La création publicitaire originale est une oeuvre
Eléments incontournables des stratégies publicitaires, les visuels, PLV, logos, slogans, chartes graphiques et autres musiques sont le plus souvent conçus et réalisés par des agences spécialisées. Toute commande auprès de ces dernières, ou d'un tiers quel qu'il soit, doit être passée dans le cadre d'un contrat qui détermine les modalités d'exécution des prestations de création, ainsi que les conditions et obligations des agences. Dans ce cadre, il convient de prendre des précautions pour permettre à l'annonceur d'exploiter ces éléments de la manière la plus libre possible.
MAITRE CELINE AVIGNON
MAITRE CELINE AVIGNON est avocate, directrice du département publicité et marketing électroniques du cabinet d'avocats Alain Bensoussan, spécialisé dans les nouvelles technologie
Des oeuvres protégées par le droit d'auteur
Les créations publicitaires originales sont considérées comme des oeuvres de l'esprit, quels que soient leur mérite, leur support et leur esthétique. Sont ainsi protégés, si l'originalité est présente, des dessins, présentoirs, prospectus, slogans, etc. L'auteur de cette oeuvre dispose de droits d'auteur sur celle-ci, qui lui permettent d'interdire toute exploitation, diffusion, reproduction ou adaptation sans son accord.
Pour que l'annonceur puisse exploiter ces oeuvres, 'auteur doit donc lui avoir cédé ses droits.
Toutefois, l'article L. 132-31 du Code de la propriété intellectuelle précise que, dans le cas d'une oeuvre de commande utilisée pour la publicité, « le contrat entre le producteur et l'auteur entraîne, sauf clause contraire, cession au producteur des droits d'exploitation de l'oeuvre, dès lors que ce contrat précise la rémunération distincte due pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre, en fonction notamment de la zone géographique, de la durée de l'exploitation, de l'importance du tirage et de la nature du support ».
Mais cette présomption ne s'applique pas à toutes les créations publicitaires: les droits cédés ne le sont que dans le cadre de la campagne envisagée. Par ailleurs, selon un arrêt de la Cour de cassation du 8 décembre 2009, cet article ne s'applique pas entre une agence et un annonceur. La cession des droits sur les oeuvres publicitaires doit donc s'organiser selon le droit commun. Dans le contrat, la clause de cession doit définir précisément les droits cédés (exploitation, reproduction, diffusion, adaptation, traduction...) et les supports. La durée de la cession et la zone géographique concernée doivent être précisées.
Il convient d'être particulièrement vigilant quant à l'étendue de cette clause. En effet, si les droits cédés, l'étendue géographique ou la durée ne sont pas adaptés aux besoins de l'annonceur, alors celui-ci risque de se retrouver à exploiter une oeuvre publicitaire sans droit et d'engager sa responsabilité sur le fondement de la contrefaçon.
Responsabilité et obligations de l'agence
L'agence, en tant que professionnel de la publicité, est soumise à une obligation d'information, de conseil et de mise en garde. Mais surtout, elle doit assumer une obligation de résultat quant à la licité des oeuvres qu'elle réalise pour l'annonceur. Elle doit le garantir contre les risques de poursuite, et notamment, sans que cette liste soit exhaustive, garantir la conformité des oeuvres publicitaires à la loi et au règlement, mais également s'assurer qu'elles ne constituent nullement une contrefaçon ou un acte de parasitisme. L'oeuvre doit pouvoir être exploitée sans risque par l'annonceur, c'est-à-dire sans porter atteinte aux droits des tiers et sans enfreindre une quelconque obligation légale.
Compte tenu de l'importance stratégique des éléments d'une campagne et des conséquences désastreuses que pourrait entraîner une interruption ou toute action contentieuse en raison du caractère contrefacteur, parasitaire ou illicite d'un de ces éléments, l'annonceur doit obtenir de solides garanties de la part de l'agence et, le cas échéant, pouvoir se retourner contre elle en cas de problème.
Pour sécuriser une campagne, il est donc recommandé de contractualiser les liens entre l'auteur (l'agence) et l'annonceur, et d'auditer les éléments créés pour apprécier leur conformité légale et réglementaire. A fortiori lorsque l'annonceur intervient dans un secteur d'activité réglementé, comme par exemple le crédit à la consommation ou les assurances.