d'identité, de logique de lecture, voire de mécanisme ludique. « Nous
venons de signer la création d'un mailing pour Etam, qui a obtenu 31 % de
remontées. Une enveloppe format carré, couleur fuchsia, annonçant d'emblée la
forte teneur promotionnelle du contenu, représentant un cintre et déclinant une
annonce choc : "des offres pour vous habiller tout l'automne" », souligne Bruno
Moreira, directeur de création des Corsaires. L'enveloppe peut par ailleurs
constituer, au sein d'une même campagne ou tout au moins pour un même
annonceur, un élément de segmentation. « Il nous est arrivé d'adresser un
mailing sous 20 enveloppes différentes à 20 sous-cibles différentes », rapporte
Bruno Moreira.
FACILITER "À L'AVEUGLE" LE SENS DE LECTURE
Enfin, l'enveloppe peut avoir une interaction mécanique
sur le mode de lecture du message contenu. C'est du moins ce que l'on avance
chez La Couronne pour vanter les mérites d'Emir, enveloppe intégrant une
prédécoupe sous le rabat. Le destinataire, s'il veut ouvrir correctement
l'enveloppe, doit le faire à partir d'une encoche située sur le verso. Les
règles de mises sous pli étant ce qu'elles sont, la lettre intérieure,
personnalisée, pourquoi pas surmontée d'une accroche ou d'une annonce
incitative, lui apparaîtra d'emblée, dans le bon sens de lecture. « Ce système
d'ouverture présente d'autre part l'avantage d'être propre, grâce à la
prédécoupe. Il est alors plus facile de ranger le message dans l'enveloppe et
de le conserver pour archivage ou relecture ultérieure », souligne Max Paul
Debily, directeur commercial de La Couronne. Relecture ultérieure et rangement
de l'enveloppe retour. Quand enveloppe retour il y a. Et dans ce cas, quel type
de produit choisir ? Faut-il utiliser des enveloppes T ou préférer le port
payant ? Tout dépend des produits proposés et de la cible. Et aussi de ce que
l'annonceur recherche. Prenons le cas du directeur marketing direct d'un
établissement financier : « Nous pouvons proposer des options négatives à nos
clients. Grosso modo, cela signifie qu'on peut mener une action donnée sur leur
compte dès lors qu'ils ne s'y opposent pas. Si cette action s'avère être
l'ouverture ou la prolongation d'un compte, nous n'avons aucun intérêt à voir
le client nous répondre pour s'y opposer. Dans ce cas, nous allons privilégier
la carte réponse ou l'enveloppe retour à port payant. » Une explication qui
constitue à elle seule la meilleure preuve négative de l'efficacité de
l'enveloppe T comme accélérateur de retours.
L'ENVELOPPE, GRANDE OUBLIÉE NÉGLIGÉE DES TESTS
Mais, pour les annonceurs et leurs
agences, le meilleur moyen de connaître, ne serait-ce que de manière
indicative, le potentiel de remontées de leurs mailings, reste le test. «
L'éternel problème des tests, c'est leur prix, souligne Max Paul Debily. En
fait, les annonceurs pratiquent les splits avec les messages, le contenu des
offres, mais très rarement, on peut même dire jamais avec les enveloppes.
Dommage. Prenons le cas de Cromatico, produit carré en calque coloré dont nous
avons l'exclusivité. L'enveloppe, à l'unité, coûte dix fois plus cher qu'un
format-matière classique, soit un franc pour des volumes moyens. Certains de
nos clients l'ont testée et y reviennent. Il faut croire que l'investissement
est vite rentabilisé. » Pour répondre aux besoins des annonceurs, les
fabricants proposent une gamme de très nombreuses références. Mais, s'ils
investissent tous très lourdement dans un parc de machines capable de fournir
volumes et variété, parviennent-ils à proposer des offres diversifiées ?
Etiquettes repositionnables, embossing, pavés grattables sur semelles de
silicone, imprimé façon kraft, dorure à chaud, calque coloré, encres grattables
ou odorantes... En matière d'enveloppe, l'innovation produit est aussi réelle
que le dépôt de brevet est rarissime. « Innovation n'est pas invention. Nous
n'inventons jamais rien, nous adaptons, nous agrégeons des techniques déjà
imaginées ou éprouvées », souligne un fabricant. Et, si quelques fournisseurs,
à défaut de brevet, détiennent une certaine légitimité de spécialisation sur
certains procédés de fabrication (Déforges pour l'embossing, La Couronne pour
le calque coloré...), tous, du moins les plus importants, sont en mesure de
proposer des produits relativement similaires dans la palette de ce que les
annonceurs pourront demander. « Le choix de l'enveloppe est déterminant. Il
s'agit d'un premier élément discriminant par rapport à une cible donnée »,
résume Gérard Salon, responsable du marketing direct de la Caisse d'Epargne
Midi-Pyrénées, qui envoie chaque année environ un million de lettres. «
J'achète des produits à 9 centimes l'unité. Mais je serais partant pour mettre
beaucoup plus cher, du moins pour ma clientèle haut de gamme, et si je trouvais
la matière que je recherche. Pour les clients "ordinaires", on jouera davantage
sur la couleur que sur la matière », souligne-t-il.
RAISONS ET EFFETS DE LA CONCENTRATION
Cette relative homogénéité de l'offre
s'explique peut-être, entre autres, par la promiscuité accrue des différents
acteurs. Le marché a en effet connu ces dernières années un fort mouvement de
concentration au niveau des fabricants : le principal fournisseur français, La
Couronne, évolue aujourd'hui dans le giron de l'espagnol MDM, holding
contrôlant également Tompla. De son côté, GPV (Garnier Ponsonnet Vuillard) a
fusionné avec PNR (Papeteries Navarre de Roanne). Et GPV Navarre était
mi-février en train de se rapprocher d'une autre entreprise française.
Outre-Rhin, Wolf Bowens, numéro un allemand, vient de fusionner avec le Suédois
Bonx, donnant ainsi naissance au deuxième groupe européen. En France, le
marché se trouve donc partagé entre trois acteurs majeurs : le groupe Tompla,
où cohabitent La Couronne, Déforges et Tompla ; le groupe GPV Navarre, et le
groupe Hamelin (Manuparis, Sepiete...). « Il ne faut plus raisonner en termes
franco-français, souligne Max Paul Debily. La tendance lourde est à
l'européanisation du marché. GPV, qui a racheté une société britannique, ne
cache pas ses ambitions européennes. Hamelin vient d'acquérir l'Allemand
Petersen. Lorsque les papetiers fusionnent, lorsque les vépécistes se
rapprochent, le regroupement est pour les transformateurs que nous sommes le
seul vecteur de crédibilité. » Etre crédible, pour les fabricants, c'est
pouvoir faire preuve de suffisamment de puissance pour investir dans un parc
conséquent. Et un parc conséquent ne se rentabilise que si les volumes traités
sont suffisants. Pari difficile sur un marché du marketing direct dont on
répète à l'envi qu'il est de plus en plus gagné par le micro-ciblage.
PERVERSITÉ DE LA NORME POSTALE
Mais qu'en est-il dans
les faits ? « 30 à 35 % des commandes correspondent à des produits basiques. Et
ce ratio a tendance à augmenter », constate Philippe de Drouas, directeur
commercial de Déforges. De fait le repiquage, c'est-à-dire la commande sur
catalogue de produits stockés, marche très fort. Les annonceurs sont en effet
soumis à des délais de plus en plus serrés dans les prises de décision. Or, le
calage d'une machine pour la fabrication de produits complexes peut prendre à
lui seul 12 à 15 heures. Par ailleurs, une commande de produit original
implique l'achat de papier sur mesure. Autrement dit quatre semaines de délais.
A la Camif, on a depuis longtemps opté pour deux formats, et deux formats
seulement : le 115 x 225 et le 162 x 229. Et la raison majeure de cette
standardisation est la norme postale. Actuellement, le vépéciste imprime ses
enveloppes de manière spécifique pour chaque opération de mailing. Ce qui
empêche les stocks et l'oblige à commander des volumes importants pour chaque
opération. Mais cette créativité en matière d'impression (inspirée en partie,
reconnaît-on à la Camif, d'une veille de la concurrence) s'arrête aux couleurs
et aux motifs. Elle ne concerne ni les formats ni les procédés d'impression ou
de transformation du papier. « Nous avons essayé des formats plus originaux. Et
nous sommes très vite revenus au standard mécanisable », précise François
Chatenet, responsable de l'édition et du développement des nouvelles
technologies de la Camif. Cette propension à la standardisation, du moins dans
les formats, est une donnée généralisée. Les chiffres de La Poste en témoignent
: l'enveloppe traditionnelle (format C5) représente 90 % de son trafic.
Cependant, par-delà cette uniformité dans les formats, le standard lui-même
évolue vers des mailings de plus en plus pondéreux. Selon la Poste, le courrier
de 20 grammes se trouve supplanté par le pli de 35 grammes (la barre des 50
grammes étant assez rarement franchie). Ce qui, nécessairement, induit pour les
enveloppes un grammage suffisamment important, ou une composition suffisamment
robuste pour supporter le poids du courrier et les opérations de mise sous pli.
Et donc, pas de tendance au rabais dans les commandes de base. « Le ratio au
sein de l'agence est d'environ 70 % de créations à partir d'enveloppes
standard. Mais il faut noter que dans des secteurs d'activités comme le luxe,
l'automobile, la mode, les clients nous demandent de plus en plus de formats
originaux », précise Bruno Moreira.
TOUJOURS PLUS VITE, TOUJOURS PLUS DANS LES STOCKS
Le développement du repiquage s'explique par
le rétrécissement des délais que s'octroient les annonceurs et leurs agences
conseil et création. S'il est aujourd'hui possible de commander sur catalogue
et donc sur stock un format standard en trois jours, le temps de livraison d'un
produit à fabriquer sera nettement plus long. Les délais de commande sur des
formats standard (C5) non repiqués sont de trois à cinq semaines. « Dans le
cadre d'un mailing business to business sur le secteur des collectivités
locales, nous avons utilisé une enveloppe de 45 centimètres de long. Il
s'agissait d'une création à 6 000 exemplaires. Délai de commande : six semaines
», explique Bruno Moreira. Plus les produits entrent dans une tranche haut de
gamme, plus les délais de commande sont importants. Ce qui induit, pour les
annonceurs et les agences, qu'un mailing de luxe ou adressé à une cible
privilégiée ne pourra se faire dans l'urgence. Mais, à en juger par
l'engouement autour de certains produits, cette donnée n'est pas forcément
ressentie comme un handicap, du moins pas de manière rédhibitoire. Parmi ces
produits, l'enveloppe Tyvek. Le Tyvek (marque déposée par Du Pont de Nemours)
est constitué de fibres de polyéthylène de haute densité (HDPE), pur à 100 %.
Il s'agit d'un produit naturellement blanc, sans pigment, non toxique,
chimiquement inerte et dépourvu de liant ou de matière de remplissage.
Traduction plus prosaïque : l'enveloppe Tyvek est un produit indéchirable,
étanche et léger. A quoi s'ajoute cet aspect très particulier, soyeux, proche
de l'étoffe. La Société CHL, leader européen dans la fabrication et la
distribution de l'enveloppe Tyvek, propose pas moins de 60 références sur des
formats standard. « 80 % de nos commandes concernent du standard. Et les
volumes ne dépassent pas 50 000 unités. Mais c'est un produit dont les
annonceurs raffolent, surtout, bien sûr, pour des mailings haut de gamme »,
souligne Benoît Piot, responsable des produits et de la communication de CHL.
L'enveloppe Tyvek est un produit cher : huit fois plus en moyenne que des
enveloppes papier "classiques". Un prix que des annonceurs très prolixes en
termes de volumes auraient du mal à soutenir. Même en jouant sur la
négociation. Car, concurrence oblige, des différences de prix existent entre
fournisseurs. Qui demeurent raisonnables lorsque l'on se limite aux acteurs
importants du marché : « On en est à des variations ne dépassant pas les 5 %
pour un million d'enveloppes. Pour des volumes moindres, les différences
peuvent atteindre les 15 % et aller jusqu'à 50 % sur des commandes de 10 000 »,
souligne Philippe de Drouas.
LA NÉGOCIATION, APANAGE DES GROS ANNONCEURS
« Difficile de négocier quand on travaille avec des
délais très coercitifs, explique Gérard Salon. Pour avoir des prix sur
l'enveloppe, il faudrait que je fasse imprimer en même temps que je commande,
ce qui induirait trois à quatre semaines de livraison. Par ailleurs, lorsque
vous soumettez une création le premier du mois et que vous faites une commande
pour le 10, vous pouvez difficilement ergoter sur les prix. Ou alors pour
grappiller quelques centimes... Bien sûr, lorsque l'on commande des volumes
très importants, les choses sont différentes. Ce n'est pas vraiment notre cas.
» Effectivement, le volume est encore le meilleur outil de négociation.
Troisième vépéciste français, la Camif a remis en 1999 18 millions de plis en
dépôt Poste. Si l'on comptabilise les enveloppes retour, très courues en vente
par correspondance, la Camif atteint un volume annuel de 40 millions
d'enveloppes. Ce qui en fait une cible de poids pour les fabricants. « Nous
procédons régulièrement par appel d'offres et choisissons systématiquement deux
fournisseurs. Jusqu'à présent, nous n'étions pas des acharnés de la négociation
», rapporte François Chatenet. Récemment encore, la Camif disposait d'un
service fabrication, qui était l'interlocuteur unique des fournisseurs.
Aujourd'hui, cette entité se double d'un service achats, animé de règles plus
directement commerciales. « Nous allons désormais, comme tous nos concurrents,
faire jouer la concurrence. La négociation va prendre une dimension importante
», note François Chatenet. « Les enveloppes, y compris les enveloppes retour,
sont homologuées par La Poste de manière très stricte, explique le responsable
marketing direct d'une grande entreprise. En ce qui nous concerne, notre
fournisseur nous propose un produit qui passe tous les critères imposés. Nous
n'avons donc pas de raison d'en changer. Ce qui ne nous empêche pas de lui dire
chaque année qu'on le remet en compétition, ce qui n'est pas vrai. Ainsi, s'il
nous présente un devis qui ne nous convient pas, nous pouvons lui faire baisser
ses prix en le menaçant d'aller voir ailleurs où c'est moins cher. »
RÉPERCUSSION DU PRIX DU PAPIER
En fait, un autre
facteur vient compliquer la donne : les hausses et les baisses incessantes du
prix du papier. Tous les deux ans en effet, celui-ci fluctue à la baisse ou à
la hausse, avec des écarts qui peuvent aller jusqu'à 40 %. Les annonceurs qui
travaillent avec des imprimeurs ayant les reins solides souffrent sans doute
moins des mouvements de yoyo dans le prix du papier : leurs prestataires, dès
que les prix baissent, achètent des volumes importants pour stockage. Ce qui
leur permet de répercuter ensuite les hausses de tarifs avec modération. « En
tant que grands consommateurs de papier, nous prenons les hausses de prix de
plein front, remarque François Chatenet. Pour le contenu de l'enveloppe, les
lettres, les divers documents, nous pouvons alors toujours jouer sur le
grammage du papier. Pour l'enveloppe, c'est différent. Les contraintes de la
mécanisation nous empêchent de descendre trop bas dans le poids du papier
choisi. » Côté fabricants, on affirme souffrir doublement de ces mouvements
incessants. « Nous subissons à la baisse comme à la hausse, constate Max Paul
Debily. Lorsque le cycle est à la baisse, on se trouve toujours mis en
concurrence avec des confrères qui jouent le dumping avant d'avoir écoulé leurs
stocks, alors que nous n'avons aucun intérêt à dévaloriser ceux-ci. Quand il
est à la hausse, nous ne voulons, pas, impératifs commerciaux obligent,
répercuter chez nos clients. Tout cela s'ajoutant au fait que le prix de
l'enveloppe industrielle n'a pas cessé de chuter en francs constants depuis un
certain nombre d'années. » Pour les fabricants d'enveloppes, heureusement
portés par le dynamisme du marché du MD, la pérennité est rivée à trois
conditions majeures. L'innovation, tant il est vrai que la croissance du marché
se fait aussi du côté de mailings pointus, micro-ciblés, différenciants. Les
services, parce c'est de ce côté également que se jouera la différence. Les
stocks, nécessité absolue sur un marché où les délais deviennent de plus en
plus serrés et les prix de plus en plus aléatoires. Quant aux annonceurs,
peut-être vont-ils se décider plus massivement à investir dans la création, du
moins à accepter de concilier davantage créativité et volume ? Et, enfin,
reconnaître le média enveloppe à sa juste valeur.
Le marché de l'enveloppe
Il est impossible d'obtenir des données chiffrées homologuées et mutualisées sur le marché de l'enveloppe en France. Les chiffres indiqués ci-dessous sont le fruit de sources diverses (SNCD, La Poste, fabricants). On estime ainsi à 6,5 milliards le nombre d'enveloppes fabriquées dans le cadre d'opérations de marketing direct ou pour le compte de vépécistes, soit un peu moins du tiers du marché global de l'enveloppe (22,5 milliards). Le chiffre d'affaires de l'enveloppe MD serait lui de 2,2 milliards de francs (CA fabricants cumulés). C'est l'enveloppe MD qui porte le marché, avec une croissance 3 à 4 % selon les fabricants, et de 6 % selon La Poste (contre 2 % pour le marché global de l'enveloppe). Selon les projections de la profession, ce rythme de croissance devrait perdurer dans les cinq ans à venir. Le marché européen (114 milliards d'enveloppes) est dominé à parts égales par la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. A échelle européenne, quatre groupes se partagent le gros du marché : l'Espagnol MDM, le Suédois Bonx, les Français GPV Navarre et Hamelin.
PAP : du grand public au B to B
Caisse d'Epargne Centre Val de Loire : gérer les stocks
PAP : du grand public au B to B
« Les délais de fabrication des enveloppes sont délirants. Mes enveloppes porteuses portent le logo de la banque. Pour rester dans les délais, je suis obligé d'en acheter à l'avance et de les faire repiquer. » Marc Fortier, responsable du marketing direct de la Caisse d'Epargne Centre-Val-de-Loire, achète ses enveloppes par le biais de son imprimeur, par volumes de 100 000 à 200 000 unités. « De quoi tenir de trois à cinq mois », précise-t-il. La Caisse d'Epargne Centre-Val-de-Loire doit donc gérer un problème de stock évident. « Je ne peux pas stocker dans mes locaux. L'imprimeur qui m'achète les enveloppes pourrait ventiler les lots chez les routeurs et leur demander d'assurer le stock, ils ont de l'espace pour cela. Seulement, je ne veux pas m'engager à l'avance avec un routeur sous prétexte que je stocke chez lui. C'est donc mon imprimeur qui stocke les enveloppes », explique Marc Fortier. Ce qui oblige la Caisse d'Epargne Centre-Val-de-Loire à travailler avec des imprimeurs géographiquement proches, choisis chaque année par appel d'offre dans un rayon de 100 kilomètres. Le fait de commander des enveloppes en quantité et très à l'avance induit la nature même du produit commandé : un produit susceptible d'être exploité dans tout type d'action, standard, repiquable : 115 x 225 et 162 x 229 et enveloppes porteuses. Le responsable du marketing direct de l'établissement bancaire ne préférerait-il pas utiliser des vecteurs de communication plus originaux ? « Ce qui structure ma demande en matière d'enveloppes, ce sont les délais et la mise sous pli, souligne-t-il. Dans la mesure où je travaille avec un réseau, dont les actions sont calquées sur mes mailings, je fais deux à trois dépôts Poste dans la semaine, je ne vais pas prendre le risque d'acheter des produits qui, au final, ne seraient pas mécanisables et de passer beaucoup de temps en suivi de fabrication. »
PAP : du grand public au B to B
Il y a deux ans, La Poste lançait le PAP, ou "Prêt à poster", enveloppe prétimbrée à destination d'une cible grand public. Succès du produit oblige, la cible s'est élargie aux entreprises. « C'est un bon vecteur de reconnaissance et de valorisation. Pratique pour les PME qui ne disposent pas forcément de machine à affranchir ; apprécié également de grandes entreprises comme Quelle ou la GMF, qui comptent aujourd'hui parmi nos clients PAP », rapporte Bernard Bonneton, directeur du courrier de La Poste. « Les enveloppes pré-timbrées de La Poste sont un excellent produit : un timbre, même s'il est imprimé et non collé, reste toujours plus valorisant pour le destinataire que la flamme du routeur. Le hic, c'est que, pour entrer dans des pratiques tarifaires acceptables, il faut commander des volumes minimums de 100 000. J'en achèterais à 20 000 maximum, et à des prix plus raisonnables. Mais pas dans ces conditions », affirme Gérard Salon, responsable marketing direct de la Caisse d'Epargne Midi-Pyrénées. Le PAP coûte 4 francs à l'unité, 3,15 francs au mille. Quant à la personnalisation du timbre à la commande, elle coûte 15 centimes l'unité dans des tranches de 10 000 à 50 000 et 5 centimes à partir de 300 000. En 1999, La Poste a fabriqué 200 millions d'enveloppes PAP, dont la moitié pour les entreprises.
Des services pour gagner du temps
Puisque les annonceurs sont si soucieux de tenir des délais de plus en plus contraignants, leurs fournisseurs mettent en place, par-delà leur offre produits, des services susceptibles de les aider. GPV Navarre a ainsi lancé deux offres de services, le PAM (Poste avancé marketing) et PrintChannel. Le PAM s'adresse aux acteurs de la VPC et du marketing direct. Sa finalité : la conception et la réalisation de commandes d'enveloppes imprimées en lien direct avec le site de production spécialisé du groupe GPV. Le système fonctionne sur la base d'une plate-forme multi-élément, conjuguant visio-conférence, transmission de données numériques et travail collaboratif en temps réel. Il s'agit en fait de créer entre le fournisseur et le client une relation rassurante pour ce dernier. Et, surtout, de réduire les délais de fabrication : « Le temps de traitement moyen de la commande et de la validation graphique passe de 10 à 6 jours, explique Vincent Joffre, directeur du marketing de GPV Navarre. Dès qu'une commande a fait l'objet d'une validation, le client (ou son agence) se voit transmettre en données numériques la forme exacte de l'enveloppe. L'agence peut alors concevoir sa création de manière plus adaptée, en tenant compte des contraintes techniques. La conception est retournée à GPV, qui se connecte avec l'usine et ce, toujours via le PAM. Si la faisabilité est avérée, on imprime le BAT et l'on peut immédiatement le faire valider par le client. Le BAT est alors transféré à l'usine, qui peut entrer en production. » PrintChannel est une Solution Internet comprenant trois modules : GPV demande à son client (plutôt un grand compte) de définir le(s) produit(s) qu'il souhaite utiliser pour ses campagnes. Ce modèle est déposé dans une base de données. Lorsque le client voudra passer commande, il ira rechercher le modèle en ligne, pourra jouer sur une zone variable pour la création de messages spécifiques, et lancera l'ordre de production depuis son clavier. L'outil de GPV est en quelque sorte un outil de repiquage en ligne. Avantages pour l'annonceur : une réduction du temps de commande de 30 à 50 % et des économies qui y sont liées.