La force tranquille
Il a des certitudes. Des convictions profondes, matinées de bon sens, qu'il
revendique comme éthique de sa vie. Eric Vaubourgeix croit aux traditions. Ou,
plus exactement, à certaines valeurs intangibles comme la responsabilité. Ce
mot revient sans cesse. Pour définir le monde tel qu'il court à sa perte ou,
même, son travail à l'agence Meura. « Notre planète vit une crise de
responsabilités fortes aujourd'hui. Personne n'accepte plus d'agir en
responsable. C'est vrai pour la famille, on fait des enfants comme on consomme
un pack de bières, pour la ville, on crée des zones de non droit à la
périphérie qu'on laisse ensuite se dégrader. Mais c'est vrai aussi pour
l'entreprise où les cadors de la haute finance entraînent parfois leurs troupes
à une quasi-faillite. » Lui refuse. Sa vie tout entière s'inscrit dans la
pérennité du bien public. « Je pense que l'on est sur terre pour laisser
quelque chose à la collectivité. » Et, à défaut de créer de la richesse, au
moins ne pas mettre en péril le devenir des générations suivantes. C'est pour
cela qu'il mise sur le développement durable. « Ce n'est pas seulement un
slogan publicitaire. C'est aussi une nécessité. Même si je sais qu'il demande
des moyens que les sociétés n'ont pas forcément. » A l'écouter, on pourrait
presque prendre cet homme, « pas complètement à droite », pour un sympathisant
d'Attac, morigénant contre la globalisation. Il assume. Ses racines, sans
doute, sont pour beaucoup dans la foi revendiquée en l'immuabilité des choses.
Petit-fils de paysans de l'Avesnois, une région de bocage à proximité de Lille,
il puise dans ce terroir du Nord, sa solidité psychique. Et l'énergie pour
mener de front la présidence de l'agence Meura, et celle de la délégation
Marketing Communication de l'Association des agences conseils en communication
(AACC). « J'ai besoin d'espace. La vie en ville m'insupporte. Je reste un "gars
des champs", qui ne trouve son équilibre qu'à la campagne, dans une ferme où
l'on élève des chiens, des poules ou des moutons. » Pourtant il passe la moitié
de son temps à Paris où son agence possède son siège : « Dès le départ les
clients de Meura étaient d'envergure nationale. Son implantation à Lille, Meura
ne la devait qu'au vouloir de son fondateur. » Un ancrage difficile pour lui,
qu'il compense en s'impliquant à fond dans son métier. « J'ai toujours voulu
être dans le marketing. Pour moi, c'est l'une des fonctions les plus nobles au
sein de l'entreprise. La relation commerciale est l'une des plus intenses, des
plus belles que l'on puisse avoir après l'amour. Mais c'est aussi une forme de
séduction, compliquée et forte, qui demande un enthousiasme sans cesse
renouvelé. » C'est une relation durable encore qu'il souhaite enclencher.
Meura, alors, est un instrument « créatif et efficace » qui lui permet
d'édifier « de la richesse et peut-être de la redistribuer ». Car voilà bien sa
vérité : Eric Vaubourgeix est un leader dans l'âme. C'est sa force ou sa nature
: il aime mener les gens. Et veut transmettre une vision du métier faite
d'excellence et de labeur. D'où l'enseignement qu'il distille aux étudiants du
magistère de Lille, dont il sera le parrain de la prochaine promotion. On le
croirait installé. Il n'en est rien. « Quand j'ai commencé, j'avais dans la
tête de rester dix ans en entreprise pour apprendre. C'est ce que j'ai fait.
Puis dix ans encore à diriger pour m'enrichir. Cela fait maintenant plus de
douze ans et je ne suis toujours pas riche. Mais il y aura une fin. Je ne suis
pas sûr de me voir en retraité du marketing direct. » Pas d'idées précises sur
ce nouveau destin. Juste ce besoin d'accomplir sa vie d'homme au service du
bien collectif et, peut-être, de laisser une trace. Si minime soit-elle.
Parcours
46 ans, marié, 3 enfants. Maîtrise d'économie. Il travaille longtemps côté annonceur. D'abord, comme responsable marketing au Crédit Agricole. Il devient ensuite directeur du développement et du marketing de la filiale financière de La Redoute, Finaref. Puis, il passe à la direction marketing et communication de la Banque Populaire du Nord. En 1991, il crée son agence, Traction avant. Mais en 1992, il prend la présidence de Meura qui fusionne, en 1997, avec Répondances Nouveau Langage. Longtemps vice-président de la délégation Marketing Communication de l'Association des agences conseils en communication (AACC), il en occupe, depuis deux ans, la présidence.